jeudi 30 juin 2016

Philosophie magazine

Philosophie magazine fête en juin son centième numéro avec un titre évident : "Qu'est-ce que la philosophie ?". Plusieurs philosophes répondent à cette question simple et complexe à la fois. Alexandre Lacroix, le rédacteur en chef, écrit dans son éditorial : "Ni religion, ni réserve de sagesse, ni protocole thérapeutique, ni science exacte, la philosophie est cette discipline singulière qui relance la pensée en nous." Il explique que penser relève d'une "tâche surhumaine" car tout notre environnement familial, professionnel, social, culturel et rituel empêche l'éclosion de la pensée. Le monde de la philosophie possède des courants, des références, des concepts, des grands noms et essayer de l'approcher peut intimider les non-initiés. La revue, pour ceux et celles qui n'ont pas la chance d'être initié(e)s par un professeur bénévole, peut servir de base et d'introduction pour acquérir des connaissances dans ce domaine parfois difficile à comprendre. Dans ce numéro spécial, le centième, de nombreux philosophes nous tracent le chemin qu'il faut emprunter pour entrer dans cette planète où les idées se confrontent, s'opposent, se complètent et s'éclairent. Philosophie magazine ne se veut pas dégagé du réel et du monde actuel. Bien au contraire, la revue relie l'actualité sociale et politique à la philosophie. Je pourrai citer l'article sur le communautarisme religieux, analysé par la sociologue franco-israélienne, Eva Illouz. J'ai retrouvé avec plaisir le facétieux Marcel Conche, spécialiste d'Epicure, Clément Rosset, Yves Michaud, Rémi Brague, Marcel Gauchet, Michel Serres, pour n'évoquer que les plus connus. Depuis 2006, la revue a toujours proposé une bibliographie qui répertorie les nouveautés en philosophie et elle dresse un bilan sur les vingt livres les plus marquants de cette décennie. En prime, la rédaction offre à ses lecteurs(trices) une carte de la philosophie en sept continents de la pensée en choisissant trois cents penseurs de tous les temps... Vaste programme pour mon été où j'ai l'intention de relire les cours que j'ai suivis depuis septembre et de feuilleter la collection de Philosophie magazine !

mercredi 29 juin 2016

Marcel Proust

Daniel nous a proposé la découverte de Marcel Proust en six séances, le lundi matin. J'étais intéressée, évidemment, par ce projet avant l'été. J'ai même pensé que mon professeur de littérature (et de philosophie) allait me donner l'envie de relire cet écrivain français unique et vénéré. J'ai donc repris ma Pléiade pour commencer par le premier tome, "Du côté de chez Swann". Mais, j'ai vite délaissé ma belle reliure et j'ai préféré un petit volume de l'éditeur Point.2 qui me permet de souligner des phrases et des passages, ce que je ne ferai pas sur une Pléiade... J'avais découvert Proust à l'âge de 20 ans et je l'ai étudié à l'université. Je connais l'univers proustien : une tentative désespérée de retrouver le temps perdu, la présence du narrateur, la myriade de personnages tous liés aux uns et aux autres, l'amour-maladie, la jalousie, la place de l'art dans la vie. Les mots magiques des lieux jalonnent le récit que les lecteurs(trices) connaissent par cœur : Combray, Balbec, Illiers, Venise, Paris, etc. Et les noms des personnages emblématiques résonnent en nous : Swann, Odette, les Verdurin, Charlus, Gilberte, Françoise, Tante Léonie, Bergotte, Elstir, Vinteuil sans oublier la mère du narrateur. Et nous reconnaissons les extraits les plus connus : les aubépines, la madeleine trempée dans le thé, l'immense édifice du souvenir, les pavés de Notre Dame de Paris, les chambres, les salons, l'affaire Dreyfus... Et nous retrouvons les thèmes proustiens : l'homosexualité cachée, le sado-masochisme assumé, la désillusion des amours, la perte des êtres chers, la guerre de 14/18, etc. Proust personnifie aussi le style, un style inimitable, un vocabulaire magnifique, des phrases musicales, un rythme chaloupé, un effet de labyrinthe mental. Cela faisait longtemps que je ne l'avais pas relu et j'avoue que certains passages que je n'avais pas remarqués, m'ont davantage intéressée, en particulier, les réflexions philosophiques sur le temps, sur l'art et sur la psychologie des personnages. Proust ressemble à un archéologue qui gratte, fouille, prélève, sauve et préserve les tessons du temps perdu. Son œuvre continue à nous enchanter même si la lecture ressemble à un Himalaya littéraire. Il ne se passe rien de grandiose dans "La Recherche du Temps perdu", mais cette description méticuleuse d'une société disparue à tout jamais avec ses personnages inoubliables, symbolise la mission de la littérature : retenir le temps qui passe avec des mots...

