vendredi 30 janvier 2015

Eloge de la carte postale

J'ai lu avec plaisir un essai fort charmant sur la... carte postale, essai intitulé "Théorie de la carte postale" écrit par Sébastien Lapaque, et édité chez Actes Sud. Il faut remettre à la mode cet objet en papier d'une dimension qui n'a pas bougé depuis cent ans, 14cmx9cm et pesant 3 grammes. Au temps des méls et des textos, la carte postale a pris des rides et les facteurs constatent eux-mêmes l'abandon de cette manière d'écrire qui demande l'art de la brièveté, de la rapidité, de l'instantanéité. On a tous griffonné des petits mots sur ces petits cartons colorés quand on voyage loin de chez soi, quand on part en vacances en bord de mer, à la montagne, etc. L'auteur propose une flânerie littéraire sur le thème vagabond de la carte postale, née en Autriche en 1862 et introduite en France en 1872. Il cite dans sa petite plaquette, des écrivains, des poètes (en particulier, le poète béarnais Paul-Jean Toulet), des noms de lieux qui font rêver, des voyages, des impressions, des sensations... La carte postale recèle un subtil pouvoir de poésie car elle traverse le temps et les lieux, exprime l'essentiel dans un raccourci de mots. J'ai retrouvé dans ce texte des "correspondances" communes avec l'auteur. Quand il relate la découverte de ces petits cartons dans des livres oubliés et que l'on ouvre quelques années plus tard, le passé lui revient comme la madeleine de Proust. J'ai aussi ressenti une émotion à la lecture de cartes postales anciennes et comme j'ai collectionné dans les années 80, les métiers féminins dans les années 1900, j'ai lu tous les messages de ces anonymes aux noms délicieusement vieillots. J'ai conservé cette collection par féminisme, évidemment et aussi pour ces missives modestes d'hommes et de femmes disparus aujourd'hui. J'ai aussi des portraits d'écrivains dans ce format avec des citations, et je ne manque jamais les librairies des musées visitées pour acquérir les reproductions des tableaux que j'ai aimés. L'hommage de l'auteur pour cet objet modeste et un peu négligé aujourd'hui, a le mérite de susciter l'envie de retrouver le charme des cartes postales... à l'heure des réseaux sociaux, de Facebook et de la messagerie électronique. Ah, le papier a encore de l'avenir ! 

mardi 27 janvier 2015

"L'amie prodigieuse"

Ce roman de l'italienne Elena Ferrante est le premier d'une série qui va en compter quatre (le dernier vient de paraître en Italie). L'écrivaine s'attache à décrire l'amitié tumultueuse entre deux femmes, Lila et Elena, issues d'un quartier populaire de Naples. A travers cette relation amicale passionnelle, Elena Ferrante retrace aussi l'évolution de la ville dans la deuxième moitié du vingtième siècle. Lila et Elena se connaissent dès l'école primaire. L'une a un caractère bien trempé : Lila possède une audace sans limite, "terrible et fulgurante", l'autre est fascinée par son intelligence, son esprit de révolte et d'indépendance. Dans ce quartier où elles sont enfermées et vivent sous la domination de leur père et frère, elles tentent parfois de s'en extirper. Elles décident, un jour, de fuir leur quartier pour voir le Vésuve et la mer et cette folle échappée symbolise leur condition de petites filles qui vivent dans une extrême pauvreté. La père de Lila tient une échoppe de cordonnier et le père d'Elena est gardien à la mairie. Elena Ferrante décrit à merveille ces familles napolitaines, populaires et aussi très dignes dans leur misère. Les deux fillettes vivent une amitié fusionnelle dans leur enfance mais leurs chemins divergent quant Elena poursuit ses études au collège et au lycée. Lila renonce à un avenir où elle pourrait s'émanciper de la famille et de son milieu. Elle rêve de créer des chaussures faites sur mesure mais ce projet a beaucoup de mal à se réaliser alors qu'Elena comprend l'enjeu de l'école pour se libérer du carcan familial et social. Elena commence à regarder les garçons, Lila se lie très vite à un fiancé un peu plus "riche" pour aider sa famille. Ce roman puissant et coloré évoque un monde disparu, celui de ces quartiers populaires où la pauvreté n'est pas seulement matérielle. Les amours adolescentes, les querelles familiales, les hiérarchies sociales, l'ordre patriarcal composent une fresque d'une Italie des années cinquante sans oublier l'amitié des deux adolescentes, inséparables et dissemblables, ferventes et secrètes. Un beau roman et je retrouverai avec plaisir les deux protagonistes de cette série littéraire quand Gallimard nous proposera son deuxième tome à la rentrée prochaine, peut-être...

