vendredi 17 juin 2011

"L'écriture comme un couteau"

Quand je pense à la littérature française d'aujourd'hui, j'ai un nom qui me vient à l'esprit. Certains pourraient citer Modiano, Quignard, Le Clézio, etc. Je suggère un nom, celui d'Annie Ernaux. Je viens de terminer un entretien d'Annie Ernaux avec Frédéric-Yves Jeannet , "L'écriture comme un couteau" aux éditions Stock, publié en 2003. Annie Ernaux fait partie de ma vie de lectrice depuis la parution de son premier roman "Les armoires vides" en 1974. J'ai tout lu depuis cette date et en particulier le très classique "La place" que l'on devrait faire lire au collège et au lycée. Tous ces récits font partie d'une littérature autobiographique, autofictionnelle, intimiste qui a une portée universelle. Dans le livre d'entretien, Annie Ernaux répond en profondeur aux questions très pertinentes de Frédéric-Yves Jeantet, lui-même écrivain. Il est question des influences de ses lectures, la genèse de ses livres qu'elle définit comme des romans pour certains d'entre eux et des récits autobiographiques pour d'autres. Annie Ernaux, modeste et lucide sur son oeuvre, sur la vie littéraire, traite souvent du sentiment d'humiliation, de trahison de classe et d'identité féminine. Elle confie aussi qu'elle tient un journal intime sur la "fabrication" de son oeuvre. Le lecteur de ces pages perçoit la double identité d'un écrivain, une vie totalement consacrée à ces "travaux d'écriture" qui transforment une vie en livres et l'autre vie, intime et personnelle, cachée et secrète. Annie Ernaux nous dit : "C'est au fond ma propre vision de la littérature que j'affirme , c'est à dire mon désir que chaque phrase soit lourde de choses réelles, que les mots ne soient plus des mots, mais des sentiments, des images, qu'ls se transforment, aussitôt écrits/lus, en une réalité "dure" par opposition à "légère", comme on le dit dans le bâtiment." Plus loin, elle explique qu'elle "veut sauver de l'effacement des êtres et des choses dont j'étais l'actrice, le siège ou le témoin, dans une société et un temps donnés, oui, je sens que c'est là ma grande motivation d'écrire. C'est par là une façon de sauver ma propre existence". Annie Ernaux vient de sortir un nouvel opus "L'autre fille" que je vais évidemment lire cet été. Si vous voulez des idées de lecture, n'oubliez pas de découvrir "Les années" qui, pour moi, est son meilleur livre... .