lundi 29 avril 2019

Rubrique cinéma

Je conseille vivement le dernier film d'André Téchiné, "L'Adieu à la nuit", d'une actualité brûlante sur une jeunesse en proie à la dérive mortifère de l'islam radical. Muriel, interprétée par Catherine Deneuve, dirige un centre équestre. Elle reçoit pour quelques jours son petit-fils, Alex, qui a décidé de s'installer au Canada avec sa compagne Lila, aide-soignante dans une maison de retraite. Alex s'est converti à l'islam rigoriste et sa grand-mère le surprend dans la position de la prière. Effarée par cet événement, elle cherche à comprendre ce changement radical. Dans les dialogues avec ce petit-fils très perturbé, on apprend la mort accidentelle de sa mère alors qu'il était enfant, événement essentiel pour comprendre sa métamorphose. Le jeune homme s'est mis en tête de rejoindre la Syrie pour combattre dans les rangs de Daech. Un jeune iman, Bilal, va les prendre en charge pour les conduire là-bas en passant par Barcelone jusqu'à Istanbul. Pour partir, il faut réunir une somme rondelette pour payer le transfert. Il vole le chéquier de sa grand-mère pour son départ sans éprouver de scrupules car elle est impie lui dit Lila. Leur fanatisme religieux les aveugle et ils perdent tous les repères de la vie normale. Lui rêve d'une nouvelle vie héroïque et elle de se mettre au service des hommes comme des esclaves consentantes. Entre Muriel et Alex, un gouffre d'incompréhension s'installe et se creuse de jour en jour. Elle finit par comprendre le projet morbide et définitif de son petit-fils en découvrant le vol des chèques. Elle l'attire dans l'écurie et l'enferme pour le couper de son milieu radicalisé. Les scènes avec ces jeunes radicalisés montrent cette folie d'une religion dévoyée à des fins meurtrières. Le réalisateur filme cette mouvance djihadiste avec un réalisme sans caricaturer ces jeunes. Alex et à Lila sont convaincus de leur idéal d'une vie pure, spirituelle, totalisante. Muriel fait appel à un jeune homme repenti pour convaincre son petit-fils d'abandonner ce projet délirant. Mais, Alex réagit très mal et assomme le jeune homme avec une pelle. Il s'enfuit et retrouve Lila qui vont prendre un car pour Barcelone mais la police les arrête à la frontière. Muriel est dévastée par la radicalisation de son petit-fils et elle imagine qu'il ne changera jamais. Le jeune repenti lui conseille de ne pas abandonner Alex malgré sa conduite insensée. Pour Alex, c'est peut-être sa dernière chance. Le film se termine par cet espoir… Un très bon film, sur les relations familiales, sur la dérive d'un jeune homme, sur le fanatisme religieux… 