mardi 28 juin 2016

"Le plus et le moins"

Erri De Luca, napolitain de naissance, nous offre souvent des romans subtils, profonds d'une écriture simple et imagée. Dès que j'ai ouvert la première page, je me sentais en "terrain connu" car je retrouvais avec plaisir cet homme qui partage sans fioritures les souvenirs émouvants de son enfance, de sa famille et de sa vie d'adulte. Comme j'ai découvert sa région récemment, je goûtais sa prose comme je dévorais les babas au rhum de Naples... Les trente sept textes autobiographiques de ce recueil deviennent des repères qui éclairent ses romans précédents : sa passion pour la montagne, son besoin de fraternité et des luttes sociales, la lecture de la Bible, les souvenirs familiaux, la présence de la mer à Ischia, la pêche, la nature. Il chuchote à l'oreille de ses lecteurs(trices) des confidences en toute amitié et dans une confiance bienveillante.  Il évoque souvent à fleur de peau son amour de l'écriture et des livres en utilisant des formules puissantes comme celle-ci :  "J'avais appris avec certitude, ce jour-là, que l'écriture était un champ ouvert, une issue. Elle pouvait me faire courir là où il n'y avait pas un mètre pour les pieds, elle me propulsait au large, alors que j'étais aplati sur une feuille. C'est ainsi que je me suis mis à écrire, à partir de ce jour-là, pour forcer les verrouillages qui m'entouraient. Ils cédaient, me laissaient aller tant que durait l'écriture."  Au fil des récits, sa passion de l'écriture et de la lecture me ravit et conforte cette obsession que je partage avec lui. Pour tous ceux qui aiment l'Italie et sa littérature, Erri De Luca nous charme littéralement. Il n'oublie pas son héritage maternel en lui rendant un bel hommage en l'imaginant "relisant les grands romans de Proust, Dostoïevski, Tolstoï, le jour et même la nuit quand le sommeil cessait." Un recueil indispensable pour les amoureux d'Erri De Luca.

lundi 27 juin 2016

Hommage à Benoîte Groult

J'ai appris le décès de Benoîte Groult la semaine dernière et j'ai pensé tout de suite à un livre que j'ai beaucoup vendu quand j'étais libraire à Bayonne. Ce petit ouvrage, "Ainsi soit-elle", paru en 1975, dénonce la condition des femmes dans de nombreux pays et devient un best-seller auprès de milliers de lectrices découvrant le féminisme de ces années-là. Mai 68 et les théories de Simone de Beauvoir ont influencé Benoite Groult. Elle a ainsi bousculé les mentalités traditionnelles où les femmes étaient exclusivement cantonnées à la maison pour qu'elles prennent soin de leur mari et de leurs enfants... Elle découvre cette révolution politique un peu tardivement après avoir collaboré dans des journaux féminins comme Elle, Marie-Claire, Parents. Mariée au journaliste Georges de Caunes, elle a deux filles et une troisième avec l'écrivain, Paul Guimard. Dès 1958, elle écrit avec sa sœur Flora des romans dits "féminins" avec un talent certain et elle prend enfin son envol en 1972 en publiant "La part des choses". Ses romans parlent de l'amour, du couple et de ses problèmes, de la vie quotidienne avec ses difficultés. En 1978, elle fonde une revue féministe, "F Magazine", qui propose une vision plus audacieuse du rôle des femmes dans la société. Dans les années 80, elle participe à la commission de terminologie pour la féminisation des noms de métiers, de grades et de fonctions. Cette mission, toute symbolique soit-elle, marque les esprits et œuvre pour une véritable égalité hommes-femmes, même sur le plan grammatical malgré les moqueries de la gente masculine. Elle réserve son dernier combat pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) et évoquera cette question fondamentale dans le récit autobiographique, "La Touche étoile".  Une vie bien remplie, tissée d'amours et d'amitiés, de valeurs humanistes et féministes, une femme-force, une femme libre surtout, et une écrivaine de conviction, engagée et courageuse jusqu'à la fin de ses jours. Je voulais lui rendre hommage au nom de toutes les femmes qui ont choisi la liberté à la soumission, une des valeurs les plus essentielles de notre civilisation occidentale, mise en danger aujourd'hui alors que nous avons tant lutté pour l'obtenir...
 
