vendredi 28 juin 2013

Revue de presse

En cette fin de mois, les revues littéraires sont déjà sorties. Le Magazine Littéraire propose un dossier sur la... trahison : drôle de sujet pour l'été mais pourquoi pas ? La revue aborde les grandes figures de traîtres comme Judas, Caïn, Ganelon et aussi Genet, Sartre, Michaux, etc. Un entretien avec Michel Serres éclaire la pensée de ce philosophe qui rencontre enfin le grand public. La revue Lire comme le veut la tradition parle "des livres de votre été" avec des rubriques "frémir, s'instruire, s'attendrir, sourire, voyager" et évoque aussi la rentrée littéraire avec 15 extraits des livres de Chalandon, Darrieussecq, Gallay, Ovaldé, et bien d'autres écrivains attendus en septembre. Un dossier complet évoque le grand écrivain Stefan Zweig, à lire et a découvrir pendant vos vacances... J'ai aussi acheté le numéro 1086 de la Quinzaine Littéraire en pensant à Maurice Nadeau et ce dernier numéro qu'il a dirigé avant sa disparition évoque Fernando Pessoa, Andersen, Walter Benjamin et Didier Eribon. Je voulais garder un souvenir de la Quinzaine du "vivant" de son directeur. J'ai remarqué des affiches "littéraires" à la gare de Chambéry pour la promotion de la collection Folio de Gallimard. Ces grandes affiches concernent Sylvain Tesson pour son livre "Dans les forêts de Sibérie" avec le slogan "Cet été, je loue une cabane en Sibérie", Carole Martinez pour son roman "Du domaine des murmures" avec le slogan "Cet été, je remonte le fil du temps", et le dernier de Foenkinos, "Les souvenirs"  avec la phrase, "Cet été, je me fabrique des souvenirs". Je voulais mentionner cette campagne publicitaire pour une très bonne cause, une excellente cause, celle de la lecture et de la littérature... Pour une fois, la publicité peut donner des bonnes idées !

jeudi 27 juin 2013

"Les Joyaux du paradis"

Si vous aimez l'Italie et Venise, la musique baroque, la musicologie, l'esprit d'enquête historique, il vous sera agréable de lire un Donna Leon, la célébrissime auteur de policiers, américaine de naissance et italienne de culture. Son personnage mythique, le commissaire Brunetti régale les lecteurs depuis de nombreuses années. Dans ce dernier opus, "Les Joyaux du paradis", paru en 2012, Donna Leon nous entraîne dans une Venise actuelle avec sa cohorte de touristes, ses problèmes de cité lacustre, sa vie trépidante pour les Vénitiens eux-mêmes. Le personnage central du roman n'est pas Brunetti mais se nomme Caterina Pellegrini, musicologue-enseignante à Manchester. Elle accepte un poste de documentaliste au sein d'une fondation musicale. Deux cousins se disputent l'héritage du musicien, Agostino Steffani, compositeur baroque et diplomate. Caterina est chargée de dépouiller et d'analyser des archives du XVIIIème siècle, déposées dans deux malles miraculeusement préservées, de ce musicien très peu connu.  Un avocat surveille aussi ses travaux de recherche ainsi qu'une secrétaire de l'association. Qui est le véritable héritier de ces malles ? Contiennent-t-elles un secret sur un trésor ? Agostino Steffani a joué un rôle occulte en Allemagne pour préserver l'influence du Saint Siège. Pour quelles raisons ? Donna Leon brouille les pistes pour le plus grand plaisir des lecteurs(trices). Il faut aussi ajouter la diffusion d'un CD musical, "Mission" qui regroupe les œuvres de Steffani. Un bon roman policier pour un voyage musical et culturel... et la magie de Venise !

