mardi 31 janvier 2012

"Virginia et Vita"

Quand j'ai vu ce titre de roman, écrit par Christine Orban, j'ai pensé tout de suite à l'histoire d'amour entre Virginia Woolf et Vita Sackville-West. J'aime beaucoup les écrivains qui se saisissent de la vie d'autres écrivains pour proposer une trame fictive inspirée du réel. Pour ceux qui connaissent Virginia Woolf, ce roman est tres documenté et reflète bien cette vie à l'anglaise dans les années 20. Christine Orban évoque son mariage de raison avec Léonard, ses relations amicales, sa vie d'écrivain, obsédé par son oeuvre. Ce pari de reconstitution est réussi : rendre vivante Virginia Woolf en nous faisant partager ses tourments, sa solitude, ses migraines récurrentes et sa vocation d'écriture exigeante et complexe au péril de sa raison. Vita, son amie de coeur, bisexuelle et androgyne, inspire Virginia, qui est fascinée par cette femme aristocrate, séduisant tous les êtres qu'elle rencontre. Vita devient "Orlando", le jeune chevalier traversant les siècles et se transformant en femme au vingtième siècle. Ce roman atypique de Virginia Woolf ressemble à un conte et comporte tout l'amour que portait Virginia à Vita. Ces deux femmes exceptionnelles illuminent le roman et donnent envie de les retrouver dans leurs oeuvres respectives, surtout Virginia Woolf, et son "Orlando". La vie modeste, frugale et austère de l'une, Virginia, s'oppose à la vie dissipée, chatoyante, baroque de l'autre, Vita. Deux femmes tellement différentes et tellement semblables dans leur destin. Pour l'une, Virginia, la passion absolue de la littérature, pour l'autre, Vita, l'audace de vivre sa vie sexuelle en toute liberté et toute franchise. Ce roman "biographique" est à découvrir pour Virginia, la grande et la géniale Virginia Woolf...

lundi 30 janvier 2012

Albert Camus, une pensée au zénith

Ce numéro Hors-série du Magazine littéraire, consacré à Albert Camus, est en vente dans les Maisons de la Presse. Albert Camus est mort le 4 janvier 1960 dans un accident de voiture, conduite par Michel Gallimard. Michel Onfray nous offre aussi un essai très important sur Camus, "L'ordre libertaire, la vie philosophique d'Albert Camus", livre qui a constitué la une des hebdos en début janvier. Le Hors-série nous propose un grand nombre d'articles très éclairants sur l'oeuvre camusienne et sur l'homme. Des articles, signés Michel Onfray, Olivier Todd, Alain Finkielkraut, Roger Grenier, Jean Daniel, Max-Pol Fouchet, nous apportent des points de vue multiples sur cet écrivain abondamment critiqué, conspué, voire méprisé par ses pairs d'hier à aujourd'hui. "un philosophe pour les Terminales" disait un critique littéraire. De nos jours, il est plutôt admiré, aimé et même devient une icône de la liberté et de la lucidité. J'ai noté dans le discours de François Hollande au Bourget un hommage à Albert Camus, qui ne serait pas devenu un grand écrivain sans l'école républicaine. Sa mère d'origine modeste était femme de ménage. Ce parcours extraordinaire et exemplaire du petit garçon en Algérie jusqu'au Camus, prix Nobel de littérature en 1957, à 44 ans a de quoi forcer l'admiration en sachant qu'une majorité d'écrivains est issue de la bourgeoisie. Quand un homme politique évoque des figures littéraires incontestables et incontestées tel Albert Camus, j'apprécie ce lien avec la littérature qui se réconcilie avec la vie publique. Tout le monde ne peut pas devenir Camus mais quel symbole magnifique !

vendredi 27 janvier 2012

Rubrique cinéma

J'ai vu mon quatrième film du mois: "L'amour dure toujours trois ans" de Frédéric Beigbeder. Comme j'avais lu avec plaisir son roman, "Un roman français", j'avais envie de connaître le talent de Beigbeder en tant que cinéaste. Son film possède un certain charme mais à doses limitées : le personnage principal, le double de l'écrivain, maladroit, romantique, étourdi et séduisant, la femme fatale, jouée par la jolie Louise Bourgoin, des paysages de la Côte Basque, toujours aussi lumineux, une histoire d'amour un peu décalée, le milieu littéraire moqué gentiment. Bref, un film de qualité moyenne mais agréable à voir. Mais, je regrette la vulgarité bling-bling concernant le trio de copains dont le personnage principal, décryptant le physique des femmes, le rôle de Joey Starr, caricatural et nul, la paillardise des propos misogynes, la légérité de l'ensemble. Je m'attendais à voir un film un peu plus construit, élaboré, un peu plus sérieux... Ce film n'a pas attiré les compliments de la critique cinématographique. Je préfère Frédéric Beigbeder comme écrivain et je ne lui conseille pas une carrière dans le cinéma. C'est dommage qu'il gâche son talent dans l'image qui ne supporte pas la médiocrité et la facilité. Je ne retiens de ce film léger et superficiel que les beaux paysages, hélàs, trop vite, filmés de ma Côte basque, si belle... Ne perdez pas deux heures précieuses de votre temps...