vendredi 26 avril 2019

Jean Rouaud, 3

Je consacre encore un billet sur Jean Rouaud et son autobiographie, "La vie poétique" qui comportera sept titres. Il a composé le premier volet, "Comment gagner sa vie honnêtement" en 2011 chez Gallimard. Puis, "Une façon de chanter" en 2012, "Un peu la guerre" en 2014, "Etre un écrivain" en 2015 et "Kiosque" en 2019. Le narrateur se met donc en scène dans ces différents ouvrages et on retrouve avec un plaisir immense le petit monde de sa famille. J'ai lu les trois premiers tomes et le dernier et chaque fois, j'ai savouré tous les souvenirs hétéroclites de l'auteur, j'ai retrouvé l'atmosphère de sa (et de ma) jeunesse, le poids de la société, l'angoisse de l'avenir et les promesses d'une vie meilleure. Jean Rouaud écrit : "Une vie poétique ? Disons une vie dont la poésie est le guide-fil. On embarque avec un héritage (des valeurs pieuses, un père mort, une enfance pluvieuse), avec un désir d'écriture, un rêve d'amour, et puis, son maigre bagage sur le dos, on traverse un territoire marqué par des événements, ici l'onde de choc de Mai 68". L'écrivain évoque sa jeunesse avec ses petits boulots pour survivre, loin de l'insouciance de son âge. Il cherche à comprendre aussi sa vocation d'écrivain au fil des pages, une véritable interrogation qui l'obsède. Dans le deuxième volet, "Une façon de chanter", Jean Rouaud revient sur sa passion de la musique, des chansons, de la guitare, du piano. Il égrène des souvenirs de sa jeunesse vagabonde et le récit fourmille de sensations, d'impressions, de sons, d'odeurs. On retrouve son style "proustien" façonné avec des phrases longues, avec un vocabulaire riche et vivant décrivant le réel avec une acuité remarquable. Dans son troisième tome, "Un peu la guerre",  il évoque sa démarche d'écrivain : "Quand tout a été inventorié de l'espace, le temps devient le nouveau blanc à cartographier". Plus loin, il retrace son propre univers littéraire, ses découvertes, ses influences. Il revient sans cesse sur la matrice de son écriture : "Plusieurs années durant, je me suis appliqué à composer le blason de mes disparus, à écrire la légende dorée de mes vaillants. Faisant ainsi de moi le dernier des derniers survivants morts pour la France". Dans son dernier tome paru en début d'année, "Kiosque", l'écrivain raconte son expérience de kiosquier à Paris dans les années 80. Une galerie de clients fréquente ce kiosque, un véritable monde en soi. Jean Rouaud avait pris des notes dans un carnet et il nous fait revivre ces rencontres quand Paris accueillait les réfugiés venus d'Asie, du Liban, de Turquie, d'Afrique et du monde entier. Cette superbe galerie d'écorchés vifs, de révolutionnaires, de rêveurs, d'exilés forme un microcosme vivifiant et surtout représente un moment non négligeable de notre Histoire française. Jean Rouaud ou l'archéologue de sa famille, de son "moi", de notre "nous"... Un écrivain majeur de notre patrimoine littéraire. Les lectrices ont aussi lu deux romans : "La femme promise" et "L'imitation du bonheur"... Je reviendrai plus tard sur la fibre romanesque de Jean Rouaud. 

jeudi 25 avril 2019

Jean Rouaud, 2

Pour rendre compte des lectures de Jean Rouaud, je commencerai par son premier récit, publié en 1990 : "Les Champs d'honneur". Plusieurs lectrices ont beaucoup aimé ce livre qui symbolise la porte d'entrée de sa planète littéraire. La saga familiale de l'auteur démarre avec ce titre et se poursuit avec "Des hommes illustres" sur son père, "Le monde à peu prés" sur la mort de son père et "Pour vos cadeaux" sur sa mère. Jean Rouaud raconte l'histoire d'une famille nantaise, juste après la guerre. Trois membres de cette famille française meurent à de courts intervalles : le père du narrateur, Joseph, sa tante dévote, Marie et le grand-père maternel, Alphonse. Ce récit mémoriel rappelle l'existence de ces "gens de peu" comme le philosophe Pierre Sansot qualifiait les gens simples. L'écrivain creuse le passé avec ses mots et ses phrases en recréant l'ambiance qui régnait au sein des familles dans ces années-là. Les objets du quotidien déclenchent une symphonie d'images, de sensations, d'odeurs. Ainsi, apparaissent au fil du texte les cigarettes du grand-père, fumeur invétéré, sa voiture mythique, une "Deux-Chevaux", son char de balade, ("on descendait verdâtre comme d'un train fantôme"). Et puis nos yeux tombent sur cette phrase de Jean Rouaud : "C'est en subissant la loi de tels petits faits obtus que l'enfance bascule, morceau par morceau, dans la lente décomposition du vivant". L'auteur exploite les descriptions physiques des personnages et leurs manies, décryptées au scalpel, apportent une touche d'humour irrésistible. Il consacre un chapitre à la pluie, une prouesse stylistique qui laisse le lecteur admiratif. Il termine son texte ainsi : "D'ailleurs, le temps de reprendre son souffle et le ciel a retrouvée son humeur bleutée". Les lieux prennent aussi une importance romanesque comme le grenier où le grand-père se refugie pour fuir sa prison familiale… La fugue secrète d'Alphonse à la fin de sa vie termine le premier chapitre. Le chapitre suivant évoque sa tante Marie, une catholique fervente qui vivait prés de chez eux. Sa vie de quasi religieuse s'explique par la perte de son frère tant aimé, mort à vingt ans dans la Première Guerre Mondiale. Il écrit : "Cette longue et secrète retenue de chagrin, ce sang ravalé comme on ravale ses larmes, et par cette mort sa vie à jamais déréglée". Le récit prend alors une tournure épique quand il remet en mémoire la mort de Joseph, le frère de Marie. L'enchevêtrement de toutes ces histoires peuvent déconcerter le lecteur(trice) mais il suffit de se laisser porté par cette prose magnifique, par son empathie viscérale pour ses ancêtres, par son travail d'archéologue des vies disparues dans l'abîme du temps. Il faut lire et relire "Les Champs d'honneur",  un récit merveilleux et profond, une saga familiale inoubliable.