lundi 26 janvier 2015

Eloge de la lecture et des bibliothèques

Mylène avait présenté cette toute petite plaquette dans l'atelier de lectures de décembre. Je l'ai lue aujourd'hui et quand les écrivains rendent hommage aux bibliothèques,  j'en suis très heureuse. J'ai passé les trois-quarts de ma vie professionnelle (vingt-six ans) dans des bibliothèques et ce parcours dédié aux livres et la lecture, s'est avéré un très bon choix après celui de libraire. Je considérais mon métier comme une vocation, celle du berger protégeant ses brebis. Je les choisissais, les cataloguais, les mettais à la disposition des enfants et des adultes. Les livres attendaient sagement des mains amies pour les tirer de leur silence. Je savais que les enfants adoraient souvent les albums, les BD, les premiers romans sans oublier les documentaires magnifiques écrits et illustrés. Quand une lectrice avait enfin trouvé un auteur qu'elle aimait, sa soif de découvrir l'œuvre entière m'enchantait. La bibliothèque s'ancrait dans la ville comme un vaisseau au bord du quai, et cette image de bâtiment flottant symbolisait le voyage autour des livres et de la lecture. Tout lecteur(trice) est un Ulysse en puissance, la lecture, son odyssée, un véritable voyage initiatique à travers la culture, les idées, l'imaginaire. Neil Gaiman, écrivain anglais, a tenu une conférence en 2013 à Londres sur le thème de la lecture et on la trouve retranscrite dans cette mini-plaquette, "Pourquoi notre futur dépend des bibliothèques, de la lecture et de l'imagination". Il dit tout simplement que les livres, c'est important, que la lecture, c'est très important (il faut le répéter sans faiblir). Les bibliothèques ne doivent jamais disparaître malgré les coupes budgétaires qu'elles subissent en Grande-Bretagne (et chez nous aussi...). Il défend en priorité ces lieux culturels essentiels pour la liberté de penser, pour devenir un citoyen éclairé et critique. Il met en valeur la fiction en la définissant joliment comme "un mensonge qui dit la vérité". Ce texte, édité chez l'éditeur "Au diable vauvert", est offert aux bibliothécaires, aux libraires et aux... lecteurs, un très joli cadeau pour ce début d'année...

vendredi 23 janvier 2015

Revue de presse

Les revues de février arrivent dans ma boîte à lettres et c'est toujours un plaisir d'avoir encore du courrier "papier" pour garder un lien avec mon très gentil facteur. "Lire" propose un dossier important sur Shakespeare, un entretien avec Sylvain Tesson qui sort "Berezina", un périple en Russie. On peut lire de nombreuses rubriques sur les nouveautés de la rentrée de janvier. Le Magazine littéraire a fait peau neuve en transformant sa maquette. Les articles deviennent plus lisibles sur un fond blanc brillant. J'ai remarqué plus de clarté, plus de rigueur dans la présentation. Le dossier central traite du roman gothique, un style littéraire proche du fantastique noir, (Mary Shelley avec Frankenstein). Je préfère les articles sur la nouvelle vague réactionnaire du roman en France, le cap du deuxième roman, un grand entretien avec Fleur Pellerin, notre ministre de la culture, qui aime lire (ouf !), un portrait de Mona Ozouf, la grande historienne. Les critiques des nouveautés sont bien présentées. En le feuilletant, j'ai trouvé le numéro plus simple à lire et des rubriques de l'ancienne maquette ont disparu. Je me ferai une meilleure idée après quelques numéros, mais je préfère déjà cette maquette à la précédente. Après la littérature, je m'intéresse beaucoup à la philosophie et le dernier numéro de Philosophie Magazine présente un dossier central sur "L'enfer, c'est les autres... Vraiment ?", des articles sur la torture, le cosmos, etc. Le cahier détachable concerne La Boétie, philosophe de la "servitude volontaire". Lire des revues, c'est une manière très agréable de se cultiver sans peine, de s'informer pour bien choisir les romans de l'année, de s'étonner encore de l'étendue de son ignorance (il y a tant de choses à découvrir !)...  

