lundi 9 septembre 2019

"Jour de courage"

Brigitte Giraud vient d'écrire son onzième roman, "Jour de courage", publié chez Flammarion. Dès que j'ai ouvert le livre, j'ai lu les deux citations qui résument le sujet du roman. La première est signée de Louis Calaferte : "Le plus dur est de faire le saut", la deuxième confirme ce choix radical : "Il ne suffit pas simplement d'être, on doit également agir". Livio, 17 ans, lycéen en Terminale, a décidé de parler. Il prend le prétexte d'un exposé, demandé par son professeur d'histoire, pour dire sa vérité. Le thème du cours porte sur les autodafés dans le nazisme et il choisit le destin incroyable d'un médecin juif-allemand, Magnus Hirschfeld, un des premiers sexologues, adepte de l'égalité hommes-femmes, et des droits des homosexuels. Le secret de Livio est d'emblée dévoilé à la première page : "Il avait décidé de bousculer chacun et de rompre avec son image de garçon convenable qui lui collait à la peau. On ne l'avait jamais vu si déterminé, si libre". Le récit se déroule sur deux plans : l'exposé historique sur ce médecin allemand et sa vie intime avec ses proches. Livio avance sans faillir. Il sait qu'il prend des risques dans ce lycée, auprès de ses collègues lycéens et surtout de sa meilleure amie, Camille. Cette jeune fille admire et aime Livio. Il n'a jamais avoué à Camille qu'il préférait les garçons, un tabou absolu. Il n'a jamais avoué à son père qu'il était différent car ce père crie "pédales" quand il regarde un match de foot. Sa mère aussi ne remarque rien, ne voit pas que son fils voudrait partager son secret. Dans cette classe, il se lance et raconte avec précision l'autodafé de 1933 où les nazis ont brûlé des milliers d'ouvrages dont la bibliothéque du médecin. Plus il avance dans son exposé, plus il se dévoile. Il évoque le premier film allemand, coécrit par le médecin qui parlait de l'homosexualité en 1919. Livio sidère sa classe avec cet exposé original, audacieux, risqué. Son enseignante l'encourage à poursuivre la présentation de l'autodafé qui s'est déroulé à Berlin. A cet emplacement, un artiste, Micha Ullmann a créé une "Bibliothèque engloutie" sous la Bebelplatz. A la fin de l'exposé, Livio quitte le lycée et choisit sa liberté parce qu'il se sent incompris, nié dans sa différence. Je regrette l'issue radicale du roman quand le jeune homme disparaît sans laisser des traces pour le retrouver. Peut-être vivra-t-il enfin son homosexualité sans se sentir jugé, critiqué, moqué car hélas, la bêtise humaine n'est pas encore éradiquée dans la société. Un roman utile, sensible, fort et un portrait attachant. Une belle pépite de la rentrée littéraire.