jeudi 26 janvier 2012

"Désolations"

"Désolations", roman écrit par David Vann, porte bien son titre. Je ne le conseillerai pas aux personnes sensibles et mélancoliques. Tout est désolation dans ce roman et en même temps, les personnages sont très attachants et le lecteur(trice) les accompagne en se demandant : "pourquoi vivent-ils aussi mal ?" . Le couple principal, Depuis trente ans, Gary et Irène ont choisi l'Alaska comme point de chute et ils y ont vécu en fondant une famillle. A l'aube de leur retraite, Gary se met une lubie en tête : il veut construire une cabane en bois dans une petite île au milieu d'un lac. La présence de la nature sauvage est un élément important dans le roman : le froid, la neige, le vent, l'humidité, l'eau glacée, la tempête, une nature hostile et sauvage. Rien ne va plus dans ce couple : Gary veut retrouver sa liberté et Irène le considère comme un mosntre d'égoïsme et d'indifférence. Autour de ce couple en crise, gravitent leur fille Rhoda, courageuse et volontaire, et leur fils Mark, un peu lointain, Jim le compagnon de Rhoda, attiré par une Monique plus jeune que lui. Les personnages de David Vann sont tous un peu "déglingués" par la vie. Irène constate avec effroi ce fossé entre elle et son mari et tombe malade. Cette maladie va lui ouvrir les yeux et provoquera la fin dramatique de leur histoire. Ce roman est assez éprouvant à lire mais la mère et sa fille liées par un véritable amour apportent une note chaleureuse dans cet univers glacé. La vision de David Vann sur le couple ne nage pas dans l'optimisme et la sérénité. Pour lui, la cohabitation homme-femme est vouée à l'échec et à l'amertume. Le futur mariage de Rhoda et de Jim ressembera-t-il au naufrage de Gary et d'Irène ? David Vann a écrit en 2010, "Sukkwan island", prix Médecis étranger. Je pense que cet écrivain américain né en Alaska a un vrai talent littéraire et donne une place centrale à la nature comme on sait le faire en Amérique. Le roman que j'ai lu fait partie d'une collection "Nature Writing" chez l'éditeur Gallmeister. La sauvagerie est du côté de la nature et aussi dans le coeur des hommes qui vivent dans ce pays...

mardi 24 janvier 2012

"Ma médiathèque mute"

Dans Le Monde du samedi 21 janvier, je trouve un article sur la mutation irréversible des médiathèques et des bibliothèque à l'ère numérique. Cet article logé dans le cahier Culture et Idées, signé Pascale Kremer, montre le déclin de la fréquentation des lecteurs dont le pourcentage baisse de trois points (18 à 14). Seulement, 14 français sur 100 utilisent le réseau des bibliothèques municipales. Malheureusement, ce chiffre ne fera que baisser... Les jeunes en particulier consacrent leurs heures de loisirs sur internet et les réseaux sociaux. Le livre leur est de plus en plus étranger et obsolète. Ainsi va la vie de ces lieux de culture et de sociabilité. Un directeur de bibliothèque ose même dire : "A quoi sert une bibliothèque quand l'information est partout ?". Il faut, soit disant, changer l'image traditionnelle et vieux jeu de ces institutions archaïques. Il est impératif pour ces cadres informatiques qui ont oublié leur métier de base, l'amour des livres et de la lecture, proposer des écrans partout, des liseuses électroniques, de la musique "dématérialisée", un marketing culturel... Une autre phrase dans l'article d'un responsable ministériel du livre et de la lecture :"Il y a un rôle d'intermédiation avec le monde numérique à développer. Faire de la guidance (?), aider à se repérer sur Internet...". Apprécions le jargon "technocratique" de ce grand commis de l'Etat... Les bibliothèques se vident, car elles vont se deshumaniser en ressemblant de plus en plus à des espaces ouverts envahis d'écrans, de jeux, de vidéos, de tout sauf des livres. Heureusement que j'ai pris ma retraite au bon moment... Travailler pour rendre Internet accessible à tous me semble une mission peu passionnante. J'espère qu'il restera encore sur quelques étagères des livres en papier pour les enfants, les adultes démodés de l'ère Gutenberg où tout le monde pouvait se saisir d'un volume matériel et le consulter sans écran. Je sais que la nostalgie m'envahit en lisant cet article qui se termine par une nécessaire remise en question de la profession. Le bibliothécaire va devenir un "webmaster", un journaliste à l'affût des informations sur le net. Et les livres numériques triompheront au détriment de nos chers livres faits de chair et d'os... Cette mutation me fait peur et même si les bibliothèques traditionnelles se transforment en fantômes numériques, je conserve assez de livres chez moi, des vrais livres, pour l'éternité ! Si les responsables de bibliothèques préfèrent nous offrir des halls de gare, des lieux vides et propres, des écrans sans vie, j'espère qu'une poignée de lecteurs résistera à cette nouvelle mutation des médiathèques, déjà amorcée dans les grandes villes... Soyons optimistes et conservons l'espoir que cette mutation de la sphère Gutenberg à la "numérisphère" épargnera nos campagnes et nos villes moyennes...