jeudi 22 janvier 2015

"Soumission"

J'ai hésité à évoquer le dernier roman de politique-fiction de Michel Houellebecq mais je me lance dans l'écriture du billet avec prudence et délicatesse. J'ai voulu lire ce livre car c'est tout de même un événement littéraire. Certains ne veulent absolument pas le lire, d'autres le découvrent pour son aspect polémique. Le fil de l'intrigue : François, un professeur d'université, spécialiste d'un écrivain décadent, Huysmans, décrit la situation politique de la France en 2022. Le parti des Musulmans modérés accède au pouvoir avec l'aide des partis de droite et des socialistes. Cette coalition lui permet de battre le Front national. François, le narrateur, part en province car l'université, devenue islamiste, le limoge. Il fuit Paris et ses turbulences politiques. Sur le plan amour, ce célibataire en quête de rencontres "tarifées", a une amante beaucoup plus jeune que lui. Mais, elle quitte le pays pour Israël. Le roman peut déranger voire effrayer quand le narrateur imagine le pays gouverné par le nouveau parti gouvernemental islamique : les femmes retournent à la maison (le chômage est enfin éradiqué), la polygamie est permise, la charia est appliquée... Cette nouvelle société "théocratique"  n'est qu'une fable politique...  En lisant les critiques sur ce roman, l'ambiguïté demeure : Houellebecq a-t-il voulu dénoncer la démission généralisée de notre société laïque face à l'avancée de la religion qui "soumet" l'individu ? Suggère-t-il qu'il est préférable de se fondre dans cette soumission totalitaire pour être heureux, la liberté étant une souffrance ? Plus je m'informe, plus je me pose des questions... Quand on avance dans son livre, le malaise s'installe même si l'écrivain utilise l'humour, l'ironie et la démesure. L'univers universitaire s'autodétruit par son extrême hiérarchisation, la société se déshumanise car l'amour n'existe pas, les relations humaines se délitent par manque de fraternité... Ce livre, au fond, me laisse perplexe et dubitative. L'avenir, pour Houellebecq, sera donc dominé par la religion et soumettra en priorité les femmes, quel cauchemar pour une féministe comme moi... Jean Birnbaum écrit dans le Monde des Livres : "Non, décidément, Houellebecq ne parle pas pour ne rien dire. Ce qu'il dit, il le dit, et cela en dit long, malgré tout, malgré nous, sur nous aussi. Sur cette époque terrifiante où nous nous trouvons sommés de choisir notre camp entre les pulsions islamophobes et les tueurs islamistes". Provocation pour les uns, prédication pour les autres, ce roman peut attirer une détestation certaine mais quand on aime la littérature, la curiosité l'emporte...    

mercredi 21 janvier 2015

Atelier de lectures, 2

J'ai proposé un changement dans nos pratiques de lecture. Les années précédentes, je choisissais un lot de livres à la médiathèque sur un sujet, une littérature d'un pays, un écrivain, etc. Mais, je devais rendre les livres à un mois près sinon, les amendes tombaient... J'ai donc décidé de proposer l'approche d'un écrivain. Pour l'atelier de janvier, j'ai pensé à Stefan Zweig et j'ai été agréablement surprise en constatant que toutes les lectrices présentes avaient respecté le "nouveau contrat". J'ai opté pour Zweig, car j'aime le côté cosmopolite et européen de cet écrivain autrichien, passionné par la culture, la littérature, la musique, la peinture, l'art en général. Son destin tragique ne peut qu'attirer l'empathie des lecteurs(trices). Avant de se suicider au Brésil en 1942 avec sa compagne Lotte, il écrit dans son autobiographie, "Le monde d'hier"  : "Né en 1881 dans un grand et puissant empire [...], il m'a fallu le quitter comme un criminel. Mon œuvre littéraire, dans sa langue originale, a été réduite en cendres. Étranger partout, l'Europe est perdue pour moi... J'ai été le témoin de la plus effroyable défaite de la raison [...]. Cette pestilence des pestilences, le nationalisme, a empoisonné la fleur de notre culture européenne ». Dans l'ensemble, cet écrivain a beaucoup intéressé les lectrices de l'atelier. Danièle a découvert "La lettre d'une inconnue", ou l'histoire d'une obsession amoureuse d'une femme envers un homme qui  comprendra trop tard qu'il est passé à côté de l'amour. Elle a aussi présenté "Clarissa", un roman très intéressant sur un couple "interdit" entre une jeune fille allemande et un jeune homme français. Régine a lu "Le bouquiniste Mandel", une nouvelle courte mais dense sur le destin tragique d'un homme, fou de références bibliothéconomiques et ne vivant que pour cette passion. Geneviève a résumé "La confusion des sentiments" où Zweig aborde courageusement, pour son époque, le thème de l'homosexualité. Dans les titres lus et appréciés, je citerai aussi "Le voyage dans le passé", "Amok", "Le joueur d'échecs", "24 heures de la vie d'une femme". Nous avons évoqué Stefan Zweig comme historien biographe où il met en perspective la psychologie des personnages historiques. Stefan Zweig est un écrivain éclectique (nouvelles, poésie, théâtre, biographies), un analyste profond sur les failles des individus, leurs passions contrariées, leurs vies ratées, leurs échecs... C'est pour cela que les lectrices l'ont trouvé sombre et pessimiste, mais aussi clairvoyant et lucide. Son œuvre littéraire palpite encore de nos jours alors que beaucoup de nos classiques contemporains n'attirent pas le même intérêt...

