mardi 26 décembre 2023

"Les Prodiges de la vie", Stefan Zweig

 Dans l'Atelier Littérature de décembre, j'avais intégré dans ma liste une nouvelle de Stefan Zweig, "Les Prodiges de la vie", publié pour la première fois en 1904 et traduite en français en 1990. L'écrivain autrichien a écrit ce texte court d'une centaine de pages à l'âge de 23 ans et cette précocité exceptionnelle préfigure une œuvre dense et profonde. L'histoire se passe à Anvers en 1566. Un homme riche et pieux veut offrir un tableau à son église pour la récompenser d'un miracle concernant sa mère. Il demande à un vieux peintre de réaliser la Vierge Marie. Celui-ci trouve son modèle par hasard quand une jeune fille apparaît sur un balcon. Un gérant de taverne, ex-soldat, l'a adoptée lors d'une campagne. Toute sa famille est morte dans un pogrom. Farouche et méfiante, elle travaille dans la taverne de son père. Le peintre lui propose de l'argent pour qu'elle pose tous les après-midis. Elle accepte ce projet avec une grande réticence. Malgré toutes les poses que son modèle exécute avec modestie, il ne parvient pas à la représenter seule dans le tableau et lui vient l'idée de la peindre en Vierge à l'Enfant.  Le peintre lui confie un bébé pour les besoins du tableau. Apeurée par cette présence charnelle (le bébé est nu), elle finit par s'attacher à cet enfant d'un amour maternel. Le peintre devinant sa religion juive essaie de la convertir au catholicisme mais il renonce et l'accepte comme elle est. Le contact physique avec ce bébé développe en elle des sensations inconnues d'affection mais, un jour, le bébé a disparu car le peintre a terminé son œuvre. La peinture est installée dans l'église et la jeune fille se rend souvent devant l'image de cet enfant qu'elle chérit. Elle contemple cette peinture pour revivre cet amour maternel. Le pays est troublée par des émeutes dans la ville et la pauvre jeune fille se retrouve mêlée à cette tragédie en perdant la vie. Stefan Zweig évoque dans ce court récit plusieurs thèmes : la religion, l'art, l'amour et la violence historique. La jeune fille découvre sa féminité à travers l'enfant et elle s'ouvre à la vie même devant le tableau dans l'église, une sorte de transcendance pour elle. La tragédie de l'Histoire veut qu'elle meure pour protéger la toile d'une foule protestante désireuse de détruire les images et les symboles du catholicisme. Cette nouvelle, pétrie de spiritualité, montre les ravages du fanatisme religieux et résonne fort de nos jours. A découvrir.