mardi 25 juin 2013

Rubrique cinéma

J'ai vu dimanche le film de Marion Vernoux, "Les Beaux Jours" avec Fanny Ardant, Laurent Lafitte et Patrick Chenais. Ce film aborde le thème de la soixantaine, l'âge de la retraite et du temps libre pour une femme, dentiste de métier, qui se retrouve sans projet dans cette nouvelle vie. Son mari est lui aussi dentiste mais il est encore au travail. Ses filles lui offrent un abonnement dans un centre de loisirs où elle va rencontrer un professeur d'informatique, un trentenaire désabusé, partagé entre ses conquêtes féminines et son activité professionnelle pas du tout motivante. Caroline, la retraitée, s'ennuie et se sent seule malgré la présence de son mari et de ses filles. Elle va donc se laisser séduire par Julien, un Don Juan plutôt minable. Elle noue une relation amoureuse plus physique que morale et prend ainsi des risques jusqu'à mettre en danger son couple. Je ne vais pas trahir le dénouement : la différence d'âge (trente ans) sera-t-elle fatidique entre eux ? Son mari va-t-il la quitter ? J'ai apprécié aussi, dans ce film sympa et sans prétention, le portrait d'une femme dans une nouvelle vie, capable de folie amoureuse, de liberté, d'émancipation. Fanny Ardant illumine ce film par sa présence insolente, vivifiante, lucide et rebelle... Braver l'interdit de la différence d'âge, se libérer du carcan familial, trouver des raisons de vivre après une vie professionnelle bien remplie, partir à la découverte d'une nouvelle identité, celle d'une "retraitée" non pas mise au rebut, mais bien présente dans sa "seconde vie".

lundi 24 juin 2013

Maurice Nadeau, fin de partie

Un grand "bonhomme" de la vie littéraire s'en est allé à l'âge de 102 ans. Il incarnait la littérature, une littérature exigeante, originale et intelligente. Selon la notice nécrologique du journal "Le Monde", parue le mardi 18 juin, il était né à Paris, a connu une enfance modeste, pauvre même, ce qui explique son engagement politique du côté du trotskisme. Il consacra sa vie à la "Quinzaine Littéraire" depuis 1966, revue bimensuelle d'une qualité intellectuelle hors pair. Cette revue, austère et belle aussi, a informé des milliers de fidèles, amateurs littéraires, assoiffés de textes, curieux d'histoire, de psychanalyse, de politique, d'art, de poésie, de la littérature française et étrangère. On lui doit de nombreuses découvertes d'écrivains. Il a aussi créé sa maison d'édition en 1979 sous son nom. Je ne citerai que les plus connus comme Barthes, Perec, Sarraute, Lowry, Koestler, etc. Son œuvre personnelle compte de nombreux titres dont la célèbre "Histoire du surréalisme" en 1945, ouvrage qui fait autorité dans le domaine de la critique. Il faut aussi relire ses mémoires "Grâces leur soient rendues" en 1990. Avant de mourir, il s'est battu pour sauver sa revue de la faillite en lançant un appel aux lecteurs pour recueillir des fonds. Ce dernier combat symbolisait la passion de Nadeau pour la littérature, le fil conducteur de sa vie. Jusqu'au bout de sa vie, il a animé la revue avec sa "gouaille" légendaire, son caractère affirmé, son militantisme anachronique. Que va devenir la revue sans lui ? Je note que les médias ont peu évoqué sa disparition. J'ai seulement entendu un journaliste de Canal + en parler. Je voulais rendre hommage à cet homme, un "dinosaure" d'une littérature moderne et d'avant-garde et pour ma part, je lui suis redevable d'une grande partie de ma "culture littéraire" formée par ce passeur merveilleux qu'était Maurice Nadeau.

jeudi 20 juin 2013

"Les vulnérables"