mardi 20 janvier 2015

Atelier de lectures, 1

Cet après-midi, nous étions nombreuses autour de la table pour échanger et partager nos coups de cœur. Avant de démarrer, j'ai voulu rendre hommage aux dessinateurs de Charlie Hebdo : Cabu, Charb, Wolinski, Honoré et Tignous en rappelant que la liberté d'expression est un droit fondamental dans notre République. Nous avons évoqué les terribles attentats, la sidération devant l'écran, et la nécessité de se retirer des faits pour réfléchir sur ces événements tragiques où dix-sept de nos concitoyens ont perdu la vie. J'ai conseillé la lecture de la presse où des historiens, des sociologues, des philosophes nous donnent des clés pour essayer de comprendre la folie meurtrière de ces fanatiques islamistes. Après cette discussion, nous avons démarré la séance sur les coups de cœur. Danièle a proposé "C'était hier et c'est demain", une anthologie de lettres, écrites par les "anciens" et "Une femme drôle" de Maryline Desbiolles, une évocation sensible sur la femme-humoriste suisse, Zouc, bien oubliée aujourd'hui. Véronique a parlé du dernier Modiano, d''Une vie à soi" de Laurence Tardieu et d'un roman peu connu, "L'incertitude de l'aube". Régine a montré son enthousiasme de lectrice pour le superbe roman de Zeruya Shalev, "Ce qui reste de nos vies", un texte sur la difficulté d'aimer, de vivre, de vieillir. Elle a aussi évoqué "Fugue pour violon seul" de Tedi Papavrami, le récit autobiographique d'un musicien qui raconte sa fuite de l'Albanie en 1970 avec ses parents et leur exil à Paris. Mylène a choisi "L'amour et l'oubli" d'André Brink, un grand écrivain sud-africain qu'elle apprécie beaucoup. Et elle a mis en relation le très bon roman de Doris Lessing, "Victoria et les Staveney" avec le film sorti récemment, "Victoria". Une petite fille, née d'une liaison entre Victoria et le fils de famille, réapparait chez les Staveney qui la reçoivent à bras ouverts. Mais, Victoria en présentant sa fille à cette famille bourgeoise, va peut-être la perdre. Evelyne a présenté un ouvrage de Lola Sémonin, "La madeleine de Proust, une vie", ou la vie en Franche-Comté de 1925 à 1939 dans une langue, pleine de mots et d'expressions franc-comtoises. Sylvie a vraiment apprécié "La femme coquelicot" de Noëlle Chatelet et "Villa avec piscine" d'Hermann Koch, un thriller psychologique de grande qualité. Geneviève a mentionné la trilogie de Peter May, un écrivain écossais qui écrit de très bons "polars" : "Le braconnier du lac perdu", "L'île des chasseurs d'oiseaux", "L'homme de Lewis". Elle nous a lu une petite nouvelle pleine d'humour sur le "vieillir" des femmes de Paul Fournel, choisie dans l'anthologie "Les grosses rêveuses". Voilà pour les coups de cœur éclectiques  de l'atelier...

