vendredi 19 octobre 2018

"Un été avec Homère"

Dès que j'ai ouvert "Un été avec Homère", je savais que cette lecture m'apporterait une jubilation certaine. Et, vraiment, cet ouvrage hybride et original a encore conforté mon amour de la Grèce, d'Homère et de ses chants magiques. Ces textes proviennent d'une émission sur France-Culture. Evidemment, il vaut mieux lire "L'Iliade" et "L'Odyssée" pour apprécier les commentaires de Sylvain Tesson, mais, on peut aussi passer outre cette consigne, et se laisser bercer par l'atmosphère magique que l'écrivain-aventurier distille au fil des pages, imprégnées de la lumière grecque et de la culture antique. L'écrivain s'est isolé à Tinos face à Mykonos, dans les Cyclades pour comprendre ce miracle homérique. Il définit ce sentiment géographique ainsi : "Le génie des lieux nourrit les hommes. Nous sommes les enfants de notre paysage, disait Lawrence Durrell". Dans l'avant-propos, Sylvain Tesson présente son livre : "Ouvrir l'Iliade et l'Odyssée revient à lire un quotidien. Ce journal du monde, écrit une fois pour toutes, fournit l'aveu que rien ne change sous le soleil de Zeus : l'homme reste fidèle à lui-même, animal grandiose et désespérant, ruisselant de lumière et farci de médiocrité". Il évoque dès la première page le personnage emblématique, notre plus ancien contemporain, Ulysse, "notre frère", un homme, pétri d'humanité et d'héroïsme. Homère traverse les siècles avec la première œuvre littéraire et immortelle, composée de quinze mille vers pour l'Iliade et douze mille pour l'Odyssée. Pour Sylvain Tesson, "Tout se déploie en quelques hexamètres, la grandeur et la servitude, la difficulté d'être, la question du destin et de la liberté, le dilemme de la vie paisible et de la gloire éternelle, de la mesure et du déchainement, la douceur de la nature, la force de l'imagination, la grandeur de la vertu et la fragilité de la vie…" . L'ouvrage s'appuie sur les commentaires de l'écrivain qui décrypte à sa façon les aventures d'Achille, d'Ulysse, des dieux, de la guerre, de l'hubris sans oublier un hommage admiratif d'Homère. Il n'oublie pas aussi d'évoquer les fabuleux Hellénistes qui nous ont fait aimer la Grèce homérique : Jacqueline de Romilly, Paul Veyne, Victor Bérard, etc. L'écrivain met en parallèle le temps antique et notre période contemporaine et se permet de belles formules malicieuses et percutantes sur les travers d'aujourd'hui. Ce livre m'a enchantée comme si Sylvain Tesson s'était transformé en sirène et j'étais Ulysse, charmé par cet hommage enthousiaste pour Homère… Comme je revenais des Cyclades, j'avais ressenti tous ces paysages homériques, le vent fou, la lumière bleue, la mer étincelante et j'ai retrouvé ma Grèce éternelle. Quel beau récit, quel bel hommage littéraire ! A déguster, comme un vin de Santorin, sans modération...

jeudi 18 octobre 2018

Silence, on lit

Je suis tombée récemment sur un reportage de France 2 dans le cadre du 20H. Je remarque souvent que la lecture ne tient pas une grande place dans les journaux télévisés. En début de semaine, j'ai ressenti une agréable surprise en regardant ce reportage de trois minutes sur un collège français qui appliquait une consigne simple et salutaire. Pendant dix minutes, avant les cours de l'après-midi, les collégiens rentrent dans leur classe et prennent un livre : romans, documentaires, bandes dessinées, etc. Smartphones fermés (enfin), ils vivent un moment de grâce et ils lisent dans le silence. Le professeur de français déclarait que ces minutes de lecture ressemblaient à des minutes de méditation et de concentration. Quand les élèves reprennent leur cours, ils semblent plus calmes, moins agités. Qui a donc eu cette idée originale ? L'académicienne Danièle Sallenave, grande militante de la cause des livres. Cette écrivaine subtile et fortement républicaine constate depuis longtemps l'affaiblissement de la lecture chez les jeunes. Comment donner envie de lire à des générations conquises par la culture digitale ? Les téléphones portables ont remplacé nos bons bouquins. Pourtant, dans les bibliothèques municipales, la lecture jeunesse est un enjeu primordial. Je me souviens de beaux moments de partage avec les scolaires que je recevais régulièrement pour leur donner le goût de lire. Des générations de bibliothécaires ont mis leur énergie et leur passion pour cette cause si belle et si essentielle : lire ! L'association SOL ! (Silence on lit !) a concrétisé ce projet dans de nombreux collèges et le Ministère de l'Education encourage vivement ces initiatives. Je ne peux que me féliciter de cette intrusion des livres dans la vie scolaire. Les professeurs de français détiennent parfois la clé pour donner le goût de lire. Il suffit ensuite qu'une logistique se mette en place pour que les élèves se saisissent d'un livre. La journaliste signalait malheureusement la pauvreté des fonds dans les CDI et les bibliothèques scolaires. Les moyens doivent accompagner cette belle aventure. Danièle Sallenave mène un beau combat… Je suis persuadée que dix minutes par jour scolaire ne représentent pas grand chose dans une vie surchargée d'un adolescent. Mais, dans ces minutes reconquises dans le silence partagé, il suffit d'une rencontre avec un écrivain passionnant pour ouvrir les portes d'un paradis sur terre : celui des livres et de la lecture ! 