Chang-rae Lee est né en 1965 en Corée du Sud. Il vit aux Etats Unis et enseigne la littérature à Princeton. J'avais lu de cet écrivain, "Les sombres Feux du passé" en 2001. Plus de dix ans ont passé et je le retrouve avec curiosité dans ce roman, "Les vulnérables", édité aux Editions de l'Olivier en 2013. Pour les lecteurs(trices) qui ont envie de lire léger, futile ou décontracté, il faut passer son chemin... Pour ceux ou celles qui aiment une littérature forte, tragique, sombre, passionnelle, il est temps de découvrir ces 539 pages, excellemment traduites par Marc Amfreville. Le premier chapitre donne la tonalité du livre : la narration de l'exode du personnage central, June, une adolescente de 14 ans, fuyant les communistes du Nord. Elle perd sa famille, sa fratrie dans cet épisode violent et elle est recueillie par un soldat américain, Hector Brennan, qui la conduit dans un camp de refugiés. Ce camp est géré par un couple d'américains, le pasteur Tanner et sa femme Sylvie.  Le roman est construit autour de la période de la Guerre et aussi trente ans après. June est devenue une femme d'affaires dans les antiquités. Elle n'a plus de nouvelles de son fils, parti en Europe après ses études. Elle engage un détective pour reprendre contact avec le père biologique de son fils qu'elle n'a pas revu depuis trente ans. Les chapitres se suivent en alternant les histoires de June dans le camp et dans sa vie actuelle. Hector Brennan n'a jamais vu ce fils disparu et il accepte d'aider June pour le retrouver en Italie. Sylvie, la femme du pasteur, a apprivoisé June, adolescente difficile et caractérielle, dure comme le diamant, querelleuse en diable. June voue un amour exclusif à Sylvie. Mais, Hector devient l'amant de la femme du pasteur et cette relation perturbe la jeune fille. Ce trio amoureux devient un piège pour Sylvie, proie de la drogue aussi dans ce pays en guerre. Les "vulnérables" concernent ces personnages qui subissent le poids effroyable de l'Histoire et de l'amour interdit. Hector se noie dans l'alcool, Sylvie dans la drogue et June dans la haine d'elle-même. Ce roman avec sa force romanesque nous entraîne dans un paysage dévasté sur le plan humain. Chang-rae Lee nous offre une fresque historique, une histoire d'amour impossible, et évoque le sujet douloureux de l'exil et d'une seconde chance dans un pays d'accueil. Attention, ce roman peut déranger, dérouter le lecteur(trice) mais je suis persuadée qu'il peut toucher et émouvoir par sa dimension tragique.

mardi 18 juin 2013

Atelier de lecture

En deuxième partie de la séance de mardi 13 juin, nous avons abordé les ouvrages tirés au sort concernant la tendance littéraire baptisée par les critiques, l'autofiction. Je rappelle une des nombreuses définitions de ce genre à part entière : "refus de toute littérature détachée de la vie, affirmation d'une œuvre revendiquant sa passion du réel contre toutes les formes de falsification du réel, récit dont la matière est entièrement autobiographique, la manière entièrement fictionnelle". Dans la liste des romans d'autofiction tirés au sort, certains n'ont pas été lus, tout simplement. Les heureux élus ne sont pas nombreux. Je récapitule donc les meilleurs : Lyne a beaucoup aimé Daniel Pennac et son itinéraire de cancre dans le célèbre "Chagrin d'école". Marie-Christine a bien apprécié l'autobiographie de Le Clézio, "L'Africain". Danièle a lu avec émotion "Et rester vivant" de Jean-Philippe Blondel, récit de sa vie d'étudiant aux Etats Unis après la perte de sa famille dans un accident de voiture. Après ce drame terrible, le jeune homme se réconcilie avec la vie grâce à l'amitié et à l'amour. Geneviève est "tombée" sur le livre de Justine Lévy, "Rien de grave" et elle n'avait pas une opinion très positive sur ce récit d'une jeune femme privilégiée. Elle a préféré le livre de Frédéric Beigbeder, "Un roman français", récit d'enfance dorée, souvenirs qui affluent tout au long du récit lui donnant un charme particulier. Evelyne a bien apprécié le récit de Vanessa Schneider, "La mère de ma mère", un secret de famille sur l'identité de sa grand-mère et sur le racisme ordinaire. Régine a terminé cette séquence "autofictionnelle" en évoquant un récit coup de cœur de Noëlle Chatelet, "La dernière leçon" sur la fin de vie choisie par sa mère, femme courage, qui a décidé de mourir "au bon moment" à 90 ans quand elle le souhaitait. Ce livre témoigne d'un sujet plus que délicat, l'euthanasie. Nous avons donc arrêté la séance après deux heures d'écoute attentive, d'échanges fructueux, de bons moments conviviaux. En tant que lectrice, j'ai vraiment savouré ces deux heures dédiées à une de mes passions favorites : lire, encore lire et partager ses découvertes, sortir de sa solitude de lectrice pour rejoindre la communauté de ceux et de celles qui aiment vivre dans la compagnie des écrivain(e)s et des livres...