 

mardi 21 juin 2016

Etape à Montolieu

Avant d'arriver à Biarritz en passant par le Midi, je me suis arrêtée à Montolieu, à quinze kilomètres de Carcassonne dans l'Aude (quel beau nom, quand même). Les lieux comme Montolieu m'attirent évidemment : imaginez-vous un village où vous tombez sur une librairie dans chaque rue, un atelier d'artiste, un musée de l'imprimerie, une sculpture dédiée aux livres sur une place, des ateliers de reliure-dorure, de calligraphie, etc. Même les restaurants se nomment le Marque-page, l'Apostrophe, la Table nomade, les Anges au plafond. J'avais repéré une chambre d'hôte dans le restaurant l'Apostrophe, véritable lieu culturel, situé dans une manufacture désaffectée, ancienne fabrique de draps de laine. Quatre artistes étaient exposés dans l'hôtel et le responsable de l'établissement m'a signalé un hangar avec une verrière couverte de lierres où je me suis égarée le soir pour admirer, en ouvrant la porte en fer,  des fresques gigantesques représentant des caméléons... Un charme particulier se dégageait de cet endroit enfoui dans les ronces et fermé au public. Une caverne artistique comme au temps des hommes préhistoriques... Ce village a le courage aujourd'hui de mettre le livre et l'art à l'honneur : des dinosaures de l'écrit et du papier ! Un enchantement en 2016 alors que nos yeux sont braqués sur les écrans à longueur de temps. J'ai arpenté avec bonheur la dizaine de librairies aux noms évocateurs : la Musique des Mots, l'Aubaine, Au temps jadis, l'Anachronique, la Lettre volée, etc. Dès que je rentrais dans un de ces espaces magiques pour moi, je devinais la personnalité du libraire, amateur de bandes dessinées, de science-fiction, de littérature, de livres anciens rares, d'éditions originales. Je pourrais passer des journées entières à farfouiller dans les étagères, les bacs, les tables, mais, malheureusement, je n'avais pas le temps de rester trop longuement dans chacune d'entre elles. Je suis repartie avec quelques ouvrages sur les bibliothèques du monde, sur l'archéologie, le recueil de Marguerite Yourcenar sur la poésie grecque, des livres d'art sur Arcimboldo et Turner. En engageant la conversation avec deux libraires, j'ai appris qu'ils utilisaient les sites de vente sur Internet car les visiteurs, amoureux des livres, se font plus rares et je me demande si le concept de "village du livre" des années 90 survivra encore longtemps. Je l'espère. Michel Braibant, l'initiateur du projet, relieur de métier, avait souhaité créer un conservatoire européen des Arts et Métiers du Livre. Il a réussi cette belle utopie et il faut aller soutenir ce merveilleux village, que l'on devrait inscrire au Patrimoine de l'Unesco...

mercredi 15 juin 2016

Atelier de lectures, 2

Après un buffet succulent où chacune avait apporté sa spécialité, j'ai animé mon dernier atelier de lectures de la saison. J'ai expliqué à mes amies-lectrices que je voulais renouveler la formule pour la saison prochaine en quittant l'AQCV comme lieu d'accueil et en nichant de maison en appartement telles des cigognes avec notre paquet de livres. Je cherche un nouvel intitulé pour ces rencontres autour des livres : livres nomades ? J'avais envie de plus de convivialité dans un salon ou une terrasse si le temps le permet... Je sais que nous aurons peut-être des difficultés pour nous retrouver à tel ou tel endroit. Mais, nous pratiquerons le co-voiturage et l'entraide pour nous rendre à nos destinations. Changement de lieu, changement de formule, changement de pilotage, je souhaite que les amies-lectrices deviennent plus actives, plus créatrices tout en les aidant. A elles aussi de proposer un écrivain qu'elles aiment, un roman particulier, un classique, de la poésie, un genre littéraire. Nous ouvrirons aussi le débat sur des films vus à l'Astrée, des expositions à visiter ensemble, etc. Des livres et des ouvertures dans d'autres domaines culturels, pourquoi pas ? Nous nous connaissons suffisamment pour tenter une nouvelle expérience. Je proposerai une première rencontre après l'été et j'espère que ce projet se réalisera au fil des mois. Dans la dernière séance, j'ai noté quelques coups de cœur. Danièle a évoqué Jean-Claude Mourlevat, "Mes amis devenus", "En souvenir d'André" de Martin Winckler, "Le chemin de tables" de Maylis de Kerangal, et "Quatuor" d'Anna Enquist. Evelyne a choisi de réciter une belle fable de La Fontaine, "L'ivrogne et sa femme" et, soudain, la langue française a pris son envol et nous a charmées. Janine nous a rappelé de lire Elena Ferrante et sa fresque napolitaine, "L'amie prodigieuse" et "Le nouveau nom". Geneviève nous a cité "Entre deux océans" de Steedman. Dany a vraiment apprécié "Le grand marin" de Catherine Poulain, "L'homme du verger" d'Amanda Coplin, et "Le règne du vivant" d'Alice Ferney. L'ambiance dans cette dernière rencontre s'est avérée excellente et j'ai souhaité à toutes mes amies-lectrices de grands moments de bonheur pendant l'été grâce au soleil (enfin) et aux livres (toujours) malgré l'accablante morosité de l'actualité entre les actes d'horreur barbare à Orlando et en France et les éternels mécontentements sociaux... Une parenthèse de paix et de chaleur humaine dans un monde dur et angoissant.