lundi 23 janvier 2012

Atelier d'écriture, Borgès, le chat

Dans la séance du 3 janvier, Mylène nous a montré une reproduction d'un dessin de Sempé où un chat, seul dans un salon dont les murs sont couverts de livres, observe la rue. Il fallait écrire un texte exprimant les pensées du chat. Voilà ce petit texte que j'ai composé à partir de ce dessin qui fut la une de Télérama.
"Borgès,
Je m'appelle Borgès. Quel drôle de nom ? Ma patronne, la bibliothécaire du lieu, m'a donné le rôle du chat, chasseur de rats de bibliothèque. Je protège les livres, je suis le gardien du temple. Dehors, j'observe la foule qui vaque à ses occupations. Ils vont et viennent sans but et feraient mieux de fréquenter ma bibliothèque désertée. Je me sens seul souvent dans cette tour des livres, pourquoi suis-je aussi seul ? Les gens n'aiment-ils plus lire ? Pourtant, mon nom de Borgès, m'a raconté ma patronne passionnée de littérature, vient d'un écrivain argentin, José Luis Borgès, directeur de la bibliothèque Nationale de Buenos Aires, en son temps. Borgès, l'écrivain, a dit dans un poème :"Jadis, quand je rêvais du paradis, c'est une bibliothèque que je voyais". je partage son opinion et je vis dans cet Eden depuis que je suis né. Ma bibliothécaire voue un culte à ce bizarre Borgès, l'humain. Chaque fois qu'un lecteur daigne pénétrer dans mon antre des livres, je le salue avec "chat-leur" et lui conseille des livres "chat-crèment" distrayants. Le seul malheur que je redoute, c'est de perdre la vue comme ce Borgès de Buenos Aires. Sans vue, pas de chasse aux rats, plus d'accueil des lecteurs, plus rien. Je vous rassure, tout va bien... Quand je contemple les rayonnages de la bibliothèque, je rêve de me nommer Homère, Rousseau, Voltaire, Racine et tant d'autres génies du livre. Au fond, Borgès me convient très bien. Les chats vivent pour le plaisir, plaisir de la vie, plaisir de la lecture. Au fait, si vous n'avez jamais lu Borgès, empruntez-moi ces poèmes et ses récits, vous ne le regretterez pas !"

vendredi 20 janvier 2012

"Persécution"

Voilà un très bon roman, écrit par l'écrivain italien Alessandro Piperno aux Editions Liana Levi. Le personnage central s'appelle Leo Pontecorvo, brillant professeur de médecine. Il a vraiment tout réussi dans sa vie : son mariage, ses deux fils, sa vie professionnelle, son confort de vie, ses relations sociales. Un homme parfait, intégré, intègre, et séduisant. Or, dans cette vie lisse, huilée, un incident se produit au sein de la famille. Au cours de vacances dans une station de ski, son fils de douze ans invite sa petite copine. Leo Pontecorvo se laisse charmer par cette petite Lolita qui joue un jeu un peu "pervers" avec le père de son copain. Elle dépose dans un meuble de sa chambre une première lettre de remerciements pour sa gentillesse. L'engrenage se met en place dans cette relation fantasmée par la petite Camilla. Elle continue ce manège épistolaire pour le séduire. Et Léo Pontecorvo tombe dans ce piège en lui donnant une réponse banale mais imprudente pour qu'elle cesse ce jeu d'adulte. La descente aux enfers démarre pour Léo quand la justice le convoque pour harcèlement sexuel et tentative de viol. Le roman bascule sur le thème de la "persécution" justifiant ainsi le titre. Il se coupe des siens, car sa famille et ses amis l'abandonnent. Il a honte des soupçons sur lui et il perd toute sa capacité de faire face à l'injustice. La chute sociale, la perte de sa dignité en prison et sa lâcheté finissent par en faire une victime pitoyable quand il se réfugie dans le sous-sol de sa maison. Le narrateur nous raconte avec une précision chirurgicale l'effondrement de sa personnalité. Cette chute relatée avec un talent littéraire digne de Marcel Proust se lit avec admiration pour ce portrait d'homme qui gâche sa vie par lâcheté et par paresse. Au lieu de se battre et de prouver son innocence, il lâche tout et se replie sur lui-même jusqu'à l'issue fatale. L'histoire se passe en 1986 et décrypte aussi la mentalité d'une classe sociale de la haute bourgoisie romaine. Ce roman avait été remarqué à la rentrée et avait obtenu le prix du meilleur livre étranger. C'est vrai que les anti-héros n'attirent pas la sympathie du lecteur(trice) mais cette histoire nous fait penser à une malheureuse affaire d'un homme politique français qui allait atteindre des sommets et qui a vu s'effondrer sa vie publique et sociale... Comme un personnage de roman d'aujourd'hui... La littérature se nourrit de la vie comme la vie se nourrit de la littérature...

