vendredi 23 février 2024

"Pêcheur de perles", Alain Finkielkraut

 Ce philosophe français, académicien, Alain Finkielkraut, attire souvent l'antipathie de tous ceux et celles qui ne l'ont jamais lu. Il s'est fâché avec une gauche radicale qui a trahi la laïcité et la classe ouvrière. Cet ancien gauchiste des années 70 comme tant d'autres de sa génération a aussi écouté les sirènes des dogmatismes marxiste, maoïste, stalinien. Aujourd'hui, il ne reste plus grand chose de ces temps hémiplégiques où il n'était pas question de critiquer Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir. Ce philosophe s'est tourné vers la littérature en mettant à l'honneur Charles Peguy, Albert Camus, Milan Kundera et Philip Roth, ses vigies essentielles. Et ses prestations audiovisuelles, parfois maladroites, ont peaufiné sa caricature de "ronchon philosophe". Il est qualifié injustement de pessimiste, de réactionnaire et d'élitiste, trois qualificatifs disqualifiants pour les médias institutionnels. En particulier, sur l'école et sur la culture, il a toujours refusé la non-hiérarchie des objets culturels. Tout ne se vaut pas. Malgré ses prises de position parfois urticantes pour certains,  il vaut mieux le lire pour s'en faire une idée juste. Il vient de publier "Pêcheur de perles", chez Gallimard, un ouvrage hybride, 'un herbier littéraire" qui lui permet d'aborder des questions fondamentales comme l'amour, la mort, la vie. Chaque chapitre est introduit par une citation : "Je me suis plongé dans les carnets de citations que j'accumule pieusement depuis plusieurs décennies. J'ai tiré de de ce vagabondage les phrases qui me font signe, qui m'ouvrent la voie, qui désentravent mon intelligence de la vie et du monde". Son côté "ruminant" se retrouve dans ces textes quasi testamentaires. Un aphorisme de Paul Valéry, "Le coeur consiste à dépendre", lui donne l'occasion d'offrir une confidence sur sa relation amoureuse avec sa compagne qui l'a quitté au début leur relation. Cet art de la citation ressemble à une "conversation avec les grands auteurs qui nous ont précédés". Il confesse aussi sa peur panique d'une maladie effrayante, la maladie d'Alzheimer et souhaite pour lui une "mort disponible". Ses aveux sincères et émouvants sur sa nostalgie du passé, sa tristesse de voir un monde enlaidi, le manque de civilité définissent bien sa personnalité intranquille. Son âge et sa fragilité physique l'influencent certainement dans une vision pessimiste de l'avenir. Mais, il conserve un certain humour, une lucidité clairvoyante sur le "désordre" mondial et un amour total de la vie.  Un essai lucide et nostalgique d'un homme des Lumières, d'un philosophe inquiet à juste titre. Il est toujours intéressant de se forger une opinion personnelle en lisant son livre sans céder aux critiques cruelles des médias intolérants sur un homme courageux et qui ne va pas à lui tout seul mettre en danger la "démocratie".