lundi 11 juillet 2022

Sylvie Germain, victime des réseaux sociaux

 Comment choisit-t-on les sujets du bac de français dans le Ministère de l'Education ? Certainement par un groupe de travail, composé de professeurs de français. Ces enseignants avaient un goût certain pour la littérature contemporaine car ils et elles ont présenté un texte de Sylvie Germain, une écrivaine française singulière. Cette sélection opportune et légitime a provoqué des conséquences inattendues et révélatrices d'une certaine confusion mentale dans une partie de notre public lycéen. Ce texte extrait d'un roman, "Jours de colère" publié en 1989 chez Gallimard avait obtenu le prix Femina. Certains lycéens ont buté sur le vocabulaire trop complexe et sur la trame romanesque trop embrouillée. Ils ont réagi sur leur compte Instagram ou autre en insultant carrément Sylvie Germain. J'imagine l'ébahissement de l'autrice qui reçu une quantité astronomique d'insultes sur les réseaux sociaux à la fin de l'épreuve. Heureusement, la presse écrite et certains médias audiovisuels ont relayé cette lamentable affaire qui, malgré tout, révèle un niveau scolaire insuffisant pour une partie des lycéens. Comment peut-on attaquer, insulter, vilipender un écrivain ? Quelle est cette nouvelle lubie de se plaindre sans cesse quand une difficulté surgit dans leur univers formaté par les nouvelles technologies ? La lecture vit une crise sans précèdent auprès de nos jeunes qui lisent de moins en moins. Evidemment, ces lycéens sont paradoxalement intelligents car ils manient cent fois mieux Twitter et le cyberharcèlement que la beauté de la langue française. Comment ressentir la vibration littéraire ? Sylvie Germain souligne ce symptôme de la pauvreté du vocabulaire (les candidats ne connaissaient pas le sens de "séculaire", de "venelle", par exemple). Elle déclare dans le Figaro : "C'est grave que des élèves qui arrivent vers la fin de leur scolarité puissent montrer autant d'immaturité, et de haine de la langue, de l'effort de réflexion autant que d'imagination, et également si peu de curiosité, d'ouverture d'esprit". Elle ajoute aussi : "Tout écrit un peu élaboré leur est un défi, un outrage". Elle ressent un sentiment de "désolation devant tant d'aveuglement et d'absence de remise en cause". Enseigne-t-on encore la littérature au collège et au lycée ? J'en doute après cet épisode malheureux. Sylvie Germain a reçu aussi beaucoup de soutien et de réconfort de la part de son lectorat, fidèle et passionné. Son œuvre ambitieuse, forte et originale compte une quarantaine de romans et offre un univers étrange, souvent sombre, mêlant Histoire et Fantastique, se référant à la Bible et à l'art. Ces lycéens mal lunés et cultivant l'arrogance de leur inculture ont au moins donné l'occasion de redécouvrir Sylvie Germain qui vient de publier un nouveau roman, "La puissance des ombres" chez Albin Michel. Cet été, lisons un roman de Sylvie Germain comme un geste de réparation et d'hommage à une littérature ambitieuse.