mercredi 17 octobre 2018

"Archives du Nord"

Cet été, j'ai relu le deuxième tome du Labyrinthe du monde de Marguerite Yourcenar, "Archives du Nord", publié en 1977. J'ai déjà évoqué dans ce blog, "Souvenirs pieux" (1974) et je poursuis ainsi mon retour aux grands classiques de la littérature contemporaine. Parfois, quand on se lance dans la relecture d'un classique, la déception peut surgir car plus les années passent, plus nous changeons. Personne n'évite ce phénomène même si au fond, on a l'impression d'être la même personne depuis notre naissance. Quand j'ouvre un ouvrage de Marguerite Yourcenar, je retrouve la même admiration que j'éprouvais à l'époque de ma première lecture et je ne suis jamais déçue. Bien au contraire, ma lecture en ressort bonifiée, approfondie, encore plus intense que dans le passé. Pourtant, les ancêtres de Marguerite Yourcenar ne ressemblent pas du tout aux miens. Ce monde aristocratique (comme chez Marcel Proust) semble très éloigné de notre société contemporaine démocratique. Mais, si on aime l'Histoire, la lecture de ce livre ressemble à une plongée dans le XIXe siècle, dans la région du Nord, la Flandre. L'écrivaine, dans les premiers chapitres, se lance dans une réflexion sur le vertige du temps : "Ces gens-là nous ressemblent : mis face à face avec eux, nous reconnaîtrions sur leurs traits les mêmes caractéristiques, qui vont de la bêtise au génie, de la laideur à la beauté". Elle remonte au XVIe et cette aventure généalogique donne le tournis… Marguerite Yourcenar écrit plus loin : "C'est de la terre entière que nous sommes les légataires universels. Un poète ou un sculpteur grec, un moraliste romain né en Espagne, (…) nous ont peut-être davantage formés que ces hommes et ces femmes dont nous avons été l'un des descendants possibles, un de ces germes dont des milliards se perdent sans fructifier dans les cavernes du corps ou entre les draps des époux". Dans la deuxième partie, elle évoque son grand-père paternel, Michel-Charles, puis de son père, Michel. La narratrice ne se glorifie en aucun cas de sa parenté aristocratique, bien au contraire. Elle décrit les petitesses de sa classe sociale, l'hypocrisie religieuse, leur arrogance hautaine. Elle n'épargne pas son propre père, joueur et flambeur, amateur de femmes. A la fin de l'ouvrage, Marguerite Yourcenar révèle sa vision du monde, une vision sombre et lucide, sur le passé et le présent, et constate avec philosophie : "Ce qui danse aujourd'hui sur le monde est la sottise, la violence et l'avidité de l'homme". Les inquiétudes qu'elle ressentait sur la disparition des espèces, la pollution, la place du divertissement, les dégâts de l'industrie, se sont, hélas, confirmées. La lecture des classiques procure un sentiment d'éternité...

mardi 16 octobre 2018

"Dix sept ans"

Eric Fottorino, écrivain et journaliste, poursuit l'écriture de son roman familial, commencée depuis vingt cinq ans avec "Rochelle", puis "L'homme qui m'aimait tout bas" en 2010 et "Questions à mon père". L'ancien directeur du journal Le Monde a raconté dans la presse, ses deux pères naturel et adoptif. L'un a épousé sa mère et l'a adopté et l'autre a été rejeté par la famille de sa mère parce que juif marocain. Dans son nouvel opus, "Dix sept ans", l'écrivain décrit le lien difficile qu'il entretient avec sa mère, Lina. Il écrit : "Lina n'était jamais vraiment là. Tout se passait dans son regard. J'en connaissais les nuances, les reflets, les défaites. Une ombre passait dans ses yeux, une ombre qui fanait son visage. Elle était là mais elle était loin. Je ne comprenais pas ces sautes d'humeur, ses sautes d'amour". Lina convoque ses trois fils dont le narrateur pour leur avouer un secret de sa jeunesse : "le 10 janvier 1963, j'ai mis au monde une petite fille. on me l'a enlevée aussitôt". Lina avait déjà donné naissance au narrateur trois ans avant. Leur mère raconte cet épisode douloureux devant ses fils abasourdis par ce lourd secret. Le narrateur comprend alors qu'il ne connaît pas sa mère et il décide de partir à la recherche de cette jeune adolescente de dix sept ans. Il se rend à Nice sur les traces de cette inconnue pour reconstituer son passé opaque. Il avoue avec regrets : "L'amour de ma mère, je ne l'ai pas senti. Il a manqué une étincelle (…) Le silence. Il est devenu notre marque de fabrique". Ce lien primordial le hante tout au long de ce roman largement autobiographique. Il s'installe dans une pension, mène une enquête pour retrouver des témoins, se promène en ville pour revivre le décor de sa naissance. Le narrateur récapitule la vie de Lina à Nice à cette époque avec les pressions familiales qu'elle subissait. Il tutoie Lina en l'imaginant dans la ville et il prend conscience alors de la fragilité de cette mère-enfant. Au fil des pages, le narrateur se réconcilie avec elle et l'amour glacé qu'il ressentait fond littéralement quand il revient la chercher pour la conduire de nouveau à Nice. L'auteur vit cette renaissance avec le désir d'effacer toutes ces années de méfiance et de désamour. Il déclare à sa "petite maman", âgée de soixante quinze ans, qu'il devient enfin son fils ! Un des romans autofictifs les plus intéressants de la rentrée littéraire.  

