vendredi 14 août 2020

"Une, deux, trois"

 Avec ce nouveau titre, "Un, deux, trois", publié dans la collection de la Série noire de Gallimard, Dror Mishani abandonne son inspecteur habituel, Avraham Avraham, pour écrire un thriller psychologique détonant. L'écrivain israélien, professeur à Tel Aviv, raconte une histoire contemporaine à trois récits successifs, teintée de critique sociale et morale. Le personnage principal du roman s'appelle Guil, avocat d'affaires, et cultive le mensonge avec un art raffiné. Cet homme séduit une première femme, Orna, professeur en instance de divorce. Son mariage a sombré dans l'amertume et elle craint que son mari ne lui enlève son fils. Mère aimante, trop aimante peut-être, elle couve son petit garçon en le sommant de devenir sa seule raison de vivre. Elle lui cache sa nouvelle liaison avec cet homme si gentil à ses yeux qu'elle a rencontré sur un site de rencontre. Il la console de son abandon récent et lui avoue qu'il est en instance de divorce. Il l'invite dans une escapade à Bucarest et elle accepte de partir car son garçon passe des vacances avec son père et avec sa nouvelle famille. Le petit garçon ne reverra plus sa mère. Guil va la tuer en simulant un suicide. La deuxième victime s'appelle Emilia, réfugiée de Lettonie, parlant à peine l'hébreu. Elle travaille dans une maison de retraite et s'occupe du père de Guil. Cette pauvre femme, solitaire et mystique, accepte d'être aidée par l'avocat, sollicité par sa mère. Emilia tombe dans le piège en acceptant de faire des ménages chez lui. Et de deux ! Ce meurtrier dissimulateur et dangereux poursuit sa course folle avec la troisième victime, Ella, une femme mariée qu'il rencontre dans un bar tous les matins. Il procède de la même manière en choisissant des femmes faibles, meurtries par la vie et à la recherche d'un homme compatissant. Je préfère ne pas dévoiler l'issue de cette troisième étape dans le roman. La police commence à s'intéresser à Orna, puis à Emilia. Ce roman maintient le suspense jusqu'au bout et multiplie l'attente d'une arrestation en se mettant dans la peau des trois femmes. De facture classique, ce roman policier se lit avec un grand plaisir. Dror Mishani, analyste délicat de l'âme humaine, introduit des éléments sociétaux : affairisme de Guil, situation des immigrés, familles au bord de la crise de nerfs, solitudes et isolements. Selon l'auteur, la société israélienne semble bien traverser une crise morale et politique. Le conte de Barbe-Bleue est réinventé sous le ciel d'Israël. Un très bon policier atypique et pour ma part, j'ai songé à ces écrivains percutants dans ce genre comme Henning Mankell en Suède...