mardi 18 avril 2023

"La Furieuse, rives et dérives", Michèle Lesbre, 2

Michèle Lesbre s'interroge sur l'acte d'écrire : "Ecrire, ce n'est pas tenter de s'en libérer, c'est au contraire tenter d'atteindre une cohérence sur la durée, de porter jusqu'au bout les images qui ne s'effacent pas, les chagrins, mais aussi les éblouissements, les désirs, ce qui pour moi est la fidélité". Dans un chapitre, elle évoque son métier d'écrivain, son inspiration, ses affinités littéraires dont l'immense Julien Gracq,  l'élaboration de ses personnages : "Je cherche sans doute aussi à construire la cohérence de ma propre vie à travers eux". Ses souvenirs d'enfance auprès de ses grands-parents ressemblent à une photo sépia où le temps semble figé : "Mes souvenirs d'enfance ne sont que perpétuelles aventures champêtres et buissonnières, lors desquelles, j'en ai la profonde certitude, j'ai tout appris de ce qui m'était nécessaire". Elle n'oublie pas Paris et la Seine, omniprésente dans son paysage quotidien. Son éloge des rivières et des fleuves se concentre sur cette "Furieuse", du côté d'Ornans, le pays de Courbet. Elle part à Salins pour se ressourcer et découvrir enfin cette rivière qui éveille en elle un esprit d'enfance qu'elle recherche : "Il s'agit d'être encore et toujours au plus près de soi, de ce commencement de tout qu'est l'enfance, cette conscience lumineuse qui confond l'éternel et l'éphémère, le rêve et la réalité". Contempler cette rivière provoque des réminiscences comme son séjour à Cuba ou en Irlande. L'actualité de la guerre en Ukraine surgit au détour d'un chapitre pour montrer le désastre où le monde plonge souvent. Revenue à Paris, elle retrouve la Seine comme une compagne amicale et les derniers mots de Michèle Lesbre résument sa démarche poétique et nostalgique : "L'homme dont on fouille la mémoire retrouve l'image de son enfance, qui le poursuit depuis toujours". L'écrivaine retrace son parcours d'écriture, une écriture voyageuse et rêveuse. Cette Furieuse dans laquelle se baignait le petit Courbet inspire la narratrice : "C'est le nom qui m'a séduite d'emblée, la Furieuse. Sans doute contenait-il toutes mes colères, il parlait de moi". Un beau récit, un éloge de l'enfance, du voyage et de la littérature. A découvrir pour le plaisir de l'errance au fil de l'eau.