vendredi 30 mars 2012

Romans ou récits ?

J'ai intitulé mon billet "romans ou récits" car j'ai lu cette semaine deux livres très différents mais l'un est écrit par une femme, Michèle Gazier, "L'homme à la canne grise" et l'autre par Nicolas Fargues, "La ligne de courtoisie". J'apprécie la prose classique et sage de Michèle Gazier qui puise son inspiration dans l'histoire de sa famille, d'origine espagnole et son univers romanesque ressemble joliment à un ouvrage de dames, une broderie ancienne. Ce livre est un hommage à son père franco-catalan qui vient de mourir. Elle raconte avec beaucoup d'amour et de délicatesse la fin de vie de son père dans une maison de retraite et par bribes, elle confie une part de son secret sur sa participation à la Guerre d'Espagne. Cet événement tragique pourtant hors du commun restera une énigme pour la famille et son père se taira longtemps et ne livrera pas sa vérité de combattant républicain. Sa cécité assombrira sa fin de vie mais l'affection de sa famille (dont l'auteur) atténuera cette souffrance particulière. Un beau récit émouvant et un hommage tout en douceur... Le second livre ressemble à un récit autobiographique d'un écrivain, Nicolas Fargues. Il ne se passe pas grand chose dans ce roman mais j'aime ce ton ironique, ce style décalé. J'ai relevé des phrases qui m'ont fait sourire... Le narrateur-écrivain évoque son fils : "Soyons tout à fait franc : avec sa suffisance obtuse, avec pour unique source de culture générale et d'information le portail généraliste de son fournisseur d'accès à internet et les couvertures des gratuits du métro, avec son vocabulaire de bande-annonce commerciale pour compilation des tubes de l'été et sa prédilection écrasante pour le prêt-à-porter cintré et les téléphones intelligents, il incarnait un archétype assez convaincant du petit con d'époque". Plus loin, il décrit toujours son fils avec qui il ne communique plus : "Stanley appartenait structurellement à cette classe d'individus que la présence d'autrui ne rend pas plus polis, ni plus prévenants que s'ils étaient tout seuls. Ou, formulé un peu différemment, à l'espèce de ceux qui ne s'aventurent jamais à manifester la moindre attention aux autres si ce n'est dans leur propre intérêt, ou bien au seul motif de finir par leur fourguer leur petite propagande personnelle, soit, convenons-en, à peu près tout le monde". Nicolas Fargues possède un talent certain pour décrire les relations familiales et sociales souvent en pleine décomposition. Il part en Inde pour se changer les idées mais là-bas, il ne trouvera pas la sérénité et continuera à vivre une existence hasardeuse avec une ironie et un détachement libérateurs. Sa "ligne de courtoisie" est un mode d'emploi pour se supporter les uns, les autres.