jeudi 9 juin 2011

Hommage à Jorge Semprun

Quand j'ai appris hier matin la nouvelle du décès de Jorge Semprun, j'ai éprouvé un sentiment de tristesse d'avoir perdu un "père" intellectuel car il faisait partie d'une génération ayant traversé le siècle dernier. Je crois avoir lu toute l'oeuvre de Jorge Semprun depuis son grand livre "Le grand voyage" que j'ai découvert dans les années 70 comme j'avais eu un choc avec "Le premier homme" de Primo Levi. Le destin de Jorge Semprun n'est vraiment pas banal... Issu de la grande bourgeoisie madrilène, son grand-père et son père étaient des héros de la famille républicaine espagnole et cette naissance dans l'histoire déchirée de l'Espagne va en faire un anti-fascite, un anti-nazi et un farouche partisan de la République espagnole. Il aura traversé le siècle dernier avec une passion pour la justice et la vie. Quand sa famille a fui les horreurs du franquisme, il sera lui-même arrêté en France pour des faits de résistance et sera déporté à Buchenwald. Cette expérience de la captivité et de la mort proche sera la grande source d'inspiration de son oeuvre. Son engagement clandestin au Parti communiste espagnol se comprend à l'aune de l'antifranquisme qui aboutira plus tard à l'avénement du socialisme après la mort de Franco. Il sera même ministre de la Culture pendant trois ans dans les années 80. Malgré son amour de l'Espagne, il reste en France et écrit en français la plupart de ses ouvrages. La presse dans son ensemble rend hommage à Semprun surtout Libération qui lui consacre trois pages avec un photo en première page. Semprun a aussi été scénariste de films politiques comme "L'aveu" et "Z", réalisés par Costa-Gavras. En tant que lectrice qui aime la littérature liée à l'histoire, j'aime Semprun que j'associe aussi à des écrivains comme Milan Kundera, Albert Camus, Thomas Mann... La littérature engagée est indispensable pour faire comprendre l'horreur du nazisme, des camps de concentration, du franquisme, du totalitarisme. Evidemment, je ne comprends pas que Semprun n'ait pas obtenu le Prix Nobel de littérature... Tous ces livres sont passionnants à lire : je conseille surtout "L'écriture ou la vie", "Adieu vive clarté", "Le mort qu'il faut" et "vingt ans et un jour". Les romans de sa période communiste clandestine risquent de moins intéresser le lecteur qui n'a pas connu cette période troublante en Espagne. Sa bi-nationalité espagnole de naissance et française de culture était une caractéristique fondamentale qui le rendait si séduisant et si touchant. C'était un écrivain engagé, un grand Monsieur comme il en existe rarement, un modèle pour beaucoup, un européen convaincu, un amoureux de culture et de livres, un homme vrai, un honnête homme... Heureusement que son oeuvre nous permet de le retrouver à tous moments. Sale journée, celle du 6 juin...