mercredi 10 juillet 2019

"Les certitudes du doute"

J'ai déjà évoqué l'écrivaine sicilienne, Goliarda Sapienza (1924-1996). J'ai toujours gardé dans ma mémoire un très grand bonheur de lecture en lisant son grand roman emblématique posthume, "L'art de la joie", publié en 2005. En 2018, sa maison d'édition a édité ses "Carnets" inédits et grâce à cette publication, les lecteurs(trices) de cette écrivaine singulière ont retrouvé avec plaisir le style inimitable et les histoires quelque peu rocambolesques  de son univers romanesque. Quand on pénètre dans un de ses livres, on éprouve une sensation de familiarité, de proximité comme si une amie nous confiait des secrets. Goliarda Sapienza appartient à la catégorie des écrivains intimistes et à travers les personnages qu'elle décrit, elle fait chanter l'immense charme de l'Italie, des Italiens et de la Sicile en particulier. J'ai lu récemment "L'université de Rebibbia" où elle racontait avec son style vivant, parsemé de dialogues, son séjour en prison, une prison qu'elle compare à une université de la vie. Après un vol de bijoux chez une amie, son séjour carcéral l'a marquée à tout  jamais. Elle évoquait l'ambiance de la prison, les relations troublantes entre les détenues et malgré tout, la solidarité entre elles. Pour certaines femmes, la prison représentait un lieu protégé de la violence des hommes dans leur milieu social. La suite de ce récit, "Les Certitudes du doute", est le dernier tome du cycle autobiographique qu'elle intitule "Autobiographie des contradictions". L'écrivaine se trouve à Rome dans les années 80. Elle rencontre par hasard une ancienne co-détenue de la prison de Rebibbia. Roberta, une militante d'extrême gauche, proche des Brigades rouges, est tombée dans la drogue. Cette fille, qui a passé la moitié de sa vie en prison, considère Goliarda comme une mère car elle est plus âgée qu'elle. Elle entraîne l'écrivaine dans un milieu qu'elle n'a jamais côtoyé et dans lequel, elle trouve vite ses marques. Sa fascination pour Roberta lui donne l'illusion de retrouver le climat affectif qui les liait dans la prison de Rome. Elle veut sauver la jeune femme de la drogue et de la délinquance. Mais, ce projet n'aboutit pas. Roberta s'était trop fourvoyée dans une vie difficile. Les rues de Rome et la vie marginale très bien décrite donne un aspect théâtral au récit. La personnalité généreuse et un peu naïve de l'écrivaine se devine à travers toutes les lignes. La société n'est pas toujours ouverte et manque de bienveillance pour des êtres plus fragiles. Mais, le message le plus important de Goliarda Sapienza réside dans sa volonté farouche d'être une femme rebelle et libre.