mercredi 24 avril 2019

Jean Rouaud, 1

J'ai proposé pour l'atelier Lectures d'avril l'écrivain français, Jean Rouaud. Je connaissais cet écrivain depuis les années 90 mais je l'ai redécouvert récemment grâce au blog de Pierre Assouline, "La République des livres". Il lui a consacré un billet brillant et j'ai eu l'envie de le lire et de le relire. Avant d'évoquer son œuvre littéraire, quelques bribes sur sa biographie. Né à Campbon en Loire-Atlantique en 1952, il commence à écrire très jeune et compose quelques chansons à la guitare pendant son adolescence. Après une maîtrise de lettres à Nantes, il rejoint la rédaction de Presse-Océan, s'installe à Paris pour travailler dans une librairie de livres d'art proche de Beaubourg. Il tient ensuite un kiosque à journaux, rue de Flandres dans le 19e arrondissement. Jean Rouaud crée un évènement littéraire en obtenant le prix Goncourt pour "Les champs d'honneur" en 1990. Il est rare de remporter ce prix pour un premier roman. Jérôme Lindon, l'emblématique éditeur des Editions de Minuit, avait détecté le talent inouï de Jean Rouaud. Un demi-million d'exemplaires s'est vendu en moins de quatre mois. Ce récit d'une famille se poursuivra en une trilogie avec "Des hommes illustres" et "Le monde à peu près". Parallèlement à la publication d'une trentaine d'ouvrages, il compose des chansons, des scénarios, participe à des documentaires. Il aime aussi écrire dans la presse française (Libération, l'Humanité) et étrangère. Il se passionne pour la Préhistoire ("Le Paléo-Circus") et organise des rencontres avec des historiens. Il a entamé une vaste autobiographie littéraire, intitulée "La vie poétique" dont le cinquième tome vient de paraître, "Kiosque". Pour suivre cet auteur, l'un des plus importants d'aujourd'hui, il faut le retrouver sur son site internet : Jeanrouaud.com. Les amies lectrices ont pour la plupart d'entre elles beaucoup apprécié les ouvrages de cet écrivain éclectique mais aussi obstiné pour remonter son temps familial, un Proust des classes moyennes dans une France du XXe siècle, une France provinciale, conviviale, simple et courageuse. Un monde disparu, englouti dans la modernité irrésistible. Lire Rouaud, c'est retrouver notre enfance, nos années adolescentes, notre jeunesse agité (Mai 68) et nos années de maturité. Les parents et les grands-parents de l'écrivain forment la matrice de ses premiers livres et sa famille ressemble à toutes les familles françaises… Je reviendrai sur quelques titres lus dans l'Atelier. 