Atelier d'écriture, 1

Ce mardi 14 juin, nous avons terminé la saison 2015-2016 en grande amitié avec toutes les participantes des deux ateliers. Nous étions presque toutes présentes le matin pour le dernier atelier d'écriture, piloté avec maestria et compétence par Mylène. Notre animatrice-amie a proposé cet atelier deux fois par mois pendant six ans et elle a partagé les rencontres avec Marie-Christine depuis deux ans. Elle nous a annoncé qu'elle arrêtait l'atelier et cette décision nous a toutes attristées car nous aimions ce temps de partage dans l'écriture et dans la lecture de nos textes. Souvent de grands rires d'éclat résonnaient dans la salle quand certaines d'entre nous utilisaient l'humour dans leurs productions. Je veux rendre personnellement un hommage à Mylène qui a offert son temps, son énergie et sa générosité à un grand nombre de femmes (une cinquantaine je suppose depuis des années). Le bénévolat peut engendrer le solidarité et la convivialité et on ne dit jamais assez que ces moments, placés sous le signe de l'écrit, ont beaucoup enrichi culturellement les "écrivantes"... Mylène a initié les collègues à la poésie de grande qualité, à des écrivains connus ou moins connus, à des courants littéraires comme l'Oulipo (Ouvroir de Littérature Potentielle), aux classiques. Chaque fois qu'elle nous annonçait l'exercice avec gourmandise, nous avions le désir de répondre à sa demande et parfois, quand l'une d'entre nous renonçait, Mylène l'encourageait à persévérer. Elle se transformait en artisan des mots en relevant les expressions heureuses, les phrases bien ciselées. Si nos textes pouvaient lui paraître inachevés, elle nous demandait de les reprendre, de les perfectionner, de revenir sur eux afin de les améliorer. Mais, tous ces conseils étaient formulés dans la plus grande modestie. Je vais regretter ces séances qui m'inspiraient souvent. Je sais que nous continuerons l'aventure plus tard après un temps de repos et de répit pour elle. Elle ne peut pas nous "abandonner" car grâce à son travail de préparation des ateliers, elle nous a appris à cheminer à travers les mots, les phrases, les poèmes, les jeux littéraires et les exercices oulipiens. Et nous avons besoin en permanence d'une accompagnatrice pour tenter souvent l'impossible : écrire, jouer avec la langue française, employer un vocabulaire revisité, s'amuser avec des expressions courantes, etc. Je lui souhaite de très bonnes vacances et je sais qu'elle anime d'autres ateliers d'écriture. Un jour prochain, je serai à ses côtés et j'écouterai de nouveau ses consignes. Et, mon imagination se mettra en mouvement et ma main saisira mon stylo pour tisser un ensemble de mots qui ressemblera à un texte réussi (ou pas...). Merci, mille fois merci et à bientôt...

mardi 14 juin 2016

Rubrique cinéma

J'avais entendu de la part de quelques collègues que je côtoie dans mes cours de littérature qu'il fallait voir "Elle", le film de Paul Verhoeven, sélectionné au Festival de Cannes. Isabelle Huppert joue remarquablement une femme forte à la tête d'une entreprise florissante de jeux vidéos. Elle est adulée et détestée et son comportement de "patronne" subjugue le personnel, exclusivement masculin. Tout semble aller de soi pour elle, même si sa vie sentimentale ressemble à une illusion, digne de la virtualité de son champ d'action professionnel. Elle trompe allègrement sa meilleure amie avec son mari, ne supporte pas les petites amies de son ex-mari, méprise son grand dadais de fils. Un soir, un individu masqué fait irruption chez elle et la viole. Elle se relève, se nettoie, balaye les débris de vaisselle et reprend sa vie comme avant. Sa force de caractère et sa détermination froide prennent leurs racines dans sa famille. Sa mère, frivole et coquette, s'amourache de jeunes hommes. Son père est en prison pour des affaires sordides de meurtres en série. La petite Michèle porte un nom maudit et terrible. Sa mère la supplie de renouer avec lui. Peu à peu, elle informe son entourage du viol qu'elle a subi et dès lors, le spectateur(trice) se demande pourquoi elle n'a pas dénoncé son viol à la police. Elle commence à comprendre que son voisin ressemble à son homme de la nuit. Il réapparait une deuxième fois chez elle et leurs retrouvailles sexuelles deviennent un jeu sadomasochiste. J'avoue que les scènes de viol m'ont paru insupportables. Dans sa vie professionnelle, le doute s'installe et dans sa vie amoureuse et familiale, les conflits s'exaspèrent. Cette femme de tête ne supporte pas l'hypocrisie, ni les mensonges. Elle veut revoir son père pour lui dire la haine qu'elle lui inspire. Il se suicide avant la visite de sa fille. Elle va avouer à sa meilleure amie qu'elle couche avec son mari. Lors d'un nouvelle irruption de son violeur, elle lui plante une paire de ciseaux dans une main. Va-t-elle finir par le dénoncer ? Je ne donnerai pas la fin de l'intrigue. Ce film m'a semblé "détestable" et je ne comprends absolument pas la complicité de l'héroïne avec son violeur... Tout est froid, glacial dans la vie de Michèle. Il faut dire que son enfance a été particulièrement traumatisante... Ce film dérange et bouscule et m'a laissée dubitative malgré la performance étourdissante d'Isabelle Huppert.

