mardi 1 décembre 2015

"A ce stade de la nuit"

Quand j'ai appris la sortie du nouveau texte de Maylis de Kerangal, "A ce stade de la nuit", paru aux éditions Verticales, je me suis précipitée chez Garin pour l'acquérir. Cet opus de 73 pages, dans un format poche, se lit vite mais mériterait une deuxième lecture plus approfondie. Ce récit littéraire ressemble à une longue réflexion poétique et politique sur le problème majeur des migrants fuyant leurs pays dévastés par la guerre. Ils franchissent les frontières pour trouver un havre de paix en Europe. La narratrice entend à la radio le mot "Lampedusa" et ce mot géographique l'entraine dans une rêverie sur Burt Lancaster, l'acteur américain interprétant le comte Don Fabrizio dans "Le Guépard" de Visconti. L'écrivain italien se nommait lui-même Giuseppe Tomasi di Lampedusa. Dans le roman, le comte vieillissant observe la fin de son monde patriarcal et monarchique dans la grande scène du bal dont les images éblouissantes de Visconti restent gravées dans nos mémoires de cinéphile. Pourquoi Maylis de Kerangal utilise-t-elle le cinéma pour illustrer le drame terrible d'un naufrage de migrants en Méditerranée ? Comment un décor aussi magique, la mer, peut-elle se transformer en tombeau ? L'écrivain ne donne pas de réponse mais invite le lecteur à s'interroger sur les mots que nous écoutons parfois dans une indifférence coupable. Le terme Lampedusa n'est pas qu'une île paradisiaque ou un écrivain extraordinaire ayant écrit un chef d'œuvre de la littérature italienne. Cette île porte le malheur du monde où des hommes, des femmes et des enfants veulent l'atteindre pour survivre. Cet ouvrage propose une réflexion politique sur la complexité du monde contemporain. La littérature sert à comprendre la vie et la société dans laquelle nous vivons...