mardi 23 avril 2019

Le Bookstore à Biarritz

Quand je vais à Biarritz, je ne manque jamais un rendez-vous incontournable : la librairie Bookstore, située près de la prestigieuse place Clémenceau. Elle a pris la place de la boutique de Mademoiselle Chanel. Sa façade british d'un vert océan orageux attire le regard. Fondée en 1970, la librairie va bientôt devenir quinquagénaire et elle se porte à merveille. Quand je vivais à Bayonne, cette librairie me servait de modèle car j'ai ouvert la mienne en 1976 à côté du Musée basque. Les vacanciers arpentent la montée de la grande plage en longeant le Casino et tombe nez à nez sur la librairie. Quand on pénètre à l'intérieur, la caisse possède un air de vieux cinéma d'avant. Les livres envahissent l'espace comme des vagues de papier et on se sent bien dans ce lieu magique qui ressemble à un vieux cabinet de lecture anglais avec son mobilier vintage en bois noir et ses murs vert bouteille. Un charme fou règne dans la librairie. L'esprit du lieu me ravit à chaque visite. Ce samedi d'avril, j'avais envie d'acheter tout le stock. Au premier étage, un canapé en cuir permet des feuilletages des nouveautés disposées sur la rampe de l'escalier. J'ai toujours constaté la qualité des livres proposés par les libraires. Car la boutique biarrote a rencontré des difficultés financières en 2011 et les deux employées, Inès et Kristel, ont repris l'affaire avec succès. Le sous-sol accueille les collections en format de poche. En cette matinée lumineuse d'avril, je suis donc entrée dans cet antre digne du Capitaine Nemo dans son Nautilus. J'aime m'assoir sur le canapé et contempler les rayonnages riches de surprises. Ainsi, j'ai succombé au petit opuscule de Stig Dagerman au titre fulgurant, "Notre besoin de consolation est impossible à rassasier", publié en 1952. Puis, j'ai déniché un ouvrage de Nuccio Ordine, "Les hommes ne sont pas des îles. Comment les classiques nous aident à vivre". Ce manuel du savoir lire va certainement combler tous les amoureux de la littérature et des livres. J'ai aussi emporté dans ma besace un roman de Jean-Marie Laclavetine, "Une amie de la famille", un récit émouvant sur la perte de sa sœur à l'âge de vingt ans, disparue dans les vagues de la Chambre d'amour à Anglet. La libraire m'a offert un beau marque-page et dans la pochette en papier, estampillée Bookstore, cette citation m'a fait sourire : "Lire peut provoquer du plaisir"... Un beau moment dans ce séjour sur la Côte basque. 

mercredi 17 avril 2019

Notre Dame de Paris, un symbole

Lundi 15 avril, j'attendais l'allocution de notre Président comme beaucoup de citoyens. Les flammes de Notre Dame de Paris ont remplacé le show politique. Quel choc ! Quelle sidération ! Je regardais avec effarement l'immense incendie qui flambait dans le ciel de Paris. Comme j'ai vécu deux ans dans la capitale, il m'arrivait de côtoyer la cathédrale en passant dans le quartier et je l'avais visitée à plusieurs occasions. Dans les années 80, le phénomène touristique n'était pas aussi intensif, et on entrait dans ce lieu sans faire la queue. J'ai pensé à toutes les cathédrales que j'avais vues en Toscane et j'ai toujours aimé pénétrer dans ces lieux sacrés, spirituels pour leur beauté et leur silence. Le patrimoine semble bien fragile et on connaît les ravages des guerres sur les édifices religieux. Les questions vont vite surgir pour comprendre les causes de l'incendie : maladresse, négligence, inconscience, incompétence, court circuit électrique, un mégot, etc. Le fait est là car les ravages de l'incendie sont irrémédiables : flèche tombée, toit effondré, dégâts des eaux et perte d'œuvres d'art. Les pompiers, hommes remarquables,  ont sauvé le Trésor (la tunique de Saint Louis, entre autres). Le bâtiment est resté debout et même fragilisé, il est encore là. Ces images d'enfer dantesque ont frappé les esprits. J'ai pensé à l'effondrement des tours de New York, à la destruction de Palmyre par les fous d'Allah. Une mauvaise série de fin du monde dans un Paris bousculé depuis des mois. Cette catastrophe patrimoniale symbolise pour certains la décadence d'un monde fatigué, d'une planète abimée et surexploitée. Tout est fragile, tout est précaire. 800 ans d'Histoire se sont évaporés en fumée blanche ce soir là. L'émotion peut étreindre les chrétiens, les amoureux de l'art, tous les citoyens. Le mot Patrimoine n'est pas un mot vain quand on assiste à sa disparition. Un évêque évoquait Notre Dame de Paris comme "un clocher de village, un clocher du monde"... Beaucoup de responsables politiques, de France et de l'étranger se sont émus de ce cataclysme patrimonial. Pourvu que cet accident imbécile devienne une prise de conscience pour protéger nos traces, nos vestiges, nos chefs d'œuvre, notre identité culturelle, notre passé commun de l'humanité… Le passé nous fait tenir debout, il est grand temps de le reconnaître. Le pays est chagriné dans l'épreuve mais notre Président, toujours optimiste, va faire renaître ce symbole de pierre. On verra d'ici cinq ans… 