lundi 17 juin 2013

"Les joueurs"

j'avais déjà lu quelques romans de cet écrivain américain, Stewart O'Nan, dont l'excellente "Emily" en 2012 et "Nos plus beaux souvenirs" en 2005. Il explore la vie quotidienne aux Etats Unis comme son prédécesseur Raymond Carver. Dans ce nouvel opus, il nous raconte l'expédition de Marion et d'Art aux chutes de Niagara, côté Canada. Ce couple traverse une crise multiple : leur mariage bat de l'aile, leurs enfants ont quitté le foyer familial, les dettes s'accumulent et leur maison va être vendue... La situation semble donc désespérée, mais Art a une idée pour sauver leur couple et leur maison. Il arrive à convaincre Marion de tout miser dans un casino de l'hôtel pour recommencer à zéro. Cette seconde lune de miel, trente ans après, est décrite ainsi : "Ils allaient passer leurs derniers jours en tant que mari et femme comme les tout premiers, presque trente ans auparavant, aux chutes de Niagara, comme si de l'autre côté de la frontière, près de ce légendaire et tumultueux chaudron des nouveaux départs, loin de toute créance domestique qui sapait leur quotidien, ils avaient une chance de se retrouver". Stewart O'Nan fait durer le suspens : le couple désuni va-t-il se retrouver grâce aux jeux de hasard comme s'ils jouaient leur vie à la roulette russe ? Est-t-il trop tard ? La vie peut apporter son lot de surprises, bonnes ou mauvaises. Il suffit de s'adapter et nos deux protagonistes, pourtant au bord du gouffre, éprouvent encore un regain d'énergie pour éviter la banqueroute. Si vous lisez ce roman, vous connaîtrez le résultat de leur audace...

