jeudi 14 février 2019

Atelier Lectures, 5

Je poursuis dans ce dernier billet le compte-rendu des romans de Shalev Zeruya. En 2014, le roman "Ce qu'il reste de nos vies", a reçu le prix Femina étranger. Ce récit de famille conte la saga d'une grand-mère, Hemda, qui se meurt dans son lit d'hôpital à Jérusalem. Sa fille, Dina, et son fils cadet, Avner, lui rendent visite et entament un bilan de leur propre vie. Les personnages, dans de longs monologues introspectifs,  s'interrogent sur leurs blessures, leurs ressentiments et leurs frustations. Dina ne supporte pas la désertion de sa fille adolescente et à 45 ans, elle songe fortement à adopter un enfant pour prolonger cet amour si profond. Le frère aussi se lamente sur ses échecs amoureux. Leur mère se souvient de ces années au Kibboutz, son mariage raté, ses parents trop exigeants. Ce huis clos familial évoque les moments les plus paroxystiques de toute vie d'adulte. Chacun prendra une décision au fil des pages dans un maelstrom de pensées, de sensations, d'intuitions. La grand-mère veut partir avec plus de sérénité. Au fond, le titre du roman résume le sujet essentiel du texte : que reste-t-il d'une vie ? La réponse de l'écrivaine se tient dans un seul mot : l'amour, malgré les non-dits, les malentendus, les maladresses. Ce livre me semble le meilleur de Zeruya Shalev car il condense tous ces thèmes de prédilection. La famille multi-générationnelle devient grâce à sa magie de l'écriture un champ antique, une tragédie et une comédie, liées par la recherche de l'amour dans toutes ses dimensions. Je terminerai par l'évocation de son dernier roman, "Douleur", paru en 2017 chez Gallimard. Iris, la narratrice a été victime d'un attentat, dix ans avant. Malgré des douleurs persistantes sur le plan physique, elle souffre aussi moralement. Sa relation avec son mari se dégrade, son fils va quitter le foyer pour l'armée afin d'effectuer son service militaire et sa fille la rejette et rejoint une sorte de secte. Son travail de directrice d'école dévore son temps. Alors qu'elle passe une visite médicale, elle reconnaît sous les traits d'un médecin son premier amour, Ethan. Elle l'avait quitté lorsqu'elle avait dix sept ans. Iris plonge à nouveau dans ce passé amoureux qu'elle a envie de revivre, car sa vie actuelle la déçoit amèrement. Cette passion qu'elle croyait éteinte va-t-elle renaître ? Je ne dirai pas la fin du roman car il vaut mieux ouvrir ces pages et le dévorer. Zeruya Shalev poursuit son parcours de psychanalyste familiale. Les séquelles du passé laissent des traces indélébiles qu'il faut bien accepter. La narratrice comme dans tous les précédents romans se heurte à la dure réalité et traverse une crise existentielle. Elle doit faire un choix… Et toutes les questions qu'elle se pose trouveront peut-être des réponses… Lire Zeruya Shalev n'est pas reposant, ni plaisant, mais c'est ressentir des émotions denses et retrouver le goût d'une littérature très épicée…