mardi 15 octobre 2019

"Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon"

Le dernier roman de Jean-Paul Dubois, "Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon", paru en septembre chez l'Olivier, figure en bonne place dans les listes des prix littéraires de la rentrée. J'ai donc lu avec plaisir ce livre qui met en scène un personnage modeste, un peu quelconque, un peu fade même. Il s'appelle Paul Hansen et il purge une peine de deux ans dans la prison provinciale de Montréal. Cet homme incarcéré partage sa cellule avec Horton, un Hells Angel, meurtrier qu'il trouve bien sympathique. Paul Hansen, citoyen honnête, travaillait comme superintendant dans une résidence de luxe, l'Excelsior, où les copropriétaires appréciaient ses compétences multiples : conciergerie, petits travaux, factotum, courses diverses, discussions, gardiennage, jardinage. Et même assistant social, consolateur, psychologue amateur. Sa disponibilité et sa bienveillance procuraient un grand bien être à de nombreuses personnes âgées esseulées. Le narrateur raconte cette vie vouée au service des autres. Il tient cette disposition à son héritage familial car son père était pasteur, un pasteur danois un peu spécial mais qui consacrait son temps à ses ouailles. Sa mère gérait un cinéma d'avant-garde à Toulouse et se préoccupait davantage de sa vie militante à gauche que de son fils. Le récit alterne entre son présent en prison et son passé familial. Pour supporter la misère carcérale, il pense à sa compagne, Winona, une belle Indienne qui pilote des avions taxis au dessus des lacs canadiens. Son histoire d'amour pendant onze ans illumine son présent si sombre. Il songe aussi au destin funeste de son père perdant sa foi et son âme dans le jeu. Ressemblerait-il à ce père démissionnaire et à cette mère égoïste ? Paul se retrouve-t-il en prison pour quelle raison ? Sa vie conjugale s'est terminée tragiquement car il perd sa compagne dans un accident d'avion. Il est aussi harcelé par un copropriétaire mesquin et arrogant qui le licencie pour faute grave. Je ne dévoilerai pas l'acte final qui le fait disjoncter. Ayant purgé sa peine, il quittera la prison et partira sur les terres de son père, le Danemark. L'écrivain évoque dans ce beau roman la perte d'un amour, la relation au père, la chaleur de l'amitié avec un de ses copropriétaires, la détestation de la bêtise et de l'injustice. J'ai retrouvé le style simple et efficace de l'auteur, sa modestie, sa lucidité habituelle et malgré tout, sa volonté de résilience. Jean-Paul Dubois insuffle à ses romans une musique mélancolique et douce. Un de ses meilleurs romans.