jeudi 19 janvier 2012

Atelier d'écriture, poème oulipien

Mylène nous a proposé un premier exercice court. Il fallait composer un poème en dix vers octosyllabiques, en trois strophes et rimes croisées et surtout sans employer le son "i" : le voici, inspiré par mon voyage en Sicile avec l'Etna en toile de fond :

L'Etna

Quand tu apercevras l'Etna,
Tu ne verras que du rouge,
Un spectacle de feu glaçant,
Un débordement de rage.

Cette énorme montagne de lave,
Coulera dans ton coeur, dans ton corps,
Et transformera ton âme,
en de légers flocons d'or.

Voyageur, ne regrette pas,
Ton départ, l'Etna t'attendra.

mardi 17 janvier 2012

Atelier d'écriture, souvenir d'enfance

Mylène, notre animatrice de l'atelier d'écriture, nous a donné deux exercices : le premier n'est pas terminé. Je dois le compléter car il fallait écrire un poème de dix vers en trois strophes sans employer la voyelle "i". Cette contrainte "oulipienne" demande du temps pour élaborer un poème. Le deuxième exercice s'avéra plus conforme à ma forme d'imagination. Après la lecture d'un texte de Victor Hugo sur une cuisine, Mylène nous a demandé d'écrire notre cuisine imaginaire ou réelle. Voilà mon texte :
"Dans les années 50, mes parents ont acheté un vieux bar, un très vieux bar de village, au Boucau, près de l'Adour et à deux pas de l'océan. Le bar fut transformé. De bois, il devint formica, la modernité faisant foi. Mais une pièce échappa à ce massacre de la défiguration. Cette pièce centrale, c'était la cuisine. Elle se situait derrière le bar et tenait lieu de salon rustique, de salle à manger familiale, d'entrée, de bureau. Au centre de la cuisine, trônait la grande table avec un nappe cirée, sur le côté, une armoire avec des grandes portes, des petites, des portes vitrées où se cotoyaient des assiettes, des verres, des bols, des couverts, mélangés au sucre, à la farine, aux biscuits, au café et à d'autres paquets en carton, loin de l'explosion des couleurs d'aujourd'hui, symbolisant un monde sobre et simple. Ce qui fascinait mes yeux d'enfant, c'était le fourneau à charbon où ma mère, quand les clients lui demandaient, confectionnait héroïquement des plats du pays : piballe à l'ail, cèpes, palombes, poissons de l'Adour et autres gourmandises du Sud-Ouest. Je me souviens aussi de mon plat préféré : des pommes de terre qui cuisaient lentement dans le four. Je les coupais en deux et les nappais d'une noisette de beurre. La cuisine se transformait à tous moments de la journée : calme le matin, bruyante à midi, sereine l'après-midi et bouillonnante le soir. Un palier à l'étage s'ouvrait sur la cuisine et je m'appuyais sur la rembarde pour observer comme un capitaine de bateau les activités de ces drôles d'adultes, mes parents, qui s'agitaient dans ce laboratoire de vie. Ce lieu matériel se métamorphosait en lien maternel car ma mère était derrière le bar à servir les clients-tyrans qui m'enlevaient mes parents, harassés de fatigue et d'absence. J'adoptais cette cuisine, elle me mettait à l'abri du monde, à l'abri du bruit des clients du bar. C'est peut-être pour cela qu'une cuisine, pour la femme que je suis et pour la petite fille que j'étais, ressemblera à cette cuisine de mon enfance, vivante et odorante, multiple et unique."

