jeudi 30 août 2012

"La Havane, année zéro"

Si l'on veut comprendre et appréhender la réalité d'un pays, je préfère la littérature à la documentation. En effet, je viens de terminer un roman de Karla Suarez, "La Havane, année zéro", paru aux Editions Métailié. L'histoire se déroule en 1993 à Cuba et c'est la crise. Les cubains ne mangent pas à leur faim, ne peuvent plus s'éclairer, ne peuvent plus rouler en voiture. Cette réalité difficile à vivre n'empêche pas les personnages du roman de survivre et même d'éprouver un sentiment farouche de "bonheur". Julia, prof de maths, et ses trois amis, Euclides, Angel et Leonardo sont fascinés par un savant italien Antonio Meucci, qui serait l'inventeur du téléphone à la fin du XIXème siècle. Ce savant a vécu à La Havane en tant que régisseur du théâtre et aurait amélioré l'acoustique en utilisant des fils-conducteurs de son, première ébauche du téléphone. Julia veut récupérer un document original de cet Antonio Meucci et ses amis, aussi. Euclides en tant que prof veut se faire reconnaître par le milieu universitaire en publiant ce document qui prouverait l'invention du téléphone. Leonardo, écrivain, veut se saisir du destin exceptionnel de Meucci. Et Angel, le petit ami de Julia, joue au Don Juan dans ce quatuor cubain. Amour, amitié, trahison, dissimulation. Qui finira par se saisir du document original ? Découvrez la fin de l'histoire dans ce roman loufoque et tonique, au grand bonheur du lecteur(trice)...

mardi 28 août 2012

Rubrique cinéma

Aujourd'hui, mardi, j'avais envie de me changer les idées et j'ai donc choisi une séance de cinéma. J'ai vu un film-choc, "Broken" de Rufus Norris, cinéaste anglais. La jeune héroïne, Skunk, âgée de douze ans, découvre la cruauté et la violence dans son quartier. Elle côtoie des voisins terriblement "cassés" : une famille composée d'un père et de trois filles, vulgaires et violentes. Skunk subit le rackett de l'une d'entre elles. Le père ne supporte pas le jeune attardé mental du voisinage, surprotégé et perturbé. Seule, notre adolescente se montre gentille avec lui. Le père de Skunk est divorcé et son métier d'avocat lui permet d'aider les uns et les autres. Sa fille observe ce monde des adultes avec étonnement et interrogation. Le cinéaste raconte, avec une sensibilité diffuse et avec un réalisme cru, sa première amourette avec un jeune garçon, son attirance pour le jeune attardé et le boy-friend de sa "nounou", sa déccouverte des nombreux problèmes vécus dans son entourage familial. La noirceur du film est atténuée par la présence de son père, solide et responsable. Skunk devient le symbole de l'innocence dans ce monde déglingué, violent et nauséabond. Le film se termine par un choix de vie mais le passage de l'enfance à l'adolescence ne s'effectue pas sans douleur. La petite fille, jouée par une actrice remarquable, crève l'écran...

samedi 25 août 2012

La lecture en groupe

Le titre "lecture en groupe" pourrait se transformer en "groupe de lecture" ou comité ou club de lecture ou cercle de lecture. Je ne sais pas encore comment je vais baptiser cette nouvelle activité culturelle au sein de la Maison de Quartier du centre ville de Chambéry. Ce sont les lectrices qui en décideront à la rentrée.  Dans ma carrière de bibliothécaire, j'ai animé dans mes postes successifs des clubs de lecture. L'existence d'un "club de lecture" au sein d'une bibliothèque devrait être "monnaie courante". Mais, j'ai remarqué que dans ma ville de Chambéry, on pouvait seulement adhérer aux nombreux comités liés au Festival du Premier Roman, installés dans les bibliothèques, bars de la ville, lieux associatifs divers. Mais, à Chambéry ou dans les environs, je ne connais pas de club de lecture "indépendant". Grâce à l'atelier d'écriture qui reprendra en octobre à la Maison de Quartier, j'ai accepté d'ajouter un volet "lectures" un mardi par mois. De l'écriture à la lecture, le chemin semble évident. Plus on lit, mieux on écrit... Je proposerai à mes "collègues d'écriture" une orientation plurielle. Je donne des exemples à méditer : le coup de coeur du mois, le coup de griffe, un écrivain à découvrir, une littérature d'un pays, une tendance littéraire, un classique re-visiter, la poésie, le polar, le journal intime, les nouveautés, etc. Chacune d'entre nous (je parle de femmes car elles sont majoritaires) partagera ce qu'elle pense du livre lu et donnera envie aux autres de découvrir l'ouvrage en question. La lecture, acte solitaire en soi, devient un acte partagé entre soi. Lancement du projet en septembre. Je dévoilerai en détail le programme de la première rencontre. Et ce blog évoquera avec grand plaisir les lectures-découvertes de ce cercle de lectrices-écrivantes !