lundi 19 janvier 2015

"L'homme de la montagne"

Pour se changer les idées en ces temps troubles et pesants, rien de tel qu'un livre qui vous embarque vers des rivages romanesques. J'ai fini de lire "L'homme de la montagne" de Joyce Maynard, un roman américain qui ressemble à un thriller, à un "policier" mais il détient une profondeur psychologique que l'on ne trouve pas toujours dans cette catégorie littéraire. Un étrangleur de jeunes femmes commet ses crimes dans une montagne proche de la petite ville où vivent deux sœurs, Patty et Rachel. Leur père, inspecteur de policier, est chargé de l'enquête. Il est séparé de la mère des deux adolescentes. Rachel tient la plume et raconte l'angoisse des habitants face à ces meurtres inexpliqués et effrayants. L'inspecteur Toricelli, malgré ses compétences et son énergie, ne trouve aucun indice sur les lieux du crime. Le meurtrier frappe régulièrement à quelques mois de distance et exécute ses victimes selon des rites précis : chevilles attachées avec des lacets, yeux scotchés avec de l'adhésif. Et aucune piste ne se révèle pour arrêter cet abominable traqueur de femmes. Les deux adolescentes mènent une enquête parallèle pour aider leur père jusqu'à prendre des risques elles-mêmes pour attirer l'assassin dans la montagne. Le père, un héros aux yeux de ses filles, se délite sous leurs yeux à cause de son impuissance à neutraliser cet assassin insaisissable et mystérieux. Joyce Maynard livre une belle ode à l'adolescence féminine, avec ses candeurs comme avec ses frayeurs, avec son malaise de vivre comme avec son envie de vivre. Ce roman d'apprentissage décrit avec acuité la complexité des relations entre les deux sœurs et la maladresse affective dans la famille, entre une mère neurasthénique et un père découragé. J'ai pensé à Carson Mac Cullers qui raconte avec génie le monde de l'adolescence. Joyce Maynard a écrit précédemment deux très bons romans : "Long week-end" et "Les Filles de l'ouragan". Une écrivaine américaine, pleine de promesses, à découvrir.

jeudi 15 janvier 2015

"Le complexe d'Eden Bellwether"

Ce premier roman, écrit par un jeune écrivain anglais, Benjamin Wood, est passé assez inaperçu pendant la rentrée littéraire de septembre et malgré des articles de qualité dans la presse. Il a obtenu le prix Fnac en 2014. Edité chez Zulma, ce pavé de 508 pages ne peut plaire qu'à des lecteurs(trices) qui aiment le souffle d'un romanesque original, la complexité d'une intrigue, des personnages subtils, un lieu emblématique et une atmosphère mystérieuse. L'histoire se déroule à Cambridge de nos jours dans le décor très british de King's College, une des plus grandes universités anglaises. Le jeune Oscar, aide-soignant dans une maison de retraite, entend de la musique d'orgue provenant d'une chapelle et il rentre pour écouter. Il rencontre à ce moment précis une jeune fille, Iris, la sœur de l'organiste. Sa vie va changer car, lui, le garçon simple, commence à fréquenter le cercle d'amis qui gravitent autour d'Eden, un jeune homme exalté. En effet, Eden est persuadé qu'il possède un don de guérison en utilisant la musicothérapie. Il a déjà un charisme certain, séduit son entourage et manipule ses amis. Sa sœur, Iris, s'attache à Oscar et elle lui demande de l'aider pour observer son frère et noter son comportement irrationnel. Elle pense même que son frère n'a pas toute sa raison. Pour mettre à l'épreuve les talents imaginaires d'Eden, Oscar lui présente un ami d'un pensionnaire, psychologue-écrivain, atteint d'une tumeur au cerveau incurable. Eden veut le soigner et s'ensuivent des séances de musicothérapie régulières. Son projet de guérison par les sons, inquiète Oscar, le seul personnage qui résiste au charisme de ce garçon étrange. Va-t-il finir par contrecarrer ses projets thérapeutiques insensés ? Benjamin Wood envoûte ses lecteurs à travers un labyrinthe où les personnages se croisent sans vraiment se connaître, s'aiment sans vraiment communiquer, dans un halo de non-dits et de faux fuyants. Oscar rassure le lecteur(trice) alors d'Eden l'inquiète. Il faut donc découvrir ce jeune et talentueux Benjamin Wood, un écrivain à suivre, dorénavant...

