mercredi 14 février 2024

"Angoisses", Stefan Zweig

 "Angoises" de Stefan Zweig, cette courte nouvelle parue en 1920, est aussi connue avec le titre "La Peur". J'ai découvert ce texte avec un intérêt croissant tout au long des pages. Au début du siècle, à Vienne, Irène, une belle trentenaire mariée, s'ennuie dans la société bourgeoise de l'époque. Pour pimenter son quotidien, elle prend un amant, un jeune musicien à succès dont elle n'est pas particulièrement amoureuse. Elle agit par légéreté et par inconscience. Un jour, elle sort de l'immeuble de son amant et rencontre une femme qui l'accuse d'infidélité. Elle lui annonce qu'elle va le dénoncer à son mari. Cette étrange créature n'est qu'une vulgaire maitre-chanteuse. A partir de cet instant, Irène vit dans la peur permanente. Cette femme la poursuit même chez elle pour réclamer de l'argent. Son sentiment de culpabilité la taraude et la rend folle. Elle a peur de la réaction de son mari et elle pressent que la vérité sur son comportement va éclater sa famille et son monde. L'angoisse, ce sentiment si analysé par Stefan Zweig, s'empare de cette trentenaire qui était loin d'imaginer son enfer personnel en prenant un amant. Sa vision de sa vie familiale change car elle a maintenant peur de tout perdre. Elle met en vente un de ses bijoux pour calmer cette femme ennemie menaçante. Sa descente aux enfers la montre prise à son propre piège. Son mari soupçonne l'état angoissant de sa femme et ses enfants ne la reconnaissent plus. Le piège se referme sur elle et l'oblige à avouer son "crime" d'un adultère qui, à ses yeux, ne valait pas les moments d'angoisse vécus. Dans ce milieu bourgeois rigide, une femme ne se donne pas le droit de tromper son mari et cette conduite constitue un vrai scandale. La peur monte en elle comme une bestiole dévorante. Pour se sortir de cette impasse, elle décide de mourir, sa seule solution radicale. Avant de passer à l'acte, elle va revoir son amant et là, coup de théâtre, la maître-chanteuse vit avec ce musicien. Irène n'avait pas imaginé ce scénarion pitoyable. Mais une autre nouvelle va mettre fin à son angoisse. Un témoin silencieux assiste au naufrage d'Irène. Ce témoin n'est autre que son propre mari qui, pour punir l'infidilité de son épouse, a monté tout ce stratagème. Irène a tellement vécu un enfer que son mari lui offre le "pardon". Cette nouvelle dramatique possède une densité particulière, l'angoisse monte crescendo tout au long du récit. Un bijou de concision, de précision sur un sentiment universel : la peur de la perte.