mardi 16 avril 2019

Atelier Lectures, 2

Régine a présenté  quatre romans qu'elle a appréciés et ils sont sélectionnés dans le Festival du Premier Roman qui se tiendra à la fin du mois de mai. Si on veut assister à quelques séances de signature, il est préférable d'en lire quelques uns. Régine nous propose "La petite fille sur la Banquise" d'Adélaïde Bon. Violée à l'âge de neuf ans dans le hall de son immeuble, la petite fille grandit dans le déni jusqu'à l'âge de 23 ans. La police l'appelle pour lui annoncer l'arrestation du violeur. Les années de souffrance et de solitude à se battre contre ses méduses vont peut-être cesser. Le Festival a aussi invité Pauline Delabroy-Allard pour son roman d'amour, "ça raconte Sarah", une histoire haletante de passion entre deux femmes. Ce roman a conquis un vaste public depuis la rentrée littéraire. Régine a aussi mentionné "Une vie minuscule" de Philippe Krhajac qui parle de l'enfance abandonnée, de la recherche d'une mère. Un récit sensible et émouvant. Elle a aussi choisi Aurélia Razimbaud pour "Une vie de pierres chaudes", un texte sur l'Algérie avant et après l'Indépendance. Véronique a lu "Joseph" de Marie-Hélène Lafon. Cette histoire d'un paysan solitaire dans une ferme isolée l'a touchée. Sylvie a un coup de foudre irrépressible pour un roman qui l'a enthousiasmée. Il s'agit d'un livre, accompagné d'un CD de chansons qui raconte l'histoire d'un lot de 250 photos achetés sur Internet. Sur ces photos, figuraient des inconnus et l'écrivaine va imaginer leurs vies. Puis, elle part à leur recherche pour savoir ce qu'ils sont devenus. Ce roman enquête d'une originalité indéniable est à découvrir. Danièle a présenté "La plus précieuse des marchandises. Un conte" de Jean-Claude Grunberg. Ce magnifique récit traite de la Shoah sous la forme inattendue d'un conte. Une piqûre de rappel salutaire dans ce monde amnésique où le pire peut encore advenir. Voila pour les coups de cœur du mois d'avril, de futures lectures pour l'été à venir. Plus tard, je consacrerai quelques billets à Jean Rouaud, un écrivain très attachant et que les amies lectrices ont beaucoup apprécié. 