mardi 13 janvier 2015

Atelier d'écriture

Aujourd'hui, premier atelier d'écriture de l'année 2015. Nous étions une bonne dizaine à nous retrouver pour écrire. Marie-Christine nous a proposé deux exercices sur le thème des livres, ce qui m'a littéralement ravie. Il fallait choisir des livres que nous avons offert pendant les fêtes de Noël. On a mélangé les titres et j'ai tiré au sort "Marina Belleza" et "Soumission". Marie-Christine nous a lu un texte de Bruno Frappat sur les livres, encore des valeurs sûres quand on veut faire des cadeaux et notre texte devait se terminer par : "Celui-là, quelqu'un en veut ?". Voici mon texte :
"J'adore la littérature italienne et je suis curieuse des dernières parutions. J'ai trouvé "Marina Belleza" de Silvia Avellone. Je ne parle pas la langue de Dante, mais j'imagine en entendant ces mots, une jeune fille au bord de la mer, la vie fourmillante d'un quartier de Naples, les couleurs vivifiantes des façades, les odeurs des oranges, de la mer et du ciel, les bruits étourdissants des scooters et des Fiat. Ce livre va illuminer ma fin d'année et l'Italie pourrait porter ce beau nom de Marina (la mer) Belleza (belle). J'offrirai ce bout de soleil en plein hiver mais,  je me suis offert côté ombre, le dernier Houellebecq, "Soumission", roman décrié, roman rejeté. Et pourtant, si la République s'endort, le réveil sera rude comme on l'a tous vécu la semaine dernière. Coup de semonce, la haine a tué. Cet écrivain pose des vraies questions sur notre société. Son angoisse, sa déréliction, sa misanthropie, son désespoir reflètent notre condition humaine. Son roman fait peur mais ce bain glacé dans une littérature dérangeante peut aussi  révéler en nous un esprit de résistance. Celui-là, quelqu'un en veut ?"
Deuxième exercice très court (10 minutes pour l'écrire) sur le droit de lire d'après les consignes de Daniel Pennac, "Comme un roman".
"Le droit de lire dans mon lit alors que le monde s'agite,
le droit de lire dans un bain, alors que le monde se noie,
le droit de lire dans un arbre alors que le monde perd son âme,
le droit de lire sur un nuage alors que le monde s'enrage,
le droit de lire sur un banc alors que le monde choisit l'écran
le droit de lire sur une plage alors que le monde s'ensable
le droit de lire, un droit universel, un droit essentiel."
 

lundi 12 janvier 2015

Dimanche 11 janvier, la marche républicaine

J'ai arrêté d'écrire jeudi dernier après l'attentat sanglant contre Charlie Hebdo. Le lendemain, une jeune policière municipale a été abattue par le troisième fanatique islamiste qui a terminé sa folle cavale meurtrière dans un hypermarché casher en massacrant quatre Juifs. On vit dans un cauchemar depuis jeudi et même si quelques millions de citoyens sont descendus dans la rue, je ne suis pas rassurée par les temps qui viennent. On entend des mots terribles dans les médias, dans la presse : terreur, terrorisme, guerre, violence, tuerie, carnage, otage, exécution, fanatisme, folie meurtrière, antisémitisme. Après ces actes traumatisants, l'émotion nous a tous submergé(e)s avec la force d'un slogan poétique que l'on pouvait décliner selon des identités diverses : je suis Charlie, je suis Juif, je suis Policier. Je dirai aussi pour ma part : je suis Française ou je suis Républicaine. Mon appartenance aux valeurs républicaines transcende tout le reste, et nos croyances ou notre athéisme doivent se confiner dans la sphère privée. Je préfère évoquer l'immense et salutaire solidarité des citoyens face aux attaques mortelles et ignobles qu'ont subi des dessinateurs représentant la libre pensée, des policiers représentant la protection des citoyens, des juifs, éternelles victimes de l'intolérance. Ces néo-nazis, ces néo-fascistes sèment la panique et la peur par idéologie et par la haine de tout ce que notre pays symbolise : une terre de liberté, d'égalité entre les hommes et les femmes, de paix, d'éducation et de culture pour tous quelque soit ses origines. On a tous envie de revenir à une vie normale, apaisée et ce matin, je me suis retrouvée dans un groupe d'étude consacrée aux "Fleurs du Mal" de Baudelaire. Le professeur-animateur nous a proposé de commenter cette marche républicaine et deux mots magnifiques ont été écrits sur le tableau : laïcité, liberté. Nous avons parlé de Voltaire, évidemment, de Diderot, de Rousseau, des Lumières, un retour heureux à la culture et à la littérature.