lundi 15 octobre 2018

Rubrique cinéma

Le film, "Girl", du réalisateur belge, Lucas Dhont, aborde la délicate question de la transsexualité. La jeune adolescente, Lara, rêve de devenir danseuse étoile. Mais, Lara est née garçon. Avec le soutien de son père, Lara veut changer de sexe pour réaliser son projet. Beaucoup de séquences concernent son apprentissage au sein d'une école de danse très réputée. On se rend compte alors de l'extrême difficulté de cette discipline artistique : la danse classique. Son corps de garçon ne possède pas les qualités requises pour exécuter des exercices comme les pointes. Lara sacrifie tout pour atteindre son but : devenir femme… Elle suit un traitement d'hormones, passe une panoplie d'examens, mais son corps ne se plie pas toujours à cette discipline de fer. En particulier, elle cache son sexe avec du sparadrap qui la blesse quotidiennement. S'intégrer dans le groupe des filles lui pose des problèmes car elle ne veut pas prendre sa douche dans sa nudité. Ce personnage magistralement interprété par Victor Polster semble vivre une solitude inhumaine. Il ne veut se confier à personne, surtout pas à son père qui joue un rôle majeur dans sa transformation sexuelle. Son étrangeté singulière l'isole et il rejette l'amour ou l'amitié par peur de se déclarer différent. Dans les scènes de danse ou en famille, sa vie ressemble à un combat quotidien : devenir une jeune danseuse. La relation père-fils est vraiment d'une finesse remarquable. Le corps médical entoure Lara avec une bienveillance chaleureuse. Quand la chirurgienne lui annonce que l'opération finale est reportée car son corps n'est pas prêt à subir le changement, Lara prend une décision radicale. Je ne dévoilerai pas la fin du film, un film fort, dérangeant, sensible. Le réalisateur pose la question du genre, de l'identité sexuelle, du tumulte psychique et corporel de Lara, une jeune fille d'une force incroyable dans un corps de garçon… 

vendredi 12 octobre 2018

"ça raconte Sarah"

Pauline Delabroy-Allard a composé avec son premier roman symphonique, "ça raconte Sarah" une histoire passionnelle entre deux jeunes femmes. Edité chez Minuit à la rentrée de septembre, ce roman a déjà obtenu la reconnaissance du public et des critiques. Professeur de lycée, la narratrice vit seule avec sa petite fille car son mari a disparu "sans crier gare". Lors d'un réveillon, elle rencontre une violoniste, Sarah : "ça raconte Sarah, sa beauté inédite, son nez abrupt d'oiseau rare, ses yeux d'une couleur inouïe, rocailleuse, verte (…). Ca raconte le printemps où elle est entrée dans ma vie comme on entre en scène, pleine d'allant, conquérante. Victorieuse". Pourtant, dans sa "vie chagrine", elle ne s'attendait pas à éprouver une telle passion, ayant remplacé son mari par un compagnon. A partir de cette vision fulgurante, la narratrice a déjà compris que sa vie allait basculer dans un rythme infernal. Sarah, dans cette soirée, s'était comportée comme une gamine, parlant fort, fumant, riant, dans une exubérance surprenante. Sarah a remarqué la narratrice car elle lui envoie des invitations à des concerts et l'invite au restaurant. Lors d'une sortie au théâtre, Sarah lui avoue qu'elle est amoureuse d'elle. Puis, un amour fou, irraisonné, irrésistible naît entre elles comme se lève une tempête, une tempête des sens, des corps, des âmes. La narratrice écrit ainsi : "L'amour avec une femme :  une tempête". C'est aussi "une révélation, une lumière, une épiphanie". Elles se retrouvent dans des moments parenthèses car elles ne mènent pas la même vie. L'une est sage dans son métier d'enseignante, l'autre a choisi la musique de chambre et les concerts en Europe avec son quatuor. La narratrice est emportée dans un tourbillon de vie, dans une sarabande amoureuse passionnelle. A se brûler de jour en jour entre leurs retrouvailles et leurs éloignements, elles épuisent leur passion mutuelle. Mais, un soir, Sarah se découvre un cancer du sein. Leur histoire d'amour s'interrompt brutalement. La seconde partie relate la fuite de la narratrice à Trieste, à la fin de sa passion, dans une folie dépressive. Son errance solitaire dans cette ville emblématique de la nostalgie symbolise aussi un retour à la vie, "la vie sans elle mais la vie quand même". L'écrivaine, âgé de trente ans, a réussi un exercice littéraire de haute volée. Avec un sujet audacieux (la passion entre deux femmes) et un style original très influencé par Marguerite Duras et Annie Ernaux, Pauline Delabroy-Allard possède déjà un talent certain. J'attends son deuxième roman pour confirmer mon opinion… 