vendredi 24 août 2012

Le rituel de la rentrée littéraire

Après le 20 août, la presse évoque la vague des nouveautés en librairie, baptisée "Rentrée littéraire"...  La Une de Libération du jeudi 23 août s'intitule "Rentrée littéraire : La France, roman, De l'avènement de l'ère numérique à la chronique de la dernière présidentielle, les mutations de la société sont au coeur de la livraison automnale annuelle". On nous parle de 649 romans pour la rentrée : un chiffre phénoménal ! Qui peut dévorer cette quantité astronomique de nouveaux livres ?  Personne, même les plus motivés des lecteurs et des lectrices. Enfin, avec ces centaines de nouveautés, je pense trouver quelques exemplaires qui me plairont. On cite déjà quelques noms comme François Bon, Olivier Adam, Benoît Duteurtre, Serge Joncour, Aurélien Bellanger, etc. Les premières pages de Libération démontrent la place singulière de la littérature dans notre société française alors qu'à l'étranger, on ne parle que très rarement de "rentrée littéraire"... La revue Lire aborde aussi les nouveautés et il est difficile de se passer de ce numéro qui recommande les titres à lire. Les hebdos n'oublient pas le rituel et quand on recoupe les informations, j'obtiens des renseignements utiles pour sélectionner les romans qui correspondent à ma sensibilité. Ne ratez donc pas le rituel de la rentrée littéraire, que je compare à la cérémonie des vendanges : vins primeurs ou les premiers romans, Bordeaux somptueux ou les contemporains incontournables, piquettes infâmes ou les romans ratés, vins de Champagne ou les romans pétillants et légers. J'aime cette période de découvertes, de surprises, de déceptions, aussi, d'adhésion ou de rejet. Laissez-vous emporter par cette vague de papier et de mots, une suite logique de l'été chaud de cette année.

vendredi 10 août 2012

L'Espagne (suite)

En feuilletant le journal "Le Monde", j'ai remarqué un article concernant le comédien Denis Podalydès, signé Francis Marmande : "Portrait du toréro en tragédien" dans la page Culture. Je sais que la corrida est très décriée par des opposants agressifs qui prennent le parti de l'animal et  considèrent ce fait culturel comme un anachronisme,  une anomalie et même une barbarie. Et j'ai été très étonnée d'apprendre que le très raffiné Denis Podalydès, comédien, natif de Versailles, était un "aficionado". Les arènes de Bayonne sont décrites dans l'article en question et voir dans un journal national une référence aussi "régionale" du côté du Pays basque a remué ma mémoire. J'ai évoqué dans le billet de jeudi un ouvrage de Jean-Claude Carrière sur l'Espagne et la corrida symbolise l'esprit de ce pays. Affronter un toro fulminant, lâché dans l'arène et prêt à tuer le torero a de quoi subjuguer un aficionado. Le risque mortel ne quitte pas l'homme-toreador qui domine sa peur et sa sidération face à son ennemi fascinant : le toro... Dans mon adolescence, j'ai vu des corridas quand je vivais à Bayonne et j'étais une fan d'El Cordobès ! Cet article très joliment écrit par le talentueux Francis Marmande a ravivé mes souvenirs tauromachiques. La lecture réconcilie le présent avec le passé et même dans un article de presse, le lecteur(trice) peut puiser un plaisir certain dans la belle écriture d'un article du Monde. Denis Podalydès compare son art de la comédie à la corrida : "une pure angoisse" quand il entre en scène... Décidément, la culture espagnole irrigue au-delà des frontières !

jeudi 9 août 2012

"Mémoire espagnole"

