mercredi 5 juin 2019

Michel Serres

J'ai consacré un billet à un Michel récemment mais un Michel nocturne, torturé, cynique et négatif. Aujourd'hui, j'évoque un Michel solaire, optimiste, sincère et positif. L'un s'appelle Houellebecq, l'autre Michel Serres. Ce philosophe médiatique vient de mourir à 88 ans. Je l'ai vu souvent à la télévision et en particulier lors d'un débat passionnant entre lui et Alain Finkielkraut, deux philosophes les plus antinomiques à souhait. Mon tempérament pencherait plutôt vers le pessimisme malheureux de Finkielkraut mais j'aimais bien que Michel Serres me remonte le moral en nous confirmant le bonheur de vivre au XXIe siècle. Sa grande thèse du "C'était mieux avant" repose sur le constat de la paix qui règne en Europe depuis 7O ans et que nous ne sommes plus sous la férule des dictateurs comme Hitler, Staline, Franco, Mussolini et Mao. On vit beaucoup plus longtemps grâce à la science et la vie quotidienne semble bien plus facile qu'avant. Comment donc faisions nous sans smartphone et ordinateur portable ? Les années avant l'invention d'Internet : des temps obscurs, dinosauriens, diluviens… Les jeunes d'aujourd'hui ne peuvent même pas imaginer ce drôle de Moyen Age. Michel Serres a développé avant son succès médiatique une œuvre assez hermétique et difficile à lire. Il a surtout parlé avant tout le monde dans le "contrat naturel" de notre Terre en danger de mort qu'il faut protéger et respecter. Un écologiste avant l'heure. Fils de marinier, gascon à l'accent conservé, amateur de rugby, historien des sciences, académicien, professeur aux Etats Unis, grand voyageur, ce philosophe éclectique, encyclopédique, inclassable ressemblait à son mentor, Gaston Bachelard sans la barbe longue. Son esprit scientifique lui a permis de voir venir les grandes mutations de notre temps : la communication mondialisée, la place du corps, la crise écologique, la numérisation triomphante. Son œuvre foisonnante (plus de 60 livres) cherche à décloisonner le savoir et à lancer un pont entre les sciences et les humanités. Il a même participé à l'élaboration de France 5, a animé des émissions à la radio, donné des conférences dans le monde entier. Même si on ne connaissait pas ses livres savants, beaucoup de lecteurs(trices) ont lu "Petite poucette", un best-seller inédit vendu à des milliers d'exemplaire où il rend hommage à la jeunesse qui vit à ses yeux une révolution technologique sans précédent à l'égal de la révolution de l'imprimé. Michel Serres donnait envie "d'y croire", de penser que l'avenir sera encore mieux que le passé, un optimiste né, qui lui venait peut-être de sa douce et belle Aquitaine… Pour le connaître mieux, de nombreux articles ont paru sur lui et sur ses prises de position philosophique. Comme je m'intéresse beaucoup à la philosophie, j'ai mis Michel Serres dans mon programme estival de mes nombreuses lectures…