lundi 15 avril 2019

Atelier Lectures, 1

L'Atelier Lectures du mardi 9 avril a réuni une bonne dizaine de participantes, toujours aussi motivées par la lecture et les livres. Les coups de cœur ont démarré avec Agnès qui nous a parlé du premier roman d'Estelle-Sarah-Bulle, "Là où les chiens aboient par la queue". Cette saga familiale nous vient de la Guadeloupe depuis les années 40 où les tantes et le père de la narratrice ont passé leur enfance dans un petit village pauvre. Ce récit vif et généreux utilise un langage teinté de créole et raconte aussi l'exil des petits enfants à la métropole dans une grisaille, loin du soleil des tropiques. Agnès a beaucoup appris sur l'histoire de l'île et de ses habitants. Mylène a présenté un ouvrage de Marie-Hélène Lafon, invitée à la librairie Garin en mars. Cette écrivaine singulière, originaire du Cantal, évoque ces terres volcaniques : "Ces lieux façonnent des gens un peu verticaux, austères et tenaces… Ce Nord du Cantal est fondateur ; et le sauvage n'est jamais loin ; il palpite sous l'écorce des choses". Il est temps de découvrir l'écriture et le monde de Marie-Hélène Lafon. Elle sera au programme de l'année prochaine dans l'Atelier… Janine a choisi le dernier roman de Delphine de Vigan, "Gratitudes". Michka, une pensionnaire d'une EHPAD perd peu à peu la parole. Auprès d'elle, Marie, une jeune femme dont elle est très proche et Jérôme, orthophoniste chargé de la suivre l'aident pour faire face à la maladie. Ce roman rencontre déjà un grand succès car il parle de sollicitude, de bienveillance, de gratitude, qualités qui semblent déserter notre société contemporaine. Janelou a émis un doute sur ce type d'ouvrages, utilisant la fibre des bons sentiments. Chacune doit le lire pour se faire une opinion. Janelou a beaucoup apprécié le dernier Lionel Duroy, "Eugenia". Dans les années 30, une jeune étudiante romaine tombe amoureuse d'un romancier d'origine juive. Elle prend conscience de la vague antisémite qui gangrène son pays et sa propre famille. Ce très bon roman brosse le portrait d'une femme dont le courage est un exemple à suivre. Annette a présenté le magnifique roman, "L'art de la Joie", de Goliarda Sapienza, une écrivaine sicilienne peu connue du grand public. Pourtant, elle me fait penser à Elsa Morante : même empathie chaleureuse, même milieu social, même monde attachant. Dans ce livre magistral, l'écrivaine raconte l'histoire de Modesta, née en 1900 sur les pentes de l'Etna. De son enfance misérable et chaotique à son héritage d'une famille de nobles siciliens, Modesta traverse la vie comme une vraie tornade qui dévaste tout sur son passage. J'ai lu ce roman en 2005 quand il a été traduit en français. L'écrivaine l'avait composé dans les années 60 et 70 et l'ouvrage est considéré comme une œuvre majeure de la littérature italienne. A lire cet été à l'ombre… (La suite, demain)