vendredi 14 juin 2013

Atelier de lecture

Le mardi 11 juin, nous étions une bonne dizaine de lectrices pour cette dernière séance de la saison. Nous avons abordé en première partie les coups de cœur. Comme nous étions nombreuses, j'ai conseillé la brièveté des commentaires pour que chacune prenne la parole, consigne suivie. Danièle a parlé de deux romans, celui de L. Bordes, "Je suis la Marquise de Carabas", l'histoire d'une famille de marionnettistes sur cinq générations, et "Le jour avant le bonheur" du grand écrivain italien, Eri de Luca, roman attachant et émouvant. Geneviève a choisi le très grand succès de librairie,"La liste de mes envies" de Grégoire Delacourt, portrait d'une femme modeste, tenant un blog de broderies, et gagnante au loto et un thriller palpitant, "La maison des absents" d'une écrivaine américaine vivant en Irlande, Tana French. Véronique a beaucoup apprécié, "G229" de Jean-Philippe Blondel, un récit autobiographique sur son métier d'enseignant, et "Le cœur cousu" de C. Martinez. Janine a évoqué "Tous les matins du monde", un roman culte de Pascal Quignard, un grand livre adapté au cinéma et qui a fait connaître la musique de Marin Marais. J'ai approuvé avec enthousiasme ce rappel d'un écrivain qui tient une place prépondérante dans ma galaxie littéraire. Evelyne a montré le dernier roman de Jeanne Benameur, "Profanes" qu'elle a vraiment apprécié et un roman policier original, "Qui a tué Glem ?" de Léonie Swann où les personnages sont des moutons, rire garanti. Annette a conseillé "Cueillettes de mémoires, histoires d'hommes et de plantes dans les Bauges", un ouvrage plein de conseils sur les herbes médicinales de notre région. Régine a sélectionné un très beau témoignage de Joan Didion, "L'année de la pensée magique", un journal intime sur la mort subite de son mari et sur le dur apprentissage du deuil. Pour donner une note plus légère, elle a mentionné le livre amusant de Bernard Pivot, "Les mots de ma vie". Sylvie a beaucoup lu ces derniers temps et a mentionné des titres déjà cités dans les séances précédentes dont le très bon "Les chaussures italiennes" de Mankell. Je cite le seul titre inédit pour le groupe : "La pluie avant qu'elle ne tombe" de Jonathan Coe, écrivain anglais toujours très intéressant à lire. Nicole a beaucoup aimé le roman "Léna" de Virginie Deloffre, la relation entre un savant russe et une paysanne en Sibérie. Sylve-Anne, la dernière participante à prendre la parole a conseillé fortement le livre de Carlos Ruiz Zafon, "L'ombre du vent", passionnant du début à la fin et évoquant le monde fascinant des livres. Voilà pour la première partie de l'atelier. Bonnes lectures en perspective...

jeudi 13 juin 2013

"Chronique d'hiver"

Dès qu'un "Paul Auster" sort en librairie, je n'attends pas des mois pour le découvrir. Je me précipite pour le lire et je ne suis jamais déçue ou presque jamais déçue... Cette "Chronique d'hiver" prend la forme d'un journal intime, écrit à la deuxième personne du singulier. Ce tutoiement pourrait déranger le lecteur(trice) mais dès la première ligne, on écoute cette voix singulière avec une attention permanente : "Tu crois que ça ne t'arrivera jamais, que ça ne peut pas t'arriver, que tu es la seule personne au monde à qui aucune de ces choses n'arrivera jamais, et pourtant, l'une après l'autre, elles se mettent toutes à t'arriver, exactement comme à tout le monde". Paul Auster s'adresse donc à lui-même, en priorité mais il nous tend un miroir. Avec sa soixantaine bien assumée, l'écrivain établit un bilan de sa vie à partir de son corps dans sa multitude de sensations physiques, sensations révélatrices de sa personnalité.  Ce livre-puzzle, où les souvenirs affluent sans ordre chronologique, aborde un sujet central : la mémoire. Que retenons-nous du passé ? Quels sont les événements décisifs ? Son corps joue un rôle majeur dans cette exploration vertigineuse de son enfance jusqu' à sa soixantaine. Dans un article paru dans le Magazine littéraire de juin, Paul Auster évoque la prise de conscience de sa "vulnérabilité" : "Pour dire la vérité, j'ai voulu faire partager le sentiment d'être en vie. De vivre dans un corps et dans un esprit". Il a composé un texte contre l'oubli, l'oubli de soi et des autres, des lieux, des sentiments, des émotions, un magnifique patchwork de mots qui tentent l'impossible : comment écrire l'émerveillement de vivre ? Paul Auster répond ainsi au journaliste : "Quel est le rôle de l'écriture ? je n'ai pas de réponse satisfaisante. Ce que nous faisons, en tant qu'écrivains, est presque inutile. Peu de gens lisent, se soucient de littérature.  J'ai parfois le vif sentiment qu'écrire est une manière ridicule de passer sa vie. (...) Je sais que j'ai mis toutes mes forces à dire la vérité sur la page". Un livre majeur à lire absolument...