jeudi 8 janvier 2015

"Je suis Charlie"

Ce cri de ralliement veut montrer la solidarité nationale face à la nouvelle barbarie du fanatisme islamique. J'ai hésité à évoquer cette tragédie de mercredi où deux (ou trois) criminels lâches ont abattu froidement douze victimes dont Cabu, Wolinski, Charb et Tignous sans oublier les deux policiers.  En tant qu'ancienne libraire et bibliothécaire, j'ai diffusé pendant des années l'humour insolent et salutaire de la bande à Cabu. Les assassins d'hier ont voulu tué des intellectuels, une forme de la pensée française fondée sur la satire, l'ironie, la blague. Ils étaient du côté de l'athéisme et se moquaient des grands dogmes religieux comme des politiciens ou des banquiers. Ils aimaient la liberté, la légèreté, la démocratie, la paix et l'harmonie. Comme l'a dit mon professeur de philo, ces criminels ont massacré l'idée, l'intelligence et la culture comme des Socrate contemporains.  On peut parler d'effondrement moral, de fragilité des sociétés occidentales, de pertes des valeurs républicaines. C'est vraiment un jour de deuil pour la civilisation occidentale où chaque citoyen(ne) peut vivre dans la plus totale des libertés. Mais, il faut résister, ne pas plier, rester debout et ne jamais renoncer à nos valeurs républicaines qu'il faut enseigner à grande échelle dans nos écoles, nos collèges et nos lycées... Le terrorisme islamique ne doit pas nous intimider malgré l'irruption de la barbarie au cœur de Paris, dans un local de Charlie Hebdo et des hommes formidables de générosité (ils voulaient nous faire rire), des antiracistes, des libertaires, sont morts pour faire vivre la liberté de penser, de critiquer, d'ironiser, de croire ou de ne pas croire.  Nous sommes tous Charlie et ce mercredi 7 janvier a été une sale, une très sale journée, une très triste journée. 

mardi 6 janvier 2015

Ma liste de mes 10 meilleures séries

Cela fait longtemps que je regarde des séries, surtout le soir. Voici ma liste pour les amateurs "sériephiles" :
- "Homeland 3" pour l'héroïne bipolaire et l'ambiance de notre monde d'aujourd'hui,
- "Real humans" une série vue sur Arte, formidable sur les robots humanoïdes,
- "The Bridge" , un thriller haletant avec des enquêteurs atypiques danois-suédois,
- "House of cards", un couple machiavélique d'ambitieux politiques à Washington,
- "Broadchurch", une série policière de très grande qualité avec un inspecteur tourmenté,
- "Hatufilm", une série israélienne traitant un sujet délicat de prisonniers de guerre libérés,
- "The Killing", une inspectrice empathique qui délaisse sa propre vie pour son métier,
- "The Americans", le portrait d'espions russes dans la peau d'un couple d'américains moyens,
- "Rectify", un homme accusé de meurtre est innocenté et revient dans sa petite ville,
- "True Detective", un détective inquiétant dans une atmosphère inquiétante, une série culte.
La chaîne Arte diffuse souvent des séries intelligentes et subtiles comme "Real Humans" par exemple. Suivre la plupart du temps une dizaine d'épisodes en plusieurs saisons consécutives procure un sentiment de continuité, de fidélité et de partage. On se sent en rendez-vous ou en visite et retrouver les personnages qui vieillissent en même temps que nous est un phénomène que des sociologues ont étudié. Ce cinéma de salon peut apporter le même plaisir que le cinéma de salle... Les séries que je cite sont loin d'être débiles (il en existe aussi de très mauvaises) et traitent des thèmes sociétaux, politiques, historiques, psychologiques, dignes du cinéma traditionnel.

