jeudi 1 août 2019

"Loyautés"

J'ai pris par hasard sur un chariot à la médiathèque le septième roman de Delphine de Vigan, publié en 2018 chez Lattès. J'avais bien aimé son livre sur sa mère, "Rien ne s'oppose à la nuit" qui avait rencontré un très large public. Pourtant, l'histoire du suicide maternel en 2008, n'était pas d'une gaité folle. Mais, son ouvrage autobiographique avait trouvé les mots pour décrire une tragédie intime. J'avais aussi lu "D'après une histoire vraie", un roman intrigant sur une amitié féminine envahissante, peut-être fantasmée. "Les Loyautés" raconte l'histoire de deux adolescents, Théo et Mathis, en détresse familiale. Ces élèves de cinquième s'adonnent à une occupation mortifère : ils avalent en cachette des bouteilles d'alcool pour se donner une ivresse oublieuse. Mathis prend conscience peu à peu que son ami boit plus que de raison, comme un anéantissement. La professeur de biologie, Hélène, remarque l'attitude défensive de Théo et elle suppose que ce garçon est maltraité dans sa famille. Son père vit seul et pratique comme on dit aujourd'hui la garde alternée. Cet homme va sombrer peu à peu dans une dépression, faute de travail et à cause de son divorce. Théo protège ce père en perdition et ne parle à personne de ce naufrage familial, même pas à son meilleur ami. Les ados ne se portent pas bien et du côté des adultes, le constat s'avère négatif. Les parents de Théo ont démissionné, englué dans leurs propres problèmes. Les parents de Mathis ne se préoccupent que de leur couple vacillant. Ce roman brosse un portrait d'une société en manque de repères et de solides attaches affectives. Seule, Hélène s'inquiète du comportement de l'adolescent. Les professeurs vont-ils se transformer en travailleurs sociaux, susceptibles de détecter les failles de leurs élèves ? Sauvera-t-elle Théo de l'alcool ? La fin du roman peut être interprétée selon son caractère optimiste ou pessimiste. Delphine de Vigan pourrait être qualifiée d'écrivaine sociale car ses romans abordent souvent des problèmes de société (chômage, harcèlement au travail, addictions, dépressions, suicide). L'auteure revendique le concept de littérature miroir, reflet d'une époque difficile pour les "perdants". Ces livres racontent les dysfonctionnements des familles composées, recomposées ou décomposées... Il manque pourtant un élément qui pourrait donner plus de force à ses romans : un style plus fort, plus original alors qu'il se montre trop sage dans le choix des mots. Dommage…