jeudi 21 février 2019

"Manifesto"

Leonor de Récondo vient de publier son dernier opus, "Manifesto" aux Editions Sabine Wespieser. Chaque roman de cette écrivaine française se lit avec un plaisir évident. "Pietra viva" évoque le talent génial de Michel Ange, "Amours", l'homosexualité féminine, "Point cardinal", le transexualisme. Tous ces sujets sensibles se retrouvent dans ces textes avec un point de vue singulier et poétique. Dans "Manifesto", elle offre à ses lecteurs(trices) un récit autobiographique sur la mort de son père qui vit ses dernières heures dans une chambre d'hôpital où il est plongé dans un coma profond. La narratrice et sa mère accompagnent Felix, peintre et sculpteur. Le récit se déroule en deux temps : le présent dans cet hôpital et le rêve du mourant, un rêve fiction qui permet à Felix de rejoindre Ernest Hemingway pour lui raconter son enfance, la guerre civile en Espagne, son exil à Hendaye. L'écrivain américain se met aussi à se souvenir de ses voyages à Pampelune, de ses amours et de sa passion de l'Espagne. La narratrice évoque aussi la disparition tragique de sa fratrie, deux frères et une sœur partis dans leur jeunesse à cause de la drogue pour deux d'entre eux. Le père aura donc connu le malheur de perdre ses propres enfants. La petite Leonor plonge aussi dans son enfance quand elle a découvert le violon, l'instrument qui fera d'elle une excellente musicienne. Dans un chapitre où elle se remémore sa mère chantant dans la nuit, elle écrit : "L'art se lie à la nature, à l'amour, à l'enfance il s'y mêle parfois à s'y méprendre". En violoniste confirmée, l'écrivaine exécute une partition familiale, une élégie d'amour à son père et aux siens. La tonalité du texte s'appuie sur des notes graves parmi des notes plus légères. Sa sensibilité à fleur de peau donne au récit une poésie indéniable. Avant la mort de son père, elle réinvente sa vie en introduisant son amitié avec Hemingway et montre avec une infinie délicatesse les chagrins de cet homme, sculpteur de métier et de sa vie. J'ai retrouvé le charme subtil qui se dégage de tous ses romans et une fois ces pages refermées, la musique verbale de Leonor de Recondo se rejoue dans nos rêves, peut-être…