mercredi 10 octobre 2018

Atelier Lectures, 2

Agnès a évoqué le livre de Philippe Lançon qu'elle a lu deux fois cet été. J'ai déjà parlé de cet exceptionnel récit autobiographique que je considère comme le Meilleur Livre de l'année. En lisant "Le Lambeau", Agnès a partagé avec empathie le témoignage de cet écrivain, rescapé miraculeux qui a échappé aux balles des terroristes islamistes de janvier 2015. Un débat a surgi entre nous sur ce livre inclassable. Certaines lectrices ne tentent pas cette expérience car elles estiment que "c'est trop dur"... Evidemment, ce journal intime raconte un drame épouvantable, mais aussi un retour à la vie dans une longue reconquête de son visage reconstruit. Philippe Lançon se confie intimement sur ses béquilles symboliques : Proust, Bach, son entourage familial, amical, sa relation privilégiée avec sa chirurgienne, les échos de la société… Ce livre unique nous fait partager la guérison physique et la rédemption psychique de Philippe Lançon sans pathos, sans haine, avec une élégance et un humour inégalés. Marie-Christine a beaucoup aimé le roman d'Alice Ferney, "Les Bourgeois". Elle a retrouvé le goût de son enfance, des souvenirs de famille similaires, une ambiance de grande famille unie. Pascale a choisi un roman de Philip Roth, "La Tâche". Un professeur de lettres est accusé d'avoir tenu des propos racistes envers ses étudiants. Il préfère démissionner plutôt que de livrer le secret qui pourrait l'innocenter. Philip Roth dresse le portrait d'une Amérique puritaine, victime du politiquement correct. Pour cet écrivain génial, frère spirituel de Milan Kundera, la pureté et la candeur n'existent pas car "la tâche" (ou l'erreur) définit la condition humaine… Régine a beaucoup apprécié le roman de Karine Tuil, "L'invention de nos vies". Le personnage principal, Sam Tahar, brillant avocat à New York, est au sommet de la réussite : fortune, célébrité, beau mariage. Mais, sa réussite repose sur une imposture. Il s'est fabriqué une identité d'un ami juif, écrivain raté. Son passé va resurgir et sa vie confortable va exploser. Karine Tuil interroge le poids des origines, le mensonge, le déni. Un roman fort et puissant comme tous les romans de cette écrivaine d'un caractère bien trempé dans l'encre noire de la vie. Janine a évoqué le roman de Philippe Grimbert, "Le secret" que nous avons souvent cité dans l'atelier Lectures. Evelyne a terminé les coups de cœur avec le facétieux Sylvain Tesso et son "Un été avec Homère", ouvrage délicieux d'un amoureux de la Grèce antique et d'Homère. Comme j'avais imposé un seul coup de cœur de l'été à cause du manque de temps, chaque amie lectrice a bien respecté la consigne… L'écoute et la bienveillance règnent au sein de l'atelier et pour ma part, c'est avec un immense plaisir d'animer un cercle de lectrices motivées et bien présentes !

mardi 9 octobre 2018

Atelier Lectures, 1

Ce mardi 9 octobre, l'Atelier Lectures a tenu sa première réunion de la saison 2018-2019. Nous étions presque au complet, une bonne dizaine d'amies lectrices. J'ai souhaité la bienvenue pour ces nouvelles rencontres en établissant le calendrier de l'année. J'ai abordé les différents thèmes des séances futures : littératures nordiques, les livres préférés, Philip Roth, le journal intime et un tirage au sort en duo. J'aime bien prévoir un programme car pour animer cet atelier, j'effectue un travail en amont, des recherches bibliographiques, des lectures de critiques littéraires. Cette préparation prolonge mon métier de bibliothécaire qui me colle encore à la "tête"... Comme nous sommes assez nombreuses, chaque lectrice a décliné un seul coup de cœur de l'été et nous avons ensuite dévoilé les listes des dix livres préférés dans leur vie de lectrice. Geneviève a démarré par un coup de foudre tellement elle a aimé le roman d'Alessandro Baricco, "La jeune épouse". L'histoire se situe en Italie au début du XXe siècle dans une famille quelque peu baroque et extravagante. La jeune épouse intègre cette famille alors que son futur mari vit en Angleterre et envoie des cadeaux en se faisant attendre. L'auteur intervient dans l'écriture de cette histoire et délivre ainsi une réflexion sur l'art du roman. La jeune épouse attend donc ce Fils et découvre les secrets de cette famille. Mylène a choisi "Mille femmes blanches" de l'écrivain américain, Jim Fergus. En 1874, le président Grant accepte la proposition du chef indien Little Wolf : troquer mille femmes blanches contre des chevaux et des bisons ! Quelques femmes se portent volontaires, la plupart venant des pénitenciers et des asiles. L'une d'elles, May Dodd décrit dans ses carnets sa nouvelle vie de squaw car elle est mariée à un puissant guerrier. Elle comprend alors qu'elle assiste à l'agonie de son peuple d'adoption. Paru en 2000 en France, ce premier roman a eu beaucoup de succès et on peut lire aussi la suite, "La vengeance des mères". Danièle s'est lancée dans les Œuvres complètes de Marguerite Yourcenar dans la Pléiade. Elle a lu "Le coup de grâce", "Les mémoires d'Hadrien" et "L'Œuvre au noir" qu'elle a vraiment appréciée. Pour découvrir le monde yourcenarien, je recommande plusieurs conditions : le goût de l'Histoire (La Renaissance en Flandres pour "L'Œuvre au noir"), l'envie d'apprendre, la passion des mots, l'amour de la littérature. Danièle avait découvert "Un homme obscur" et depuis cette rencontre, elle semble ne plus quitter cette grande dame de la littérature française aux œuvres intemporelles. Comme je la comprends ! Dany a beaucoup aimé le roman de Patrick Grainville, "Les Falaises des Fous". L'écrivain entraîne le lecteur dans une sarabande artistique de la fin du XIXe siècle au début du XXe siècle. On rencontre Monet, Manet, Degas, Boudin, Maupassant, Flaubert, Hugo, etc. Il faut donc découvrir cette belle fresque historique et en même temps, une saga familiale et amoureuse. La suite, demain.