lundi 13 juin 2016

Fondation Pierre Gianadda à Martigny, 2

Après avoir ressenti la lumière intense et chaleureuse des toiles de Zao Wou-Ki, j'ai arpenté le parc arboré du musée pendant une petite accalmie mais, même sous une pluie fine, les sculptures éparpillées dans l'espace révèlent un musée à ciel ouvert. Un grand plan d'eau équilibre l'ensemble dans une dimension japonisante. J'ai donc admiré un Calder (mobile), un Miro (une tête burlesque en bronze), un César (un sein planté dans l'herbe), un Niki de Saint Phalle (une poupée géante colorée à l'outrance), un Germaine Richier (vieille femme sur un piédestal), un Chillida, un Brancusi, etc. Tous les grands sculpteurs du XXe siècle sont vraiment présents dans cet espace magnifique. J'ai aussi croisé des faux moutons, une louve et son petit, des formes géométriques abstraites. Il faut prendre un peu de temps pour se balader dans les sentiers balisés en flairant l'air frais et vert, pour saluer ces formes souvent en bronze et en pierre et pour se recueillir devant certaines plus émouvantes comme celle de Germaine Richier. J'ai aussi vu un hommage à la musique du plasticien Arman où il a installé un amoncellement de violons formant un monticule géant comme s'il voulait atteindre le ciel avec des notes musicales. Tous les parcs devraient se doter de sculptures pour donner le goût de l'art et de la beauté... Je rêve certainement, mais la Fondation n'a pas hésité à poser ces œuvres en plein air pour le plus grand bonheur des visiteurs.  Avant de partir, je suis retournée dans le musée pour revoir les peintures de Zao Wou-ki, les enregistrer dans mes pupilles et les graver dans ma mémoire. Cette exposition se termine le 12 juin et Picasso le remplace du 17 juin au 20 novembre 2016. Une librairie disposait de tous les catalogues de la Fondation et je suis repartie avec le Zao Wou-Ki et avec "La beauté du corps en Grèce"... Je me suis jurée de revenir dans ce lieu à deux heures trente de Chambéry. Une belle journée, ce mercredi de juin.

