lundi 4 mars 2024

Rubrique cinéma, "Madame de Sévigné"

 Dès qu'un film s'inspire d'une figure hautement littéraire, je m'empresse de le voir. Ainsi, dès sa sortie, mercredi dernier, j'ai assisté à la séance de "Madame de Sévigné" de la réalisatrcie, Isabelle Brocard avec Karin Viard et Ana Girardot dans les deux rôles principaux. Elle met en scène l'amour débordant de la marquise pour sa fille, Françoise, à travers ses lettres célèbres sur fond d'histoire de France au XVIIe siècle. Madame de Sévigné souhaite qu'elle soit libre comme elle : "Tu seras maîtresse de ta destinée, indépendante et heureuse". Pourtant, à cette époque, il fallait absolument trouver un beau parti pour exister dans ce milieu. Dans une fête somptueuse du Roi Soleil, la fille de la Marquise est distinguée et alors que le Roi voulait "l'honorer", sa mère intervient pour qu'elle échappe à ce destin de maîtresse subalterne. Elle lui procure un mari, venu de province, le marquis de Grignan, qui tombe amoureux de Françoise. Mais, il a le double de son âge et il est ruiné. Une rivalité va naître entre la marquise et son gendre qui veut protéger sa femme de l'influence maternelle. Sa fille vient accoucher d'une petite fille chez sa mère et comme elle veut rejoindre son mari en Provence, elle lui confie l'enfant. Entre Grignan et Paris, les voyages de la marquise de Sévigné rythment le film et les lettres qu'elle envoie à sa fille ponctuent la relation passionnelle mère-fille : "J'ai le coeur et l'imagination tout remplis de vous. Je n'y puis penser sans pleurer, et j'y pense toujours, de sorte que l'état où je suis n'est pas une chose tenable". Sa fille s'attache à son mari et préfère sa vie à Grignan qu'à Paris. Les liens se distendent entre elles et cette guerre d'influence ne cesse de tourmenter Madame de Sévigné. La réalisatrice montre aussi les salons littéraires de ce Grand Siècle flamboyant où se rencontrent Madame de Lafayette, Bussy-Rabutin, Larochefoucault. Ce film ne raconte qu'une dizaine d'années de la relation mère-fille. La marquise de Sévigné rejoindra la Provence quand elle tombera malade et elle mourra près de sa chère Françoise. Cet amour maternel exclusif se manifeste dans les milliers de lettres qu'elle envoie à Grignan sans savoir qu'elles seront publiées après sa mort. Peut-on parler d'emprise pour qualifier la relation affective mère-fille ? Etouffante, certainement mais pourquoi utiliser la grille d'aujourd'hui pour comprendre les sentiments au XVIIe siècle ? Je me suis laissée bercer par le langage de l'épistolière géniale, par la musique, les décors, les costumes, l'ambiance historique. Un film charmant, classique, élégant. A voir pour entendre notre belle langue française et pour notre littérature, un monument en péril de nos jours...