lundi 8 octobre 2018

"La chance de leur vie"

Dès la première phrase du livre, "Hector avait une femme.", Agnès Desarthe invite son lecteur(trice) à suivre Hector, professeur universitaire, Sylvie, femme au foyer et Lester, leur adolescent de fils dans leur nouvelle vie en Caroline du nord, Etats-Unis. Cette famille française franchit un grand saut en s'installant en Amérique… Une aventure, un renouveau, une espérance selon les trois personnages du roman. Hector, philosophe et poète, a accepté cette proposition pour conforter sa position au sein de l'université. Sa réputation lui attire la bienveillance très rapprochée de ses collègues femmes américaines. Sylvie cultive avec son flegme habituel l'art de ne rien faire, un art de vivre, basé sur son choix initial : prendre soin de son mari et de son fils. Lester comme beaucoup d'adolescents se cherche et son intégration dans le lycée de la ville va lui donner l'opportunité de se trouver une nouvelle tribu amicale. Ils ont accepté de partir dans cette ville américaine pour fuir une atmosphère pesante, étouffante et triste qui règne à Paris après les attentats de 2015. Rejoindre une société apaisée (C'est le temps d'Obama), leur semble une bonne solution. Lester décide de changer de prénom : il veut qu'on l'appelle Absalom, Absalom en hommage à Faulkner. Hector saisit sa chance pour séduire et il entame une double liaison avec la directrice de son département et avec une jeune professeure. Sylvie prend conscience de la métamorphose maritale mais elle se tait et laisse faire. Elle s'inscrit à un cours de poterie animé par une femme artiste. Lester se transforme en petit gourou d'un groupe d'ados, leur imposant une vision sectaire de la vie. Il veut lutter contre l'influence d'internet et des réseaux et finit par confisquer les téléphones dans son groupe. "La chance de leur vie", Agnès Desarthe évoque ce nouveau départ pour ces trois personnages tout en démythifiant ces changements provoqués par leur vie américaine. Je ne dévoilerai pas la fin du roman, un roman qui se lit d'une traite, tant le style de l'écrivaine sautille avec une allégresse communicative. Le donjuanisme tardif et ridicule d'Hector met la famille en danger.  La crise mystique de Lester fragilise les relations parentales. Sylvie cherche toujours sa voie et la découvre peut-être dans cet atelier de poterie. Chacun chemine à sa façon. Agnès Desarthe manie l'ironie avec une intelligence redoutable et elle nous  rappelle qu'il n'est nul besoin de partir pour changer, la métamorphose peut naître à tous moments de l'existence et dans tous les lieux possibles et imaginables… Un roman français excellent, qui se lit comme un "roman américain", un compliment pour cette écrivaine subtile, profonde et originale. 