vendredi 10 juin 2016

Fondation Pierre Gianadda à Martigny, 1

Jeudi dernier, j'ai vu une très belle exposition consacrée au peintre franco-chinois, Zao Wou-Ki. Je n'étais jamais allée à Martigny en Suisse et j'ai découvert cette institution culturelle avec beaucoup de plaisir. Plusieurs lieux dans le musée sont dédiés à des formes diverses de l'art : une exposition sur un ou plusieurs peintres, un musée gallo-romain au premier étage, un espace audiovisuel, une galerie de photographies, une collection de voitures anciennes sans oublier le parc, parsemé de sculptures modernes. On peut séjourner quelques heures et passer ainsi de très bons moments. Léonard Gianadda, le mécène de la Fondation Pierre Gianadda, a ouvert cette institution en l'honneur de son frère, Pierre, décédé dans un accident d'avion à l'âge de 38 ans. Photographe-reporter, ingénieur à Martigny, il découvre un temple gallo-romain sur un terrain constructible. Il décide d'installer sur ce lieu, cette Fondation qui a organisé plus de cent cinquante expositions depuis quarante ans. J'ai donc profité de cette journée d'un éclectisme rare et riche. Dès que l'on pénètre dans l'enceinte du musée, le grand patio nous accueille et nos yeux aperçoivent tout de suite les immenses triptyques de Zao Wou-Ki. Dès que l'on commence la visite, les toiles du peintre nous enrobent, nous saisissent l'esprit et les sens et pour moi qui aime l'océan et les paysages, je me suis plongée avec allégresse dans le bleu profond océanique, le rouge des couchers de soleil, le vert des collines, le gris des ciels d'hiver. J'ai aussi remarqué les natures mortes réinterprétées à sa façon. Quel immense artiste ! Né à Pékin en 1920, il dessine et peint à l'âge de dix ans. Il fréquente une école des Beaux-Arts en Chine et en 1948, il  quitte son pays pour la France. Il est reconnu très vite par la confrérie des artistes parisiens et voyage beaucoup. En 1970, il est professeur de peinture murale à l'Ecole nationale des Arts décoratifs. En 2011, il s'installe en Suisse et meurt deux ans après de la maladie d'Alzheimer.  Zao Wou-Ki est un poète des couleurs, des formes et des impressions... Chaque observateur de son art se balade dans ses toiles avec une liberté totale et une euphorie intérieure. Après la cinquantaine de toiles souvent de grand format, j'ai vu les vitrines contenant les trouvailles archéologiques de Martigny : poteries, bijoux, statuettes votives, grands bronzes, monnaies, stèles, fibules, offrandes, etc. Comme j'aime la période antique, j'étais aux anges... Demain, suite de mes découvertes à Martigny.

jeudi 9 juin 2016

"Le chemin de tables"

Depuis que j'ai découvert l'œuvre de Maylis de Kerangal, je ne manque aucune de ses parutions. Vient de sortir "Un chemin de tables" aux éditions du Seuil dans la collection "Raconter la vie". J'avais lu dans cette collection à caractère sociologique, un ouvrage d'Annie Ernaux, "Regarde les lumières mon amour" où l'écrivaine décrivait le monde des grandes surfaces, des hypermarchés dans la banlieue parisienne. L'objectif de l'éditeur consiste à rendre visible la vie quotidienne et professionnelle. Maylis de Kerangal a donc composé un opus "culinaire" absolument délicieux pour tous ceux qui aiment les restaurants, les brasseries et les bistrots. Pourtant, son personnage nommé Mauro, présente un caractère instable et fonceur. Il change d'employeur dès qu'il a épuisé l'intérêt de l'affaire et il ne cesse d'apprendre à tous moments toutes les recettes et les "trucs" culinaires qui enrichissent son identité de cuisinier autodidacte. Les premières pages concernent un poste à Berlin et les errances du jeune homme dans le maquis des restaurants de l'immense cité. On retrouve Mauro dans une bibliothèque où il découvre la littérature gastronomique. Le rôle des livres prend toute son importance dans la vie du jeune homme. Comment devient-on cuisinier ? Alors que tout le monde sait que c'est un métier harassant et prenant qui ne laisse aucune place au temps libre et la vie familiale. Tout petit, il réalisait un gâteau par jour au retour de l'école... Ses parents artistes éduquent leur garçon à la bonne cuisine, "Ce qui se joue à l'heure des repas est conçu comme un rapport au corps et une inscription dans le monde, l'idée d'une conscience de soi, autrement dit ce par quoi l'homme se distingue de l'animal". Ce jeune garçon a aussi la passion des mots concernant la pâtisserie, les mille façons de cuire, de traiter les aliments. L'auteure très érudite sur ce monde de la cuisine nous offre un festival de vocabulaire et construit son récit sur un Ulysse navigant de restaurant à restaurant jusqu'à inventer le sien en lançant un nouveau concept de lieu de rencontre autour de repas partagés. Mais, notre jeune homme, toujours à la quête d'un ailleurs culinaire, fermera les portes de son restaurant. L'auteur n'oublie pas de nous raconter ce monde impitoyable des chefs, des soixante dix heures par semaine, de la hiérarchie inhumaine... Elle décrit aussi l'énergie de Mauro, sa créativité, son audace et son savoir-faire. Cet ouvrage s'intègre parfaitement dans la collection mais il faut ajouter le talent inouï stylistique de Maylis de Kerangal... Un ouvrage original, littéraire et culinaire, qui nous ouvre les yeux sur cette vocation de cuisinier. Des mots et des plats, quel régal...

mercredi 8 juin 2016

"On ne meurt pas de chagrin"

