mardi 27 septembre 2011

"Un lac immense et blanc"

Ce récit de Michèle Lesbre ressemble à un roman et dégage un charme troublant et envoûtant. Pourtant, il ne se passe pas grand chose dans ce livre, édité ches Sabine Wespieser. Une femme, Edith Arnaud, dans la soixantaine, se souvient de son passé de militante "gauchiste", d'un compagnon Antoine, disparu sans laisser de traces. Elle travaille près du Jardin des Plantes, fréquente un café où elle remarque un homme d'origine italienne qui mentionne souvent Ferrare, sa ville natale. Michèle Lesbre évoque elle aussi Ferrare, en la personne de Giorgio Bassani. J'aime beaucoup l'esprit de famille entre écrivains. L'auteur du magnifique "Jardin des Finzi-Contini" est un maître pour Michèle Lesbre. Les descriptions des paysages, des bribes du passé, des fragments de vie traduisent un effet "rêverie" qui emporte le lecteur dans ses propres souvenirs. J'ai remarqué le style subtil, élégant et impressionniste du récit. Je vous cite un petit passage : " Je me souviens d'une vague appréhension, la crainte que cet abandon ne soit l'annonce de futures déroutes. Un certain mois de mai se profilait à l'horizon, quatre ans plus tard, point d'orgue de toutes ces années qui, au sortir de l'adolescence, nous avaient plongés dans les désordres du monde. Il amorcerait l'insidieuse érosion de nos certitudes." C'est un récit de génération, la mienne en particulier, qui a vécu le glissement progressif du rêve naïf de "changer la vie" en mai 68 au slogan ridicule et pitoyable du "travailler plus pour gagner plus"... Et je vais aussi m'empresser de lire ce roman de Bassani pour vivre dans le charme des vieilles villes italiennes et vous conseiller vivement la musique douce et ensorcelante de Michèle Lesbre...