jeudi 12 janvier 2023

"Pierre et Jean", Guy de Maupassant

 Sur ma liste bibliographique du mois de janvier concernant l'Atelier Littérature, j'ai intégré un Maupassant, "Pierre et Jean", publié en 1887. Cela fait des années que je n'ai pas lu cet écrivain naturaliste et j'ai lu avec un grand plaisir ce texte qui n'a pas pris une ride. Les Roland, une famille du Havre, vont vivre une crise sans précédent alors qu'ils menaient une vie oisive et bien tranquille. Monsieur Roland, retraité et ancien bijoutier, s'est installé au Havre par amour de la mer. Le couple a donné naissance à deux garçons bien différents : l'un, Jean, très pondéré, a fait des études de droit et l'autre, Pierre, plus instable a terminé ses études médicales. Un jour, alors que la famille est réunie, un notaire les informe qu'un ami, perdu de vue, laisse tout son héritage à Jean. Cette nouvelle fracassante va rompre les liens entre les deux frères. Pierre découvre peu à peu le lien qui unissait sa mère à cet ami de la famille. Un secret familial se dévoile car sa mère a une liaison avec cet homme de passage. La rivalité entre les deux frères finit par éclater. D'autant plus que Jean, le préféré de sa mère, va se marier avec une veuve, Madame Rosémilly. Pierre est dévasté par cette découverte : "Il avait mal quelque part, sans savoir où ; il portait en lui un petit point douloureux, une de ces presque insensibles meurtrissures dont on ne trouve pas la place, mais qui gênent, fatiguent, attristent, irritent, une souffrance inconnue et légère, quelque chose comme une graine de chagrin". Lors d'une violente dispute fraternelle, Pierre lui révèle la raison de cet héritage : son frère est bien le fils de l'amant de sa mère. Jean ne rejette pas sa mère et prend même son parti. Pierre, fou de rage et de jalousie, renie sa mère et s'embarque comme médecin sur le transatlantique Le Lorraine. Le père n'apprendra jamais l'adultère de son épouse. Ce roman appartient donc au naturalisme par les sujets traités : l'hérédité, la petite bourgeoisie, les problèmes financiers. Guy de Maupassant dénonce aussi l'illusion familiale bâtie sur un mensonge, l'hypocrisie sociale, le rôle corrupteur de l'argent. Pierre est habité par le sentiment destructeur de la jalousie. Jean, le seul personnage positif du roman, ne juge pas sa mère et pense à son propre bonheur. J'étais assez captivée par l'intrigue, cet héritage imprévu et par la rivalité de ces deux frères, si dissemblables. Lire aussi un texte de la fin du XIXe siècle apporte un éclairage rassurant sur la beauté de la langue française. Evidemment, de nos jours, ce secret de famille n'aurait aucune importance mais, à l'époque de Maupassant, l'adultère et la "bâtardise" étaient jugés scandaleux. Lire ce roman m'a donné envie de poursuivre ma lecture des classiques.