samedi 6 octobre 2018

Mykonos, 3

Après ma visite à Délos, un lieu où souffle l'esprit des dieux grecs, j'ai passé ma dernière journée à Chora pour approfondir les charmes cachés de cette petite bourgade cycladique, ville monde comme Fira à Santorin. J'ai donc visité le Musée maritime, le Musée archéologique de Chora, la Maison de Lena et le Musée des Arts populaires. Un matinée muséale très intéressante où paradoxalement, je n'ai rencontré aucun croisiériste ! Bizarre quand même… Pourtant, on apprend énormément dans ces espaces culturels qui conservent la mémoire des Cyclades. Le petit Musée maritime égéen retrace toute l'histoire de la navigation en mer Egée : des radeaux assyriens aux navires marchands du IVe siècle av. J.-C., des maquettes par dizaines, des instruments de bord, des amphores, des photos et des tableaux illustrant cette culture de la mer. Un jardin attenant accueille le dernier étage d'un phare, des stèles de marins disparus. Comme j'adore la mer, j'étais enchantée de traverser ce panorama sans tempête et en toute sérénité. La maison de Lena jouxte le Musée maritime et présente l'intérieur d'une maison grecque du XIXe, habitée par un capitaine et sa femme. Rien de somptueux dans cette habitation austère et simple mais un sentiment de confort et de sécurité dans ces petites pièces sans prétention. J'ai relevé que Lena lisait les Lettres de Madame de Sévigné en français, bonne éducation oblige. J'ai ensuite visité le Musée des Arts populaires, installé dans une vieille demeure d'un capitaine : meubles d'époque, vaisselles, costumes, encadrements sculptés des portes, broderies, objets divers. La maison regorge de souvenirs du XIXe et le sous-sol contient des maquettes de bateau, des filets de pêche, etc. Une caverne remplie de trésors et de poésie. J'ai retrouvé dans le dernier musée de la journée, le musée archéologique, tout ce que j'apprécie dans l'art grec : des vases (encore !) de toute beauté, des statues, des fresques, des objets, des bijoux provenant de toutes les Cyclades. Un beau musée incontournable pour Mykonos et une excellente surprise pour moi. Le soir, j'ai enfin vu l'ile dans sa dimension hivernale : le redoutable vent, le meltemi, a chassé les touristes de tous poils et les ruelles, le port, les chapelles, les moulins s'offraient à mon regard sans obstacles. Le vent redoutable des Cyclades a commencé à souffler et je peux avouer que le mistral n'est qu'un lointain cousin du Meltemi. Eole, le dieu des vents, a voulu me montrer sa puissance… Le lendemain matin, j'ai traversé Chora à six heures du matin, pour me rendre à l'aéroport. Je donne un dernier conseil : pour visiter les belles ruelles de Mykonos, il vaut mieux se lever tôt quand les noctambules commencent à dormir… Et c'est beau Mykonos, sous une lune blafarde ! Cette escapade cycladique a répondu à toutes mes attentes : ciel bleu, mer bleue, sites archéologiques, musées, chapelles, charme et gentillesse des Cycladiens malgré la horde des touristes (dont moi, évidemment). Deux jours après, j'apprenais qu'un cyclone méditerranéen sévissait dans les Cyclades. Les dieux m'ont protégée… 

vendredi 5 octobre 2018

Mykonos, 2

Dès le lundi matin, j'ai pris un bateau pour me rendre à Délos, un îlot à quelques kilomètres de Mykonos. Nous étions nombreux dans ce bateau, peut-être deux cents personnes et ces navettes fonctionnent deux à trois fois par jour. L'île de Délos n'est pas habitée et seuls les bateaux peuvent accoster. Quand j'ai commencé à apercevoir le site antique, j'ai vite compris que je me retrouvais devant un lieu exceptionnel de beauté. Entouré de toutes parts par la mer Egée, aride et inaccessible à cause du vent terrible, le meltemi, ce bout de terre isolé a pourtant porté un des sanctuaires les plus importants du monde méditerranéen. Comme j'aime beaucoup la mythologie grecque, j'ai appris que Délos est considéré comme l'île sacrée d'Apollon, le lieu de sa naissance. Léto, enceinte de Zeus, s'est refugiée sur cette île à peine visible à la surface des flots, pour échapper à la colère de Héra, la femme légitime. Dès le premier millénaire avant J.-C., les Ioniens inaugurèrent des jeux panhelléniques, tous les quatre ans. L'histoire de Délos mériterait des dizaines de textes sur mon blog mais, je ne suis pas une spécialiste pour raconter cette épopée antique et tragique car les guerres ont anéanti la population locale. Il faut pourtant avoir quelques notions historiques pour reconnaître ensuite sur le site les monuments en ruines : l'ancien théâtre, les maisons de Dionysos, des Dauphins, des Masques, du Trident où l'on peut admirer les mosaïques sur le sol, le temple des Syriens, l'agora des Déliens, la vallée des lions, etc. Se promener sous le soleil égéen à travers ses vestiges antiques (sans presque personne) restera un de mes plus beaux souvenirs des Cyclades. J'imaginais les habitants de cette terre sacrée vaquer à leurs nombreuses occupations de la vie quotidienne, imprégnée de rituels sacrés. J'avais l'impression qu'Apollon ou sa sœur Artémis surgiraient devant moi car ils s'étaient cachés derrière  des colonnes. J'ai visité aussi le musée attenant au site : j'ai ainsi admiré les mosaïques murales, des kouroi, les lions (des copies remplacent les vrais), des beaux vases, des objets trouvés sur le site. Classé au patrimoine mondial de l'Unesco, ce site magnifique, (où j'ai senti de très près le souffle de ces Déliens téméraires), a été fouillé depuis 1873 par l'Ecole française d'Archéologie, une fierté pour notre pays de culture. Un rendez-vous essentiel avec la Grèce antique. Quand je suis revenue à Chora, j'avais déjà envie de retourner à Délos, lieu protégé du tourisme de masse, des commerces de Mykonos, de la musique d'ambiance (imaginons que le site soit sonorisé !). J'étais rassurée de voir qu'il existait encore et pour longtemps (je l'espère) des sites sacrés, hors du temps et hors d'atteinte d'une modernité agressive et contestable… 

