jeudi 22 mai 2014

"Apaisement"

Il lui a fallu attendre de longues années pour connaître cet "apaisement", je veux parler de Charles Juliet et de son journal, le septième, retraçant les années 1993-2003. Son fidèle éditeur P.O.L. l'accompagne depuis les années 70 et j'ai lu son journal de tome en tome avec un intérêt toujours aussi vif et une empathie certaine pour cet écrivain-poète. Il a connu le succès (enfin) avec "L'année de l'éveil", un récit sur son adolescence comme enfant de troupe dans une école militaire à Aix en Provence. Il a aussi rencontré son lectorat avec "Lambeaux", un livre bouleversant sur sa mère, atteinte de troubles mentaux et morte de faim pendant la guerre. Le sentiment de solitude d'enfant va le hanter toute sa vie dans beaucoup de ses textes dont le "Journal". Paru en 2013, son journal évoque ses rencontres avec des lecteurs, des amis, des artistes. Sa sociabilité et son investissement dans le monde des lettres, dans les librairies, les bibliothèques jusqu'aux visites dans les prisons montrent un écrivain engagé dans le militantisme... de l'écriture. Il croit à la valeur thérapeutique de la création littéraire et il avoue que l'écriture lui a sauvé la vie tant la dépression prenait souvent le "dessus" dans sa vie passée. Dans sa vie d'écrivain, le monde est bien présent à travers les anecdotes sur des sujets d'actualité et même sur la vie politique. Je cite ses mots pour définir son projet : "L'écriture fait partie intégrante de mon aventure intérieure. Au point qu'elles en sont en moi confondues. Mon journal m'a permis de réaliser une auto-analyse, de résigner mon moi et de m'engager dans la recherche du soi, un soi si difficile à atteindre. (...) L'important est d'avoir accès à son intériorité. (...) De toutes les aventures possibles, celle-ci est la plus passionnante, celle qui ménage les plus étonnantes et les plus fécondes découvertes." Son journal de la maturité, "Apaisement", prend tout son sens car Charles Juliet nous offre ce sentiment si précieux, si rare dans la vie : calmer ses angoisses, dompter ses démons intérieurs, s'ouvrir aux autres et à la vie, toujours maintenir à vif sa passion de l'écriture, de la poésie et de la peinture. Il dit lui-même que ce journal est un ensemble de notes poétiques pour "restituer des moments de vie, des rencontres, des souvenirs, des lectures, des émois, des errances intérieures, des réflexions sur la connaissance de soi, le difficile retour à la source, la conquête d'une efficace liberté." Si vous aimez la parole intime des écrivains, il ne faut pas manquer de découvrir Charles Juliet, un écrivain discret mais, ô combien, essentiel.