Ce texte autobiographique du philosophe biarrot, Frédéric Schiffter, m'a beaucoup intéressée. Je connais un peu son œuvre, qualifiée parfois de dilettante, de superficielle ou de décalée... J'aime bien les solitaires de la philosophie moderne qui font penser à des moralistes du XVIIIe siècle. Ils ne font pas partie d'une école de pensée ou d'une obédience quelconque. Il n'intervient pas dans les médias comme certains d'entre eux. Je me souviens de son "Sur le blabla et le chichi des philosophes", "Le charme des penseurs tristes", le "Dictionnaire de la philosophie" où l'essayiste se moque de son collègue Onfray qui se prend vraiment trop au sérieux. J'ai aussi une envie supplémentaire de lire Schiffter pour la bonne raison qu'il raconte sa ville d'adoption, Biarritz dont je suis originaire. Ce dernier ouvrage est une lettre qu'il adresse à son père, décédé brutalement en 1966 quand le petit Frédéric avait dix ans. Sa mère devient alors la "femme de sa vie". L'auteur évoque l'absence de ce père qu'il a, au fond, peu connu. Il tente de retrouver les traces ténues et mystérieuses de la figure paternelle. En prenant comme sujet principal la disparition de son géniteur, il raconte l'histoire familiale, la rencontre de ses parents, leur couple bancal, leur séparation et la fin de leur vie commune dans une France des années 60 et 70. Il nous dresse aussi un portrait attachant de sa personnalité, de ses amours comme de ses désamours... Il aime aussi le surf, ce qui est peu banal pour un philosophe. Mais à Biarritz, surfer et philosopher vont bien ensemble ! J'ai retrouvé avec plaisir le charme suranné de la Place Clémenceau, du magasin Biarritz-bonheur dans lequel j'ai vécu des moments cocasses avec ma mère, hélas, disparue. Je me sentais un peu chez moi dans cet ouvrage qui me rappelait tant ma jeunesse. Ce récit autobiographique n'est en aucun cas jalonné de concepts philosophiques, ni de vocabulaire spécialisé. Frédéric Schiffter a voulu démontrer que le chagrin peut être surmonté peut-être à l'aide de la philosophie. Il a survécu à la perte d'un père trop absent et à l'étouffement d'une mère trop présente... Je le connaissais plutôt ironique, voire cynique. Sa confession intime sur son passé familial reste sobre et pudique. Peut-être que je rencontrerai Frédéric Schiffter dans ma belle ville basque au sommet d'une vague sur sa planche un jour prochain...

mardi 7 juin 2016

"Je suis en vie et tu ne m'entends pas"

Ce roman de Daniel Arsand demande une certaine attention à cause de son sujet délicat et grave. Le personnage principal, Klaus Hirschkuk, rentre dans sa ville natale, Leipzig en Allemagne. Tout est en ruine et le jeune homme semble malade et hagard. Il vient de passer quatre ans à Buchenwald. Pourquoi, lui, un jeune allemand se trouvait-il dans ce camp d'internement ? Il était enfermé pour son homosexualité. Ces années horribles l'ont définitivement traumatisé car il était traité comme un non-humain. Humiliations, violences corporelles, mépris des prisonniers à son égard, sa vie ressemblait à l'enfer sur terre. Il revient chez ses parents qui ne l'accueillent pas comme un fils prodigue. Ils rejettent au fond ce fils "indigne et anormal" selon leur moralité normative. Klaus se sent obligé de quitter ce milieu familial hostile. Il part en France avec un collègue français qui travaille chez un tailleur et cette expérience lui permet de trouver un emploi à Paris chez un couturier. Il finira par rencontrer un compagnon de vie mais traversera les années 80 avec l'angoisse de la maladie, le sida, qui fait des ravages dans le milieu homosexuel. Il osera à ce moment-là écrire un témoignage sur ces années noires de Buchenwald et sur les luttes sociales pour la reconnaissance de son identité singulière. Daniel Arsand adopte un style fébrile, brûlant voire incandescent pour dénoncer l'injustice atroce de ce destin foudroyé par l'intolérance, par la bêtise et par la cruauté. Ce roman rend hommage à ces victimes du nazisme, anéanties à cause de leur sexualité différente. La littérature "concentrationnaire" a relaté toutes les atrocités des camps et ce livre évoque ce passé occulté et remet en mémoire les homosexuels au triangle rose, compagnons des tziganes et des  handicapés mentaux. L'auteur a voulu rappeler les vies brisées de ces hommes et surtout, nous dire que l'indifférence qu'ils ont subie à leur retour pouvait aussi les tuer pour la deuxième fois quand ils sont revenus des camps.  Un roman ardent, parfois difficile à lire d'une écriture très originale.  La littérature est loin de ressembler à un "long fleuve tranquille"...

lundi 6 juin 2016

"Le silence"

