jeudi 3 juin 2021

"Comment supporter sa liberté"

 Chantal Thomas a écrit en 1998 un essai assez bref de 150 pages, "Comment supporter sa liberté", publié chez Payot. L'écrivaine et académicienne compose un méli-mélo d'analyses littéraires et de références autobiographiques. Elle écrit dans son introduction : "Comment supporter sa liberté ? n'offre aucune démarche conséquente, aucun mode d'emploi. Cet essai se veut plutôt une incitation aux déplacements, aux absences. Il propose des manières d'habiter les marges, d'inscrire les mirages, de célébrer sa solitude". D'anecdotes historiques en anecdotes littéraires, Chantal Thomas livre ses variations sur la liberté. Elle cite Chateaubriand qui a toujours aimé la mer et ses rivages. Elle-même éprouve une fascination particulière pour l'océan : "La plage est à l'origine de mes plus sûres découvertes, de celles dont je continue de vivre malgré leur ancrage en un terrain friable, sur lequel, par définition, rien de durable ne s'édifie". Plus loin, elle avoue que "l'enfant qui grandit au bord de la mer se sent aussi proche des poissons et des crabes que de ses semblables". Cette connaissance d'une nature proche lui apporte une relation en "décalage" par rapport à la société. Cette célébration de la mer et de ses plages appartient à la "cosmogonie" de l'écrivaine. Elle consacre un chapitre aux chambres "où l'on passe". Quand elle était étudiante, Chantal Thomas décrit ce sentiment de ravissement du "chez-moi" : "Je m'étais perçue modifiée par les pouvoirs de ce chez-moi : la même d'une certaine façon mais plus déliée, l'esprit plus rapide et léger, une pure disposition d'être, sans le poids des attitudes soufflées du dehors, ni la limite des volontés imposées par autrui". Dans cet éloge de la liberté, Virginia Woolf prend une place privilégiée en écrivant "Une chambre à soi", paru en 1929 et d'une actualité permanente et universelle. Ce "luxe inouï" pour une femme des temps passés est un espace de la "non-dépendance" et permet la créativité. Marguerite Duras considère cet essai de Virginia Woolf comme "un livre inaugural, fondateur, un livre dont l'influence, immense pour les femmes, nulle pour les hommes, trace une ligne de partage entre les sexes". Les chambres, des "empires de la liberté", rejoignent aussi les cafés que l'autrice apprécie particulièrement : "C'est dans les cafés que l'on traque les fantômes de la liberté". D'autres sujets sont abordés : la femme et le refus de maternité, l'éloge des voyages à travers Nietzsche, Flaubert, Rimbaud, Isabelle Eberhardt, Casanova, le tourisme, etc. Que nous conseille avec élégance Chantal Thomas ? Cultiver l'indépendance, voyager, pratiquer la légèreté d'être, rompre la chaîne des obligations, en un mot : se libérer ! Cet essai est une vrai régal de lecture !