mardi 11 juin 2013

Rubrique cinéma

Lundi, séance cinéma pour "La Grande Belleza" de Paolo Sorrentino avec Toni Servillo. Ce film dure 2h30 et faisait partie de la sélection de Cannes en 2013. Le personnage central se nomme Jep Gambardella, un homme d'âge mur, portant beau et très élégant. Il a écrit un roman qui a eu un certain succès et depuis, il se consacre au journalisme mondain. Le film montre la vie de ce dandy fêtard, esthète et séducteur. Deux éléments fondamentaux épatent le spectateur : la présence de la ville, Rome, et la bande musicale extraordinaire. Le réalisateur mélange tous les styles de musique, de la pop au rock, de la musique sacrée à la musique symphonique. Ce fil musical impressionnant d'éclectisme et de folie, rythme les scènes calmes d'intimité de Jep et les moments d'hystérie collective dans des soirées de fête à la romaine. Jep nous communique son dégoût de ce monde stupide, superficiel, cruel et hypocrite. Mais son désespoir se double d'une ironie élégante et d'un humour salvateur. Même s'il ressent que sa vie est un échec total, il recherche encore et toujours "la grande belleza", la grande beauté de sa ville, Rome, et la beauté de l'amour vrai. Il se souvient ainsi d'une jeune fille, son premier amour, une belle jeune fille qui ne l'a pas choisi. Mais cet amour symbolise la beauté perdue mais entrevue, réalisée à ses yeux. Ce film italien, décapant et ironique, dénonce aussi les travers du siècle : la place centrale de l'argent (on aperçoit des Chinois et des Orientaux triomphants), la vulgarité touristique, les relations humaines dégradées, la solitude urbaine, la religion de l'amusement et des fêtes, la pitoyable image des religieux, des scènes surréalistes sur une Sainte, style Mère Teresa, etc. Paolo Sorrentino semble nous dire : la beauté est là devant vous, elle vous attend, il suffit de la chercher et de la trouver... Un grand film qui nous vient d'Italie, le pays aux mille merveilles dans tous les coins de rue, surtout à Rome...

lundi 10 juin 2013

"Ecoute la pluie"

Ce roman de Michèle Lesbre, "Ecoute la pluie", édité chez Sabine Wespieser, peut littéralement enchanté le lecteur(trice). Une femme s'adresse à son amant. Il vit à Nantes et elle est restée à Paris. Leur séparation provisoire va devenir le fil conducteur du récit. Je cite une des premières phrases : "Depuis que nous ne vivons plus dans la même ville, quelques terrains vagues se faufilent entre nous, ceux de nos imaginaires, qui, parfois, me font peur. Où es-tu dans l'instant même où je pense à toi, à qui parles-tu ? Pourtant, j'aime ces zones d'ombre, elles nous permettent de ne pas laisser l'ennui et l'habitude nous grignoter peu à peu". La narratrice se rend à son travail et en prenant le métro, elle aperçoit un homme âgé qui lui sourit et se jette subitement sur les rails à l'arrivée du train. Ce suicide bouleverse la narratrice et ce vieux monsieur anonyme l'obsède douloureusement. Elle imagine en même temps la vie quotidienne de son amant. Que fait-il à Nantes ? A-t-il rejoint l'hôtel des Brumes où ils doivent se rejoindre ? Son compagnon est un photographe professionnel qui voyage beaucoup. La narratrice nous relate aussi les découvertes de ces périples culturels dans des villes "mythiques" comme Trieste, Sienne et Venise. Son obsession de l'homme au métro la conduit dans un commissariat car elle veut connaître l'identité et la vie du vieil homme. Elle apprend qu'il travaillait dans le métro et qu'il venait de perdre sa femme. Sa déambulation nocturne dans un Paris fantasmé l'entraîne chez une amie, dans des cafés. Le titre "écoute la pluie" symbolise l'état d'esprit de la narratrice. Cette pluie est intérieure, en elle, comme un chagrin diffus, une nostalgie d'un amour fini, peut-être... Ce roman possède un charme "durassien" par son style délicat et chatoyant, par la fascination du passé, des repères culturels, des lieux (ville, plage), et surtout par la perte de l'amour. Quel beau roman, à lire absolument... Ecoutons la voix subtile de Michèle Lesbre : "J'ai toujours aimé la pluie, les siestes déraisonnables qu'elle suggère, les traversées téméraires d'une ville inconnue en quête d'un abri, d'un chemin de traverse ; j'aime la pluie le dimanche, la pluie dans un port".