Jean-Claude Pirotte nous a quittés en 2014. J'ai déjà parlé de ce poète-écrivain belge dans ce blog car je lisais, de temps en temps, au fil des parutions les ouvrages de cet homme discret. Les éditions Stock propose un livre posthume, une sorte de testament littéraire de Jean-Claude Pirotte. Philippe Claudel a écrit une belle préface et décrit son ami ainsi : "Avec en main ce fraternel bréviaire, malicieux jusque dans ces méandres, le lecteur pourra se dire qu'il n'est pas tout à fait seul et se convaincre qu'en ces moments de grâce la vie, parfois, nous fait croiser des dieux grimés en vagabonds." Le poète-écrivain nous confie avec bonheur ses souvenirs d'enfance et de jeunesse, son goût pour le vin, pour les paysages de Bourgogne et du Jura, des escapades en vélo, des amours rêvés, et puis au détour d'un paragraphe, dans les plis des phrases, apparaît une pensée de philosophe : "Le sentiment de naître nous étreint à certaines heures comme si nos souvenirs étaient neufs, comme si notre mémoire attendait que nous la remplissions d'une vie sans entrave, d'amours de légende, et de l'arôme des vins futurs". Il rend hommage à un frère en écriture, le moraliste Joseph Joubert (1754-1824) qui n'a jamais été publié de son vivant. Il évoque ses lectures en citant André Dhôtel (trop oublié...), Max Jacob. Il s'interroge sur le silence, le secret de la poésie, la création littéraire en ébauchant quelques réponses modestes. Ce dernier ouvrage qu'il écrit alors qu'il se sait en fin de vie recueille ses souvenirs les plus lumineux et les plus intimes. Ses lecteurs fidèles retrouvent toutes les traces de son œuvre antérieure. J'aime cette voix de poète d'une clarté immédiate et amicale... Jean-Claude Pirotte aurait mérité une plus grande reconnaissance du milieu littéraire mais son grand handicap demeurait dans son amour de la "province" et de la campagne... Les critiques et les médias ne connaissent souvent que le sol "parisien"...   

vendredi 3 juin 2016

"Tout dort paisiblement, sauf l'amour"

Je trouve remarquable qu'un écrivain s'empare d'une histoire qui semblerait à priori austère et difficile, celle du philosophe, Soren Kierkegaard et de sa fiancée, Régine Olsen. Claude Pujade-Renaud nous offre régulièrement de forts beaux romans historiques et son écriture élégante et ciselée accompagne à merveille les vies de ses personnages. Il s'agit dans son dernier opus du grand philosophe danois raconté par sa fiancée, Régine, qui vit aux Antilles danoises avec son mari, gouverneur de l'île. En 1855, la jeune femme apprend la mort de son ex-fiancé, quinze après la rupture de ses fiançailles.  Régine relate sa vie heureuse dans ce pays tropical entre un mari dévoué et ses nombreuses relations sociales. Mais, la nouvelle de cette mort la replonge dans un passé douloureux. Elle aimait ce drôle d'homme, brillant et profond, qui a refusé l'amour et le mariage pour se consacrer uniquement au monde de la philosophie. Avant de commencer le roman, je conseille la lecture d'un article de Wikipédia qui explique l'œuvre du philosophe. Né à Copenhague en 1813, il est issu d'une famille bourgeoise et il a reçu une éducation chrétienne fervente et proche des piétistes. Sa vie rimera avec le deuil car il perd sa mère, ses trois sœurs, deux frères et son père en dix ans. Il sombre dans la dépression et ses ouvrages évoquent l'angoisse existentielle, le désespoir, la mélancolie. Dans l'ouvrage "Miettes philosophiques", il affirme que "le devoir de l'individu est d'obéir à sa propre vocation". Le roman de Claude Pujade-Renaud n'aborde pas les concepts philosophiques de Kiekegaard d'une façon didactique. Elle les effleure avec subtilité et le lecteur curieux est invité à rechercher plus d'informations. Cette fiancée quittée a toujours été aimée par le philosophe car, à sa mort, elle héritera des droits de son œuvre. Pendant toute sa longue vie, cette femme au fond, reste fidèle à cet homme singulier et dont la renommée s'affirmera au fil des ans. Régine Olsen dresse un portrait touchant de ce philosophe tourmenté et malheureux pour qui la nature et les oiseaux apaisaient ces humeurs noires. Ce beau roman évoque aussi la ville de Copenhague, l'amour de la musique (Régine joue du piano), les secrets de la famille Kierkegaard, le bonheur conjugal, la fidélité, la mémoire constamment revivifiée. Un livre rare, plein de charme et il faut souligner que Claude Pujade-Renaud a quand même eu l'audace romanesque et intellectuelle de faire connaître aux lecteurs un grand "monsieur" de la philosophie occidentale et de sa "fiancée". Pari réussi...