lundi 16 janvier 2012

Rubrique cinéma

Et voilà un troisième film vu en janvier, "Une meilleure vie" de Cédric Kahn. La revue Transfuge offre un dossier sur ce réalisateur français, talentueux et inégal dans ses succès. La revue a plutôt la critique exigeante et féroce. Elle adoube "Une meilleure vie", ce qui est un gage de qualité. Le sujet central du film concerne, une fois de plus dans le cinéma français, le surendettement d'un couple, un jeune cuisinier et une serveuse de bar, qui décident de se lancer dans un projet "utopique" de restaurant au bord d'un lac. Ce restaurant abandonné est à vendre et ils décident de l'acquérir et d'entreprendre des travaux. Mais la note commence à les plomber malgré l'accord inconscient de la banque. Une visite d'experts va compromettre ce beau projet car il faut investir encore vingt mille euros pour mettre le restaurant en conformité. Les ennuis pleuvent dans leur vie et malgré toute leur énergie, ils se séparent. Elle va s'expatrier au Canada pour gagner de l'argent et ne donne plus de nouvelles. Lui s'occupe du fils abandonné et apprend à devenir père. Le héros du film subit une précarité et une misère avec une grande dignité. Le beau-père et le garçon échappent à leurs propriétaires profiteurs et s'embarquent au Canada pour retrouver la femme de leur vie. Ce film social, réaliste et classique dans sa forme montre le rôle néfaste des banques, la naïveté des emprunteurs imprudents, la spirale infernale des dettes, la solitude des sans-grades, des travailleurs galériens qui ne peuvent pas s'en sortir sans aides. La fin un peu optimiste du film apporte une lueur d'espoir, hors de France ?

vendredi 13 janvier 2012

Festival du Premier roman

Pour la rencontre du 17 janvier au sein du groupe Campus à la BU de Chambéry, je devais lire deux nouveaux premiers romans. J'ai rempli mon "contrat" de lectrice "consciencieuse et patiente" en les lisant entièrement. Le premier, "Tour de plume", de Carolyn Deyns aux Editions Philippe Rey m'a convaincue à moitié. Le style est agréable pourtant, mais l'histoire de ce stylo-plume qui passe de main en main sert de ficelle un peu trop grosse. Un libraire frustré se fait voler son stylo par une jeune fille, Isis, qui écrit un journal intime atypique. Ensuite, ce stylo tombe dans les mains de Paul, fêtard pitoyable, puis dans les mains de Sybille, lectrice passionnée et obèse et Emma, trentenaire rangée, femme de médecin qui veut rencontrer un écrivain, égoïste et cynique. Quand Emma assiste à la signature du dernier ouvrage de Romain Hipser, son "amour" de jeunesse, on découvrira le passé d'Emma... et elle utilisera ce stylo-plume pour se venger... Ce premier roman possède des qualités certaines, avec des personnages amoureux des livres et de l'écriture, mais ce procédé de passage de témoin avec ce stylo-plume, rend le roman un peu chaotique dans la structure de l'histoire. Ce livre ressemble à une suite de nouvelles. Le deuxième livre est très différent du premier. "Un si proche éloignement" de Luc-Michel Fouassier aux Edition Luce Wilquin se lit avec intérêt. Un homme quelque peu esseulé après une rupture, part à Naxos, en Grèce. Le narrateur nous embarque sur cette île grecque en nous décrivant son périple avec minutie et humour à la rencontre des villageois. Il apprend à revivre dans ce paradis pourtant envahi par les touristes. Le charme du livre réside dans l'évocation de Naxos, de la solidarité des habitants, de la beauté du paysage. La détresse du personnage se justifie à la fin du récit mais, je ne veux pas dévoiler la raison de ce voyage. Ces deux premiers romans ne sont pas des coups de coeur mais ils sont agréables à lire et pourraient rencontrer une adhésion sympathique auprès des lecteurs du Festival du Premier Roman de Chambéry.

jeudi 12 janvier 2012

"L'hiver de la culture"