jeudi 6 juin 2013

Atelier d'écriture

A ce premier atelier d'écriture de juin, l'avant-dernier de la saison, nous étions huit participantes autour de Mylène, notre animatrice. Elle nous a proposé un exercice unique en trois étapes : créer quatre mots à une, deux, trois et quatre syllabes en leur enjoignant une dénomination (monsieur, madame, Maître, etc), puis établir une liste d'idées farfelues ou qui sortent de l'ordinaire et nous avons ensuite mélangé nos mots. Nous avons tiré au sort un mot inventé qui est devenu le nom de notre personnage. Dans le texte, nous pouvions utiliser les idées saugrenues du groupe. Voici mon texte  :
 Renaissance,
Madame Lapo venait de prendre sa retraite. Enfin, elle se sentait libérée du temps contraint. Elle était soulagée de ne plus subir le "métro, boulot, dodo", les embouteillages, les bruits, la pollution, les foules mécaniques, le stress, les incivilités. Terminée, cette vie de citadine, une vie volée et survolée... Elle avait pris une sage décision : vivre à l'envers, cesser d'être toujours à l'endroit, comme il faut, dans son travail, faire des efforts, se forcer. Pour commencer sa journée, elle se levait encore plus tôt pour profiter de son temps libre en dégustant son petit-déjeuner avec une lenteur sucrée et caféinée, confiture et pain fabriqués maison . Ensuite, elle s'adonnait à diverses activités physiques : marcher, courir, pédaler, bouger sans fin... Elle se reposait, après tous ces effort, sur son canapé de lectures : elle avait enfin compris qu'il valait mieux lire... à l'envers. En commençant par le dénouement du roman, elle remontait à la source des commencements pour vérifier son choix révolutionnaire. Elle changeait vite de livre si la fin lui déplaisait et évitait ainsi les déceptions. Madame Lapo-à-l'envers avait aussi compris que son temps se libérait en écartant les obligations sociales, les politesses hypocrites, les réunions familiales ennuyeuses. Son détachement des repères traditionnels provoquait des gestes inopinés : se signer quand elle rentrait dans une librairie ou une bibliothèque, lieux sacrés pour elle, siroter un porto dans un bar alors qu'elle se l'interdisait par convenance, voyager seule sans peur, se promener sans crainte, vivre enfin une liberté reconquise. Un jour, elle se mit soudain à ressentir une souplesse dans son corps et une fraîcheur dans son esprit qu'elle avait oubliées, un sentiment de jeunesse à l'envers.  Madame Lapo, qui avait maintenant tout son temps se mit à l'écriture et révéla ses secrets de jouvence dans un livre intitulé : "L'endroit et l'envers" !

