mardi 7 novembre 2023

"L'enlèvement", film de Marco Bellocchio

 Marco Bellocchio porte à merveille ses 83 ans. J'avais vu sa série "Esterno notte" sur l'assassinat d'Aldo Moro, une série historique s'attaquant à "l'inconscient collectif" de son pays et à son rapport au terrorisme des Brigades rouges pendant les Années noires. Ce dernier long métrage, "L'enlèvement", se passe dans les rangs de l'Eglise catholique au XIXe siècle (1850-1870). Le réalisateur dénonce l'autorité abusive du pouvoir spirituel sur le pouvoir temporel. L'intégrisme régnait de ce côté là en Italie. L'histoire démarre à Bologne en 1858 dans une famille de confession juive, les Mortara. Le petit Edgardo, âgé de 7 ans, est arrêté par la police sur l'ordre d'un prêtre inquisiteur. Ce personnage sinistre a appris que l'enfant a été baptisé et il est hors de question qu'un chrétien vive dans une famille juive. Il est conduit à Rome dans un collège de catéchumènes attaché au Saint-Siège, près du Pape Pie IX. Les parents d'Edgardo sont atterrés par ce rapt et mobilisent leur communauté pour récupérer leur fils. La loi pontificale rejette toutes les demandes répétées. Le pape répond "non possumus". Le père, Momolo, comprend qu'une nounou a baptisé son nourrisson six ans plus tôt et ce geste a changé radicalement la vie du petit garçon. Les parents obtiennent la permission de visiter leur petit garçon mais ils se rendent compte de l'influence que l'Eglise a imposée à Edgardo. Des scènes entières portent sur cette imprégnation méthodique du dogme catholique que les prêtres imposent aux pensionnaires. L'arrière plan historique est bien reconstitué par le réalisateur concernant le Risorgimento, le mouvement d'unification politique de l'Italie qui fera chuter le pouvoir papal. L'Histoire a broyé cet enfant juif en l'arrachant à sa famille et en le forçant à une éducation catholique qui ressemble à un lavage de cerveau. Le pape remplace la mère et le père et il est particulièrement grotesque ainsi que l'aéropage de tous ses serviteurs. Devenu adulte, Edgardo rejette son identité d'origine et ne reverra pas sa famille pendant des années. Quand sa fratrie l'invite à dire adieu à sa mère mourante, il tente de la convertir au catholicisme. La musique expressionniste de Fabio Massimo accompagne une mise en scène dramatisée à outrance comme dans un opéra tragique. Ce film somptueux explore l'aspect ignoble de l'antisémitisme provenant du dogme catholique au XIXe et résonne d'autant plus fortement en ces temps sombres que traverse notre pays.