jeudi 4 octobre 2018

Mykonos, 1

Pour explorer les trois îles choisis, j'ai simplement consacré trois jours pour chacune et je vais donc relater le troisième tiers de mon escapade cycladique : Mykonos. J'ai embarqué dans un ferry rapide à trente minutes de Mykonos avec une bonne heure de retard. Il faut dire qu'en Grèce, tout est aléatoire et surtout les horaires des ferries, des cars, des musées. J'ai préféré tout de suite m'installer à l'arrière du bateau pour ressentir l'effet du voyage au lieu de rester à l'intérieur dans un fauteuil comme la plupart des touristes. Et alors que j'observais le sillage du bateau, j'ai aperçu quelques dauphins sautant et virevoltant dans les vaguelettes, formées par la vitesse du ferry. Cette image n'a duré que vingt secondes mais quel beau moment dans sa fugacité ! Je ne m'attendais pas à voir ces mammifères marins que j'ai vus en images jusque dans les mosaïques antiques… Les Grecs anciens devaient croiser avec leurs barques ces dauphins familiers et aujourd'hui, ce phénomène semble assez rare. Zeus m'envoyait un signe de bienvenu… Arrivée à Mykonos, il est assez difficile de rejoindre la ville principale, Chora. J'ai tout de suite aperçu les mêmes touristes qu'à Santorin car les gros paquebots accostent dans ce port et déversent des milliers de croisiéristes… Sa réputation d'île festive, bruyante, jeune et branchée s'est confirmée au fil des jours. J'ai croisé effectivement quelques couples de très beaux garçons mais j'ai surtout remarqué des touristes du monde entier en couples bien traditionnels et de tous âges. Si je résumais en deux mots Mykonos dans sa dimension de grand comptoir commercial : fric et frime, hélas… Quel dommage que cette île ait choisi par intérêts financiers ce carnaval touristique ! Pourtant, Mykonos ne manque pas de charme et d'attraits avec ses moulins à vent, la petite Venise sur le front de mer, les ruelles pavées, de nombreuses chapelles, mais, les restaurants par dizaines, les boutiques de luxe, la musique d'ambiance polluante, la présence envahissante de groupes organisés atténuent considérablement le charme de Chora. En fin d'après-midi, je n'ai pas résisté à une petite baignade sur la seule plage de la ville. Le soir, j'ai assisté à mon traditionnel rendez-vous sur la terrasse de l'appartement, un coucher de soleil somptueux… Je n'ai pas regretté mon passage à Mykonos car j'avais un rendez-vous très important : découvrir Délos le lundi, un des plus beaux sanctuaires antiques, la Pompéi grecque ! 

mercredi 3 octobre 2018

Naxos, 3

J'ai consacré la deuxième journée en visitant Chora, la ville principale de Naxos. Le matin, une balade dans les ruelles pavées m'a menée vers le Kastro vénitien et plus je montais, plus la vue sur la mer se précise et se dilate : l'air, le ciel, la mer envahissent la pupille d'un bleu profond, sans nuages de gris, et ensuite, le regard embrasse le blanc des maisons. Des touches de rouge apparaissent avec les bougainvilliers qui jaillissent des murets comme des restes de coucher de soleil… J'ai visité le musée archéologique qui présente la deuxième collection des idoles cycladiques après le Musée archéologique d'Athènes. Ces figurines en marbre symbolisent la plupart du temps des formes féminines dans leur nudité, les bras croisés sur le ventre. Les archéologues interprètent ces idoles comme des représentations d'une déesse mère dans la tradition du Néolithique. Certains pensent aussi à des jouets pour enfants ou à des objets votifs. Le mystère demeure sur l'identité et l'utilisation de ces statuettes qui mesurent de huit centimètres à quarante centimètres. On peut aussi observer des figurines de musiciens, un joueur de pipeau et un joueur de harpe. J'aime que ces objets sacrés ou profanes résistent à la rationalité des scientifiques. Les Grecs des Cyclades avaient inventé un objet symbolique en utilisant le marbre des carrières et ce mystère demeure toujours entier… Dans la belle lumière du matin, ce musée de Naxos présentait une bonne centaine d'idoles exposées dans des vitrines en bois et se renvoyaient des reflets comme si elles communiquaient entre elles… Un destin commun les réunit dans cet espace et je me demandais bien quelles mains avaient pu les tenir et les bercer. J'ai retrouvé les poteries de la période mycénienne, les vases géométriques, des fresques funéraires, des statues dans ce musée qui n'a pas changé depuis des années. Une belle surprise dans mon escapade à Naxos. Plus tard, j'ai pris un bus pour me rendre dans une belle plage à dix kilomètres près de Chora. L'eau transparente m'a permis d'apercevoir des petits poissons gris argentés et bleus qui m'accompagnaient dans ma baignade. Quel plaisir de nager dans la mer Egée en fin septembre ! Un plaisir dionysiaque, évidemment. J'ai terminé la journée dans un café merveilleux, le "1739", intégré dans un monastère, transformé en centre culturel de la ville. Ce lieu s'appelle ainsi car cette année-là, l'école fut fondée par les Ursulines pour éduquer les jeunes filles des Cyclades. La terrasse surplombait la baie de Chora  et je savourais mon petit verre de vin blanc du pays en admirant le coucher du soleil, un rite bien sympathique dans les Cyclades.

