lundi 28 septembre 2020

La Nouvelle Revue Française

 J'ai évoqué dans mon blog la disparition d'une revue de sciences humaines, Le Débat. Dans le monde de la littérature, il existe une revue qui dure vraiment depuis très longtemps car elle a été fondée en 1908. Ce joyau patrimonial se nomme "La Nouvelle Revue Française" ou en raccourci, la NRF. Parmi les créateurs de la revue, on trouve entre autres Charles-Louis Philippe et André Gide. Gaston Gallimard financera la NRF et cette publication deviendra le fleuron de la maison d'édition. Elle a publié les premiers textes de Jean-Paul Sartre et d'André Malraux. Sa réputation d'écurie Gallimard résiste encore de nos jours et Michel Crépu, le directeur, tient un blog très pertinent sur la littérature. Le numéro de mai-juillet m'a particulièrement intéressée : j'ai retrouvé avec plaisir un article de Philippe Lançon, l'auteur du magnifique récit, "Le Lambeau", disponible en Folio depuis quelques mois. Un journaliste lui demande une liste de "feel-good books", des livres qui font du bien. Il a traversé une épreuve douloureuse et horrible après l'attentat de Charlie Hebdo car il a été gravement blessé. Il compare cette liste à une ordonnance médicale et avoue son incrédulité devant une demande pareille. Pour lui, les "feel-good books" ne sont pas des livres de développement personnel, ou optimistes ou béats. Il évoque ses lectures d'adolescents : Rimbaud, Proust, Kafka, Céline : "Je crois que j'ai commencé à lire depuis ce malaise et dans la solitude qu'il engendrait. Ce sont des livres qui m'ont permis d'explorer le malaise. Ils ont été mes amis inconnus". Il cite les œuvres qui l'ont sauvé de son gouffre personnel avec la reconstruction de sa mâchoire pendant de longs mois d'hôpital : "La Montagne magique" de Thomas Mann, "Les lettres à Milena" de Kafka et la "Recherche du temps perdu" de Proust. Livres "éclaireurs", livres "sauveurs", il écrit : "Ils ont tendu une infinité de miroirs à ma propre vie" sans lui apporter des "recettes" ou des "certitudes". Son récit, "Le Lambeau" est devenu en quelque sorte un "feel-good book" pour beaucoup de lecteurs et de lectrices. Il relate le courrier émouvant qu'il a reçu après la publication de son livre. L'article se termine sur ce constat : les livres qui font du bien n'existent pas en tant que catégorie. Il faut lire et relire les chefs d'œuvre de la littérature mondiale. Tout simplement.  Dans la revue, j'ai trouvé aussi une chronique sur Pierre Michon, des nouvelles, des critiques fort pertinentes. Un régal de lecture, des moments de littérature d'une élégance discrète, sans tam-tam médiatique. La touche Gallimard... Et une envie de relire les "sauveurs" de Philippe Lançon : Mann, Kafka et Proust... Un programme océanique de lecture.