Je vais intégrer dans mon planning de lecture au minimum un essai par mois pour satisfaire ma curiosité intellectuelle. En janvier, j'ai choisi "L'hiver de la culture" de Jean Clair. Le monde de l'art semble souvent obscur et inaccessible pour beaucoup de Français. Pourtant, dans les dernières statistiques concernant les activités culturelles, la fréquentation des musées a fortement augmenté alors que la fréquentation des bibliothèques a sensiblement baissé. Jean Clair, dans cet essai, analyse ce phénomène nouveau et établit un bilan négatif sur l'art contemporain "extrême". J'ai noté ce passage : "Les musées ne ressemblent plus à rien. La silhouette du nouveau musée d'art contemporain de Metz rappelle à la fois les Buffalo Grill qu'on voit le long des autoroutes, un chapeau chinois et la maison des Schtroumpfs. Dans l'élévation d'un nouveau musée (...), on retrouvera le kitsch (...) de Las Vegas à Dubaï." Les amateurs d'art patientent des heures avant de rentrer dans ces "abattoirs culturels" : "Les foules qui se pressent en ces lieux, faites de gens solitaires qu'aucune croyance commune, ni religieuse, ni sociale, ni politique, ne réunit plus guère, ont trouvé dans le culte de l'art leur dernière aventure collective." Plus loin, il dénonce le côté trash de l'at contemporain en citant Jeff Koons et ses créations à Versailles. Jean Clair dénonce le snobisme de l'art, l'aveuglement de certains critiques sur les manifestations grotesques des "performances", la laideur de certains gestes artistiques mettant à l'honneur les matériaux comme les cheveux, les poils, le sang, les excréments et autres vestiges corporels. Son essai critique et "grognonesque", érudit mais compréhensible, se lit avec intérêt. Il y a deux ans, j'ai été déçue quand j'ai aperçu une file incroyable de touristes devant le musée Picasso et la Sagrada Familia. A l'idée d'attendre de longues heures, j'avoue que je suis partie me promener sur les Ramblas...

mardi 10 janvier 2012

Rubrique cinéma

Ce lundi 9 janvier, je suis allée voir "Louise Wimmer" de Cyril Mennegun avec l'actrice principale, Corinne Masiero. Ce beau portrait de femme mérite le déplacement. En effet, Louise, après un divorce douloureux, se retrouve seule dans la rue. Malgré un travail de femme de chambre dans un hôtel, elle n'arrive pas à obtenir un appartement HLM. Sa dignité de femme passe par le maintien en elle de la propreté. On la voit dans les toilettes d'une station-service, d'un bar, d'une chambre d'hôtel. Cette obsession de se laver montre son combat pour se sortir de cette galère. Elle entretient aussi une relation avec un homme pour son plaisir, en refusant de parler et de se faire aider. La solidarité fonctionne aussi à travers ses contacts dans un bar qui lui sert de boîte à lettres. Ce film social dénonce la vie précaire des travailleurs pauvres qui ne peuvent pas assumer un logement. Vivre dans sa voiture devient donc la seule solution pour Louise. On ne voit pas dans ce film la solidarité familiale ou amicale. Sa solitude est poignante et son indépendance de femme la rend quelque peu "héroïque". Malgré cette existence-galère, elle aime danser, elle écoute Nina Simone dans sa voiture, elle se bat pour survivre sans se lamenter. Elle obtiendra à la fin du film un appartement et quand elle découvre enfin son nid, elle ressent un bonheur qui la submerge. Sans un toit, l'individu ne peut pas vivre dignement... Il faut noter le jeu de la comédienne Corinne Masiero, plein de sobriété, de vérité. Ce film est un concentré très bien filmé de la détresse d'une femme, et on sait bien que la vie en société devient de plus en plus difficile pour les chômeurs, les travailleurs pauvres, les femmes seules, séparées et divorcées. Heureusement que le film se termine sur une note d'espoir...

lundi 9 janvier 2012

"Un roman français"

J'ai eu envie de lire un roman de Frédéric Beigbeder après avoir noté dans son dernier livre "Bilan après l'apocalypse" sa passion totale de la littérature. Je savais que "Un roman français" avait été primé en 2009 par le Renaudot. Je l'ai lu avec intérêt surtout quand il évoque la Côte Basque et le village de Guéthary, oû il a passé son enfance dans une maison de famille, baptisée Patrakénéa. Ce récit autobiographique sent l'air marin basque et la nostalgie familiale. Défilent dans les pages, les plages de Guéthary, les rites de l'été, les liens fraternels, les moments heureux de la bourgeoisie aristocratique. Il consacre aussi des grands passages sur l'arrestation arbitraire qu'il a subie à Paris alors qu'il détenait un peu de drogue. Il décrit son cachot et découvre une réalité sordide et inhumaine dans ce beau pays des Droits de l'Homme. Son récit-journal se lit comme un vrai roman, avec un rythme soutenu, débordant de vie et d'humour, la nostalgie et le mal-être effleurant le récit par petites touches subtiles. Pour juger du style de Frédéric Beigbeder, voilà un extrait : "J'ai rêvé d'être un électron libre mais on ne peut pas se couper éternellement de ses racines. Retrouver cet enfant sur la plage de Guéthary, c'est accepter de venir de quelque part, d'un jardin, d'un parc enchanté, d'une prairie qui sent l'herbe fraîchement tondue et le vent salé, d'une cuisine au goût de compote de pommes et de pain rassis." Frédéric Beigbeder joue souvent le mondain-pitre dans les médias, mais il est préférable de le lire car dans ses pages, il choisit la sincérité et la vérité, la tendresse et la nostalgie. Il laisse tomber son masque de garçon fanfaron qui aime se faire remarquer... Et quand il parle des vagues de la Côte Basque, je ne peux que le suivre dans cette ferveur qu'il ressent pour ce petit pays, au ciel voilé, à l'air salé et à la pluie ensoleillée. Notre écrivain médiatique nous offre dans ce récit sa part de secret intime et loin de son côté parfois "crispant" de parisianisme...