mardi 4 juin 2013

Revue de presse

Le Magazine littéraire de juin a la très, très bonne idée de nous proposer un dossier central sur les romancières américaines : Toni Morrison, Joyce Carol Oates, Anaïs Nin, Gertrude Stein, Edith Wharton, Flannery O'Connor, Joan Didion, Eudora Welty, Carson McCullers, Louise Erdrich, etc. Je ne cite que les "phares" les plus importants de cette littérature et je suis ravie que la revue se penche sur ces femmes écrivains que je lis fidèlement depuis des dizaines d'années. Elles n'ont pas pris une seule ride et il faut les découvrir au plus vite si vous ne les connaissez pas. Le public littéraire connaît davantage Hemingway, Fitzgerald, Dos Passos, Roth, etc. Pour une fois que la littérature se conjugue au féminin... Un grand plaisir de lectures en perspective. La revue propose aussi un long entretien avec Paul Auster à l'occasion de son dernier livre "Chronique d'hiver". La revue Lire s'est penchée sur Oscar Wilde, un classique anglais d'une modernité provoquante. François Busnel rappelle dans son édito les raisons de son choix. Il aime les "œuvres qui mordent et qui piquent", et cite une belle phrase de Wilde : "Nous sommes tous dans le caniveau, mais certains d'entre nous regardent les étoiles". Lire rend aussi un hommage au livre de poche dont on célèbre ses 60 ans en proposant des titres pour cet été. On retrouve les critiques habituelles des nouveautés et un entretien avec Robert Littell. Je veux signaler l'excellente revue "Page", les livres par les libraires. Le numéro 159 d'avril-mai donne d'excellentes idées de lecture sur le "Polar" avec de nombreux articles sur les tendances actuelles et des entretiens avec des auteurs culte de ce genre littéraire. La belle iconographie et la mise en page originale différencient cette revue des traditionnelles et quand les libraires se mettent à l'écriture et recommandent un ouvrage, c'est une initiative judicieuse et justifiée...

lundi 3 juin 2013

Rubrique cinéma

Je ne vais pas souvent voir des comédies, souvent trop légères à mon goût et toujours d'un optimisme bêtifiant... J'ai pourtant apprécié le film franco-portugais, "La cage dorée" de Ruben Alves qui a attiré plus d'un million de spectateurs. Ce film évoque la diaspora portugaise à Paris. Depuis trente ans, Maria et José Ribeiro font partie de cette communauté solidaire et traditionnelle. Maria s'occupe d'un immeuble bourgeois et bénéficie d'une petite loge, décorée avec amour. Les occupants de l'immeuble exigent beaucoup et Maria ne compte ni ses heures, ni son temps de repos : corvéable et docile. José, son mari, est chef de chantier et lui aussi, travaille sans relâche pour un patron débordé et au bord de la faillite. Un jour, notre couple d'immigrés portugais reçoit une lettre d'un notaire leur signifiant un héritage d'un frère qui leur a laissé un domaine viticole du côté de Porto à la seule condition qu'ils y vivent. La comédie démarre vraiment quand une sœur de Maria découvre le secret et diffuse la nouvelle à tout l'entourage. Nos deux travailleurs exemplaires vont découvrir l'hypocrisie sociale quand tous leurs employeurs s'affolent à la pensée de les perdre. Se greffe aussi l'histoire d'amour de leur fille avec le fils de l'entrepreneur. Le grand dilemme surgit dans leur vie de labeur : avec cet héritage, vont-ils enfin rentrer au pays, retrouver leurs racines ?  Vont-ils enfin reconquérir leur liberté et abandonner cette cage dorée de concierge  ? Le réalisateur aborde tout en finesse et avec humour les thèmes du déracinement, de la nostalgie du pays quitté, de l'intégration réussie pour les enfants qui, eux, se sentent avant tout français. Les scènes sont parfois traitées avec un ton juste et un respect total pour toutes ces générations de Portugais, contraints à l'exil pour travailler en rêvant d'un retour dans leur pays à l'âge de la retraite. Je ne révèlerai pas la fin du film car si vous avez envie de vous détendre, ce film vous apportera un souffle d'optimisme et de nostalgie, aussi, saudade oblige... Comme tous les petits-enfants d'immigrés, (mes grands-parents paternels au début du XXème siècle ont quitté leur région d'Aragon en Espagne pour travailler au Boucau près de Bayonne), je ressens un sentiment de solidarité et d'empathie pour les Portugais, Espagnols, Italiens, immigrés souvent méprisés sur le plan social qui ont eu le courage de quitter un pays qu'ils adoraient pour vivre une vie meilleure...