lundi 5 janvier 2015

Ma liste des 10 meilleurs films de l'année

Après les livres, voici ma liste de mes 10 films préférés en 2014 sur la trentaine vue au cinéma. J'aime me rendre dans une vraie salle et à Chambéry, j'ai la chance de disposer de deux salles d'art et d'essai où je peux les voir en version originale. Evidemment, je dois être un peu trop "élitiste" dans mes choix car je ne vais pas voir le cinéma dit "populaire" comme le dernier grand succès que les Français ont plébiscité. Je préfère les films d'auteur, les petits films, les films européens, les films rares. Peut-être que je rate des grands moments cinématographiques... Tant pis pour moi ! J'ai donc beaucoup aimé :
- "Philomena" de S. Frears pour ce beau portrait d'une mère dépossédée de son enfant dans une Irlande catholique et sectaire,
- "Mommy" de Xavier Dolan, un phénomène du cinéma, un coup de poing cinématographique,
- "Viva la liberta" de R.Ando, un hymne à la liberté, une comédie italienne savoureuse,
- "Un beau dimanche" de Nicole Garcia, la musique subtilement féminine de cette comédienne-réalisatrice,
- "12 years of slave" de S. Northup, un film historique, poignant sur l'esclavage,
- "Sils Maria" d'Olivier Assayas, pour la montagne, Juliette Binoche et la venue de l'âge,
- "Love is strange" de Ira Sachs, une histoire touchante d'un vieux couple d'homos à New York,
- "Noi 4" de F.Bruni, un bijou de film italien, une histoire de famille en crise à Rome,
- "Nos enfants" de I. De Matteo, encore un film italien sur les relations parents-enfants, 
- "Un été à Osage country" de John Wells, exclusivement choisi pour Meryl Streep.
 Ces sorties au cinéma font partie de mes loisirs culturels et complètent à merveille mon goût pour la lecture. Lire des textes, lire des images, au fond, c'est la même démarche, dictée par la curiosité envers les créateurs. Les écrivains, les réalisateurs nous aident à nous comprendre et à comprendre le monde des autres, la société, la vie, tout court...

vendredi 2 janvier 2015

Ma liste des 10 meilleurs livres de l'année

Je viens de compter le nombre de livres lus en 2014 : à peine 95... Si je divise par douze mois, j'obtiens une moyenne de 7,9 exemplaires par mois, soit presque deux livres par semaine. La lecture qui était déjà un de mes "loisirs" préférés, se renforce encore plus quand on a tout le temps pour soi. Mais, je ne suis pas toujours un livre à la main. Il m'arrive de me balader, de voyager, de rêver, de m'occuper de ma maison et du jardin, de naviguer sur internet, de suivre des cours de littérature, d'histoire ancienne et de philosophie. Je participe aussi à deux ateliers d'écriture et j'anime un atelier de lectures ! J'ai donc, toujours aussi soif de connaissances et de culture et mes neurones bougent encore pour longtemps, je l'espère !  Lire reste et restera une de mes priorités essentielles. J'ai regardé mon carnet où je note tous les titres de l'année. Voici mon palmarès :
-  "Ce qui reste de nos vies" de Zeruya Shalev : le portrait d'une famille en crise en Israêl avec des remises en question salutaires, un coup de poing littéraire
- "Pas pleurer" de Lydie Salvayre : la Guerre d'Espagne vue par une jeune fille amoureuse dans un jargon hispano-français audacieux,
- "Réparer les vivants" : magnifique message de générosité dans le don d'organes avec un style époustouflant,
- "Excursions dans la zone intérieure" de Paul Auster, une auto-analyse d'une profondeur rare,
- "Bad girl", une auto-analyse qui reprend le thème de Paul Auster : Pourquoi devient-on écrivain ?
- "Vies minuscules" de Pierre Michon, une écriture magique et une approche empathique des "gens de peu",
- "Les Endormeurs" d'Ann Enquist, les relations troublantes entre un frère psychiatre et une sœur anesthésiste,
- "Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier" de Patrick Modiano, sur la mémoire des lieux, de l'enfance et du temps,
- "Et dans l'éternité, je ne m'ennuierai pas" de Paul Veyne, des souvenirs savoureux d'un  grand Monsieur qui nous donne le goût de l'Antiquité,
- "Vivre à présent", le dernier roman-testament de l'immense Nadine Gordimer, disparue en 2014.
Au total, 6 écrivains français dont 3 femmes et 4 écrivains étrangers dont 3 femmes...