vendredi 6 janvier 2012

Mes meilleurs films 2011

J'ai vu une vingtaine de films dans une salle de cinéma en 2011. Comme j'avais établi une liste de mes vingt meilleurs livres, je vais garder en mémoire dans ce blog les dix meilleurs films que j'ai vus sur la vingtaine par ordre de préférence :
1 - LA PIEL QUE HABITO : génial Almodovar, sur l'identité sexuelle.
2 - LES FEMMES DU 6e ETAGE : vive les bonnes espagnoles et Fabrice Luchini
3 - TOMBOY : une petite fille se fait passer pour un garçon
4 - WE WANT EGALITY SEX : les femmes-courage luttant pour l'égalité des salaires
5 - LES NEIGES DU KILIMANDJARO : générosité, crise sociale, lutte des classes
6 - TOUTES NOS ENVIES : amour de la justice, maladie, amitié
7 - BLACK SWANN : esthétisme, danse classique, folie, passion
8 - THE TREE OF LIFE : magnifique épopée, rôle du père
9 - L'EXERCICE DE L'ETAT : cynisme de la classe politique, trahison, pouvoir
10 - DANGEROUS METHOD : Jung et Freud, guérison de l'âme et du corps
Voilà mon modeste palmarès de Chambéry... En 2012, je me fais une promesse de fréquenter les salles de cinéma plus régulièrement pour profiter du "grand écran" et d'une sortie en ville. A Chambéry, un cinéma d'art et d'essai a fait peau neuve et doit ouvrir très bientôt. Le centre ville va aussi se doter d'un Pathé-cinéma oû sont diffusés les films pour le grand public mais de temps en temps, j'aime bien me divertir (j'ai bien vu "Super 8" et les "Intouchables"...) L'année démarre très bien pour moi : j'ai déjà vu le film américain "Take Shelter" de Jeff Nichols. C'est l'histoire d'un père de famille obsédé par l'irruption d'une tornade catastrophique. Il veut protéger sa famille de ce fléau en enfouissant dans son jardin un abri anti-tempêtes. Sa panique devient folie paranoïaque. Son comportement "anormal" provoque des ennuis familiaux, un renvoi de son travail, une marginalité sociale. Il finira par soigner cette obsession morbide. Mais je ne dis pas comment se termine ce beau film sur la peur au XXIème siècle des cataclysmes climatiques et autres catastrophes. Il est rare de voir un film aussi original dans la production titanesque américaine, donc un bon début d'année pour mes loisirs-cinéma.

jeudi 5 janvier 2012

Atelier d'écriture, janvier 2012

Première séance de l'année en ce mardi 3 janvier. Mylène, notre animatrice, nous a proposé un premier exercice pour nous mettre en "jambes". Une nouvelle année va s'offrir à nous et le thème du temps qui passe convient bien pour cette rencontre de janvier. Elle nous a lu un très beau poème de Claude Roy sur le temps, extrait de l'anthologie "Poèmes à pas de loup", aux Editions Gallimard. Elle nous a demandé de composer un poème à la manière de Claude Roy en respectant quelques règles : une forme interrogative dans trois strophes, longues de quatre, six et quatres phrases. Les rimes n'étaient pas du tout imposées, mais nous avions un temps très limité. Chaque participante a lu le poème dans le silence et le respect de l'écoute. Et, nous avions vraiment "des choses" à dire sur la nostalgie du temps qui passe. Je vous confie donc le poème que j'ai écrit en quelques petites minutes, un instant privilégié d'écriture et de confidences :

J'habite le temps

J'habite le temps de l'oubli et des souvenirs mêlés
Ce territoire me tient-il vivante ?
Tant qu'il y aura du temps, je serai tremblante
de le perdre à tout jamais

Le temps est une orange
Je pèle sa peau ardemment
J'écarte les pépins
Je savoure son jus
Durera-t-il assez ?

