vendredi 24 décembre 2021

"Un hiver avec Schubert"

 Schubert (1797-1828, le plus grand compositeur de la musique romantique allemande, m'accompagne depuis de nombreuses années. J'ai même visité la maison de son enfance à Vienne et j'étais émue de voir ses objets familiers, ses instruments et ses partitions. Ce musicien mélancolique a composé un ensemble de lieder (poèmes en musique) d'une grande beauté, des symphonies et de la musique de chambre. Xavier Bellamy anime une émission sur Radio Classique et cet ouvrage, "Un hiver avec Schubert" rend un hommage vibrant au musicien viennois : "En savourant le livre "Un été avec Montaigne" d'Antoine Compagnon, je me suis dit sur le mode de la plaisanterie, à condition de passer l'hiver avec Schubert". Une quarantaine de textes courts raconte l'homme : son caractère, sa famille, ses amis, sa vie à Vienne, ses amours déçues, sa passion de la musique, sa mort prématurée. Un premier romantique tout en restant classique. Un esprit pur, le meilleur des amis, un homme timide, introverti et seul malgré son culte de l'amitié. Xavier Bellamy définit le musicien ainsi : "Car être musicien, c'est traverser le temps en vivant intensément chaque temps de la composition, principalement les temps faibles qui réclament plus d'imagination. (...) C'est approcher une idée de l'absolu qui échappe à la raison et se dérobe sans cesse". Evidemment, Schubert n'a rien d'un gai luron. Sa douleur de vivre se rapproche d'un mode d'être. Il écrit dans son journal : "La douleur aiguise la raison et renforce le sentiment". Du courage, il en prend sa part en menant une vie simple, sans fortune et même inconnu dans sa ville de Vienne. Il quitte le lycée impérial à seize ans pour composer, devient instituteur dans l'école de son père. A vingt ans, il vit sans protecteur, sans salaire, sans logement à lui. En fait, il vit chez ses amis, tous musiciens, poètes, peintres. Le critique musical évoque les œuvres musicales de Schubert avec une simplicité qui permet une compréhension immédiate. Pour lui, le lied est la "forme la plus naturelle de l'art de Schubert et les découvertes qu'il y fait vont se retrouver dans sa musique instrumentale". Dans un dernier chapitre, l'auteur relate une rencontre avec Pascal Quignard qui a répondu d'emblée que Schubert correspondait à la définition suivante : le musicien "incarnerait le mieux cette façon de s'interroger en solitaire, de méditer librement, dans un état semi-éveillé, tous les sens en alerte, en un éternel retour vers le pays de l'enfance où un mystère s'est perdu". J'ai assisté à un de mes plus beaux concerts à Naples où dans le théâtre de la ville, Schubert était à l'affiche. L'esprit musical schubertien me transporte dans un hors-temps nécessaire pour atteindre une zone de sérénité... Comme celle de Bach, sa musique ressemble toujours à une journée de soleil, un soleil voilé par des nuages, un soleil discret et timide comme lui, Franz Schubert, l'éternel jeune homme.