Ce livre parle de l'Espagne, des Espagnes, dirait Jean-Claude Carrière, écrivain, scénariste, dramaturge français. J'ai emprunté ce document à la bibliothèque par hasard et je me suis rendue compte au fil de ce récit autobiographique combien j'adhérais moi-même à cette interrogation de Jean-Claude Carrière  que je cite : "Je suis parti du cliché, comme tout le monde, du fandango, des mantilles et des castagnettes. Après quoi, peu à peu, en travaillant là-bas, (avec Bunuel, avec Bergamin), j'ai trouvé une Espagne plus profonde, plus étrange à nos yeux, plus lointaine aussi que celle que j'imaginais." Le témoignage de Jean-Claude Carrière me semble précieux et unique car il raconte une Espagne débarrassée des nombreux préjugés qui voilent la vérité profonde de ce pays si singulier et si mystérieux quand on se penche sur son passé historique et son influence sur le monde. La langue espagnole concerne des centaines de millions de Sud-américains et même d'Américains. Il m'arrive de temps en temps d'abandonner la littérature-fiction pour la littérature-documentation. Et ce document fait partie des très bons livres sur ce pays que j'aime. Je suis depuis mon enfance bercée par le sentiment hispanique. Mon père était espagnol jusqu'à l'âge de douze ans (je l'ai appris récemment) et mes grands-parents paternels ont immigré en 1900 du côté de Bayonne, à quarante kilomètres d'Irun. Ma première langue "étrangère" apprise au lycée était l'espagnol. Je pourrais écrire des pages et des pages sur mes relations à ce pays mais je veux revenir au texte de Jean-Claude Carrière qui m'a donné envie de revoir les films de Bunuel, de lire Lorca, Bergamin, Unamuno. Cette "Mémoire espagnole" foisonne d'anecdotes historiques, culturelles, littéraires et surtout cinématographiques. Jean-Claude Carrière nous confie sa passion pour ce pays européen magnifique, passionnant où la raison raisonnable n'a pas droit de cité. Un peuple qui a inventé la corrida, Don Quichotte, Picasso, le flamenco, Goya, la paella et bien d'autres merveilles peut-il être normal ? Jean-Claude Carrière nous livre quelques réflexions très utiles pour appréhender l'Espagne, un pays qui échappe à la mollesse et à la tiédeur et qui ne laisse personne... indifférent.

mercredi 8 août 2012

Michel Polac, l'impertinent

Je viens d'apprendre la disparition de Michel Polac à l'âge de 82 ans. Il avait disparu des écrans depuis quelques années mais il a marqué l'histoire télévisuelle et culturelle de notre pays. Je me souviens de lui dans son émission culte "Droit de réponse" qui passait le samedi soir. Les débats et les affrontements ne laissaient aucun spectateur indifférent. Michel Polac était aussi un écrivain sans succès, un journaliste sans journal, un critique littéraire sans attaches : un homme libre comme on en fait plus aujourd'hui. Sa personnalité impertinente, ronchonneuse, originale a marqué les années 70 et 80 dans une télévision très conformiste. Il symbolisait l'esprit mai 68 dans une société française souvent coincée... Il m'a influencée dans mas lectures et dans ma perception de la littérature. Pierre Dumayet représentait en son temps un critique classique donnant envie de lire les grands écrivains. Michel Polac, lui, ressemblait à un "baroque", touche-à-tout, éclectique, ambigu, découvreur de talents littéraires originaux. Il avait crée l'émission "Le masque et la plume" à la radio, émission culte pour les amateurs de théâtre, de cinéma et de littérature. Je voulais rendre un humble hommage à ce sacré personnage de l'audiovisuel en regrettant peut-être son éparpillement dans les médias...
Cet homme mérite le respect et l'admiration de tous les amoureux des livres et de la médiation culturelle.

mardi 7 août 2012

"10 grandes voix de la littérature étrangère"