Je perds mon temps
Mais où va-t-il ce temps perdu ?
Perdu pour perdu, je le cherche toujours
Je n'en ai jamais assez
Temps à soi,
Le tambour du temps résonne comme une musique éternelle.

mardi 3 janvier 2012

"Le cas Sneijder"

Je vous conseille ce roman de Jean-Paul Dubois, un écrivain très attachant que j'apprécie beaucoup. Il fait partie d'un courant de la littérature française fortement et heureusement influencé par les grands auteurs américains. J'y retrouve un réalisme narratif, un style efficace sans fioritures, "maigre", un personnage principal, paumé, dépressif, lucide et désespéré. Jean-Paul Dubois ne se gêne pas pour critiquer la société du paraître, de l'ambition, de l'écrasement de l'autre. Je démarre très bien l'année 2012 avec ce roman singulier, fort et percutant. Le sujet paraîtrait anodin, Jean-Paul Dubois nous raconte l'usage des ascenseurs mais en fait il l'utilise comme un symbole social : un ascenceur, signal évident de l'ambition, aller toujours plus haut, en pulvérisant les vitesses dans des tours urbaines inhumaines. Paul Sneijder et sa fille aînée se retrouvent à Montréal dans un ascenseur mais celui dégringole et provoque un accident mortel. Trois des passagers dont la fille du narrateur sont tués sur le coup. Paul Sneijder est le seul survivant et commence, pour lui, une descente aux enfers. Il est obsédé par la mort de sa fille et veut comprendre l'origine de l'accident. Il va aussi se lancer dans une nouveau travail dérisoire, celui de promeneur de chiens. Les scènes concernant ce petit "job" sont pleines d'humour et de cocasserie. Il essaie de survivre entre ses chiens, sa famille avec qui il entretient des relations incertaines, sa recherche sur les ascenseurs, et son immense chagrin d'avoir perdu sa fille. Je ne dévoilerai la fin du roman, car il vaut mieux la découvrir en le lisant. Très bon roman avec de l'humour, de la dérision, de la critique sociale et le style inimitable de Jean-Paul Dubois... La première phrase résume le roman à la perfection : "Je devrais être mort depuis le mardi 4 janvier 2011. Et pourtant je suis là, chez moi, dans cette maison qui m'est de plus en plus étrangère, assis, seul devant la fenêtre, repensant à une infinité de détails, réfléchissant à toutes ces petites choses méticuleusement assemblées par le hasard et qui, ce jour-là, ont concouru à ma survie."

lundi 2 janvier 2012

Mes meilleurs livres de l'année 2011

J'avais établi une liste des meilleurs livres de l'année 2010 et voici mon choix pour 2011 :
- "En un monde parfait" de Laura Kasischke
- "La naissance d'un pont" de M. de Kérangal
- "La vie privée de Mr Sim" de Jonathan Coe
- "Les insurrections singulières" de Jeanne Benameur
- "L'amour est une île" de Claudie Gallay
- "Brooklyn" de C. Toibin
- "Colères" de Lionel Duroy
- "Quatre jours en mars" de Grondhal
- "Un été sans les hommes" de Siri Hustvedt
- "Les privilèges" de Jonathan Dee
- "Bonjour, Anne" de Pierrette Fleutiaux
- "Jeanne" de Jacqueline de Romilly
- "D'acier" de S. Avallone
- "Freedom" de Jonathan Franzen
- "Sunset Park" de Paul Auster
- "Rien ne s'oppose à la nuit" de Delphine de Vigan
- "O solitude" de Catherine Millot
- "J'ai réussi à rester en vie" de J.C. Oates
- "La barque silencieuse" de Pascal Quignard
- "L'appel de la rivière" de K. Borjnstad.
J'ai donc lu 95 livres en 2011, cela représente des heures de lecture qui sont pour moi des heures de bonheur. Mais, tous les romans et récits que j'ai découverts ne sont pas tous passionnants. Certains possèdent du charme, d'autres un intérêt intellectuel, d'autres encore apportent une saine distraction ... Quand je dépasse la vingtième page, je les lis jusqu'au bout. J'écris un billet pour chaque lecture, que ce soit pour un grand roman d'un "grand écrivain", ou pour un roman de débutant. Quelques statistiques à partir de cette liste : je note 6 Américains, un Anglais, 9 Français, 1 Norvégien, 1 Italien, 1 Irlandais, 1 Danois. Il me manque encore des écrivains européens espagnols, grecs, allemands, etc. J'avoue que j'ai négligé des continents comme l'Afrique et l'Asie... J'ai choisi 11 femmes et 9 hommes au hasard de mes lectures et je m'en félicite... Cette liste n'est pas hiérarchisée et je ne veux pas donner des notes de 1 à 20. Ces milliers de pages ressemblent à des ruisseaux ou des fleuves qui se jettent dans l'océan magnifique de la littérature ! Si vous n'avez pas encore lu ces vingt livres, essayez de ne pas passer à côté d'eux : ce serait vraiment dommage !