mardi 2 octobre 2018

Naxos, 2

J'avais choisi Naxos pour son histoire, sa mythologie, ses paysages divers : il ne faut pas oublier que Zeus a passé son enfance dans l'île et Apollon y est né ! J'ai donc loué une petite voiture pour traverser le nord de Chora à Apirathos. Le Routard signalait l'existence singulière de deux statues, des Kouroi, abandonnées dans la montagne. J'ai ainsi découvert le premier Kouros dans un jardin privé après une marche dans un sentier forestier. A Flério, petite bourgade traditionnelle, ce kouros inachevé est étendu dans une petite parcelle de jardin et dort là depuis le VIe siècle av. J.-C. Cette statue d'un jeune homme déifié mesure cinq mètres cinquante et sommeille la tête en bas. Comment est-il arrivé là ? On sait que les carrières de marbre sont proches du lieu et une équipe de Naxiens l'a déposé pour l'éternité dans ce petit jardin isolé. Plus haut dans la montagne, à une demi heure de marche, son frère, un deuxième Kouros, nommé Potamias, attend les quelques visiteurs intrépides pour le saluer fraternellement. Ce Kouros mystérieux d'une longueur de huit mètres repose dans un creux d'une colline, près des oliviers et des brebis. Il fallait ouvrir des barrières pour accéder à ce demi dieu antique pour éviter que les brebis ne s'échappent.  Sous un doux soleil de septembre, dans le silence et la solitude du lieu, j'ai ressenti une liesse inhabituelle en m'imaginant dans cette Grèce antique éternelle. Enfin, ce décor n'avait pas été abimé par le temps et ce Kouros veillait pour conserver ces paysages d'Homère.  Après ma rencontre avec ces deux magnifiques statues abandonnées dans la nature, j'ai visité le village d'Apirathos, au pied du mont Fanari et là aussi j'ai retrouvé une part de la Grèce cycladique : ruelles étroites pavées de marbre, placettes, chapelles, tour vénitienne. Les cafés, fréquentés par des vieux hommes (pas de femmes, patriarcat oblige) avec leur "komboloi", donnaient une touche finale et je pensais au livre de Jacques Lacarrière, "Un été grec" quand l'écrivain décrivait une Grèce des années 60... Je ne pouvais pas manquer le petit musée archéologique du village. Evidemment, cet espace modeste n'a pas changé depuis des années et les objets sont présentés dans les vitrines en bois : vases, statuettes, fresques de l'âge de bronze, outils, poteries à Naxos. L'art cycladique est un des plus anciens du monde méditerranéen (-3000 av. J.-C.) et ce petit musée sans prétention présentait avec simplicité des pièces de premier ordre. Plus tard, j'ai visité un petit site antique, les restes d'un temple dédié à Demeter, dans un paysage magnifique, rythmé par des terrasses d'oliviers. Un musée attenant présentait les objets trouvés dans ce lieu isolé. On ne peut pas comparer ce temple aux plus prestigieux comme ceux de Sicile, d'Italie et de la Grèce continentale. Mais, je ne manquerai en aucun cas un vestige de l'Antiquité, surtout dans les Cyclades… 

lundi 1 octobre 2018

Naxos, 1

Pour rejoindre Naxos, la plus grande et la plus fertile des Cyclades, j'ai pris un ferry gigantesque à plusieurs étages au nouveau port de Santorin, Athinios, où débarquent et embarquent des milliers de touristes. Observer l'arrivée de ces bateaux incroyables est un spectacle permanent. A pied, en voiture, en camion, en moto, en autocar, les touristes, mêlés aux Cycladiens, forment un ballet tourbillonnant, virevoltant et malgré cette foule électrisée, on se retrouve dans un salon circulaire confortable avec une sensation de tangage. Une heure trente plus tard, il faut redescendre dans la cale et quand la porte s'ouvre, chacun se lance sur la terre ferme avec un besoin pressant de dépasser les premiers. Cette cour d'école géante semble correspondre à un rituel de passage. Celui ou celle qui ne vit pas cette expérience sur le sol grec n'a pas goûté la quintessence des déplacements d'île en île. Ce folklore cycladien ou continental (départ du Pirée) m'étonne toujours autant comme un jeu d'enfant. Dès l'arrivée à Chora, la petite capitale de Naxos, j'ai ressenti un adhésion immédiate. Le responsable de l'hôtel nous attendait pour les valises et j'ai découvert le bel emplacement de ma chambre avec vue sur la mer. De la terrasse commune, un panorama unique s'étalait devant mes yeux : la mer, la petite île de Palatia, relié à Chora par une digue, sur laquelle se dresse la célèbre porte antique, la Portara. Ce magnifique portique en marbre du Ve siècle av. J.-C. marque l'entrée d'un temple inachevé, dédié à Apollon. Le premier soir, j'ai respecté la tradition magique du coucher du soleil, tout près de la porte antique et j'imaginais les Naxiens accomplir cette tradition en priant que le soleil revienne le lendemain matin. Des vagues submergeaient la digue et j'ai pris une bonne douche d'eau salée en revenant à l'hôtel. Ce baptême aquatique me permettait d'épouser la culture locale dès mon premier contact avec l'île. Peu fréquentée par les touristes, cette île magique et calme offre un cadre splendide. A Chora, la promenade est fermée aux voitures et le soir, habitants et touristes cohabitent en toute sérénité. Les ruelles étroites et pentues serpentent et conduisent vers le Kastro vénitien du XIIIe siècle : passages voûtés, porches décorés, présence des bougainvilliers, belles demeures en pierre, placettes, chapelles… Le charme cycladique dans toute sa beauté naturelle ! Heureusement, Naxos est encore à l'abri du tourisme de masse : quelle aubaine pour moi pendant les trois jours que j'avais réservés pour visiter ce petit paradis cycladique.