Le numéro du mois d'août du Magazine Littéraire m'a réservé une très bonne surprise : un dossier très riche sur les 10 grandes voix de la littérature étrangère. La liste limitée du Magazine montre l'importance de ces écrivains étrangers. Je vous livre les heureux élus : Joyce Carol Oates (Etats-Unis), Russell Banks (Etats-Unis), Jorge Semprun (Franco-espagnol ou hispano-français), Antonio Tabucchi (Italie), Milena Agus (Sardaigne), Peter Handke (Autriche), Mario Vargas LLosa (Pérou), Haruki Murakami (Japon), Edouard Limonov (Russie), John Maxwell Coetzee (Afrique du Sud). Des articles illustrent le talent extraordinaire de ces écrivains. Pour ma part, cela fait des années que je lis avec une fidélité indéfectible l'américaine J.C. Oates, qui a écrit une oeuvre littéraire foisonnante, fascinante et dérangeante. Pour Oates, la violence est au coeur des relations humaines et ce thème ravageur se retrouve pratiquement dans tous ces romans-dynamites. J'ai apprécié, dans cette liste, deux écrivains magnifiques qu'il faut absolument découvrir : Antonio Tabucchi et Jorge Semprun, deux compagnons de vie pour moi... Je me sens moins concernée par le choix de Limonov, LLosa, Agus, Handke et Russell Banks même si j'ai lu certains de leurs romans. Par contre, le japonais Murakami que je connais peu, m'intéresse beaucoup. Ce numéro spécial, qui ressemble à un répertoire récapitulatif des écrivains qui comptent, ne peut que passionner les lecteurs(trices) motivé(e)s et curieux (ses). Je regrette seulement la non-parité de la liste : deux femmes et huit hommes... Les journalistes littéraires n'ont pas appliqué la règle républicaine et égalitaire de la parité. Mon féminisme viscéral a retenu cette injustice. Mais, la littérature est un domaine tellement original que la notion de sexe semble inadéquate. J'ai quand même quelques regrets pour certaines grandes voix étrangères féminines comme celle surtout de Nadine Gordimer, ma très belle Africaine du Sud !

lundi 6 août 2012

"Une année à Venise"

Evidemment, quand j'ai vu ce livre, publié aux Editions Héloïse d'Ormesson et au titre plus qu'évocateur, je l'ai emprunté sans hésitation. C'est loin d'être un chef d'oeuvre, voire un grand roman inoubliable... Mais, il convient parfaitement pour se divertir agréablement en rêvassant au bord de la mer ou d'une piscine... Lauren Elkin, écrivaine américaine, est aussi journaliste et vit à Paris. Pour ceux et celles qui ont un jour mis les pieds à Venise, ce livre peut rappeller d'excellents souvenirs liés à la découverte du mode de vie à la vénitienne. L'héroïne se nomme Catherine, quitte New York et son "gentil fiancé", car elle veut rompre avec ses habitudes urbaines et une vie de couple toute tracée. Elle s'installe à Venise pour se consacrer à sa thèse sur les incunables. Cet aspect "bibliophile" du personnage a retenu mon attention. Elle évoque le passé historique de la cité, les rues, les bars, la vie quotidienne. Une intrigue amoureuse entre elle et un gondolier gâche l'arrière-plan vénitien trop romanesque à mon goût. Son Marco lui fait découvrir une synagogue dissimulée dans un palazzo et les anecdotes sur les Juifs et le Ghetto de Venise sont vraiment intéressantes à connaître. Lauren Elkin a du talent pour raconter Venise et son roman pourrait servir de guide de voyage. Mais, l''histoire d'amour semble banale, convenue et sentimentalement naïve... Dommage que cette ville attire les clichés les plus éculés dans le domaine amoureux... Un bon roman facile à lire pour les vacances, à recommander pour l'atmosphère et les nombreuses références au passé prestigieux de la cité des Doges...

jeudi 2 août 2012

"Les heures silencieuses"

Ce petit livre de poche de la collection "J'ai lu" se lit en une heure. Les 88 pages de ce roman, écrit par une écrivaine, Gaëlle Josse, nous entraînent dans une évocation rêveuse d'un personnage d'un tableau d'Emmanuel De Witte, peintre hollandais du XVIIème siècle. Ce personnage se nomme Magdalena Van Beyeren. Elle se confie dans un journal intime. Cette histoire se situe à Delf en 1667. Cette femme analyse sa vie et raconte un secret qui la tourmente. Elle fut témoin d'un meurtre alors qu'elle était enfant et n'a jamais révèlé l'identité des meurtriers. Ce remords la taraude et la mine. Elle relate sa vie de couple, de mère et son quotidien de femme au foyer. En ce temps-là, la perte d'enfants semblait courant et Magdalena vit cette expérience avec dignité. Elle éprouve aussi un amour secret pour un jeune homme qui, évidemment, n"en saura rien. Ce roman, si mince soit-il, est plein de sensibilité, d'élégance et retrace à merveille l'esprit de ce XVIIème siècle. J'ai pensé en le lisant à un travail de dentelière,  très délicat et tissé de sentiments réputés féminins comme la modestie, le courage, la force et l'honnêteté. Lisez donc ce premier roman d'inspiration historique et intimiste. J'ai envie de découvrir le deuxième roman de Gaëlle Josse, "Nos vies désaccordées" aux Editions Autrement. Gaëlle Josse, une voix de soprano dans la littérature française...