dimanche 14 avril 2019

Escapade en Toscane, 7

Le dernier jour de notre escapade en Toscane s'est passé sous la pluie, mais, j'avais prévu des visites dans les musées de la ville. Dès 10h du matin, je me suis dirigée vers le Musée national de la Villa Guinigui et je l'ai trouvé fermé. Personne à l'horizon, le désert complet. J'ai sonné à la grille d'entrée. Au bout de cinq minutes, une jeune femme est arrivée en nous rappelant les horaires aléatoires du musée en hors saison. J'étais tellement déçue que l'employé du musée a eu pitié de nous et elle a changé d'avis. Elle nous a dit de rentrer et de visiter le musée.  Le palais, construit en 1400, abrite des œuvres d'art illustrant la vie à Lucques du VIIIe jusqu'au XVIIIe. Dans la salle consacrée à l'Antiquité, des urnes funéraires étrusques retrouvées à Lucques s'offrent à nos yeux émerveillés. Un pavement romain exceptionnel, "Triton et nymphe" (IIe siècle ap. J.-C.), des vases grecs à figures rouges, d'autres objets complètent la collection. Le Haut Moyen Age est bien représenté avec des éléments architecturaux des églises, des statues religieuses et des tableaux. Suivent les époques Renaissance et Baroque. J'ai profité du jardin lui aussi déserté avant que la pluie ne tombe. C'est la première fois que j'arpentais le musée comme si j'étais une haute personnalité politique… Un cadeau royal, cette visite privée. Après cette découverte, je me suis empressée de me promener dans le jardin botanique de Lucques. J'aime bien me délasser sur les sentiers fleuris, près des arbres remarquables et rares. Pour terminer le séjour et après un repas excellent dans un restaurant authentique, "L'Antica drogheria" où j'ai savouré des linguines aux truffes, j'ai visité une bibliothèque patrimoniale avec sa salle d'étude. Toujours la présence des livres et du savoir dans la cité. J'ai remarqué l'installation d'une librairie dans une église : quelle conversion inattendue et bienvenue ! Lors d'une petite éclaircie, j'ai visité le Palais Pfanner du XVIIe. Du baroque partout : le jardin avec des statues et des orangers, l'escalier grandiose, les balustrades, les plafonds peints, des fresques sur les murs, la reconstitution de la salle à manger, de la cuisine, la salle de bal… Son propriétaire autrichien, Felix Pfanner, fit construire dans la cour, une brasserie, ouverte jusqu'en 1929. Un enchantement, ce palais lucquois… Je garderai de mon escapade toscane une image de la "dolce vita", un modèle du bon goût dans tous les domaines : l'art de vivre dans les centres anciens, l'amour de l'art dans les églises, les jardins, les musées, la beauté des paysages. La Toscane, une région épargnée par la laideur contemporaine… 

samedi 13 avril 2019

Escapade en Toscane, 6

J'ai terminé mon escapade en Toscane à Lucques (Lucca), ville de 85 000 habitants, située à 80 kilomètres de Florence. J'ai fait une halte à Pistoia pour visiter le musée de Marino Marini, (1901-1980), natif de cette cité. J'avais vu une exposition de ses œuvres à Venise au Musée Guggenheim. Je voulais revoir ses sculptures de cavaliers, ses femmes dodues, ses têtes étranges et ses tableaux abstraits. Je n'ai pas été déçue par ce petit musée, installé dans un couvent,  consacré exclusivement au maître.  J'ai même pu contempler des fresques sur les murs des salles. L'art se niche partout en Italie… Je suis arrivée à Lucques vers midi pour m'installer dans des chambres d'hôte très agréables en plein centre ancien. Le propriétaire m'a pris les clés de la voiture pour la garer dans un parking. Il est essentiel de découvrir la ville avec le moyen de locomotion le plus simple : nos pieds… Fondée par les Etrusques, colonie romaine, commune libre dès 1160, la cité s'est spécialisée dans le commerce de la soie. Rivale de Pise et de Florence, elle est longtemps restée indépendante et c'est Napoléon qui l'offre à sa sœur !  Cette ville médiévale est enserrée de murailles de brique rouge et possède un charme particulier. Même avec un temps moyen et pluvieux, elle se parcourt avec un plaisir certain. J'ai commencé ma visite dans un restaurant "vintage", dans son jus des années 50, le "Mecenate" où j'ai goûté à la succulente cuisine toscane, un enchantement pour le palais. L'après-midi, j'ai visité plusieurs églises : le Duomo avec ses colonnes pisanes, la Santi Giovanni, la San Michele avec ses retables, ses tableaux, toutes très belles. Sous l'église Santi Giovanni e Reparata, j'ai marché dans les vestiges d'une maison romaine et d'un site paléochrétien qui a été le premier Baptistère de Lucques. Evidemment, cette ville peu connue des circuits touristiques n'est pas du tout envahie et je vivais là comme les Toscans sans me sentir une étrangère envahissante. Une place m'a particulièrement séduite, celle de l'Antifeatro, qui occupe un amphithéâtre romain. La place est bordée de hautes maisons colorées qui remontent au Moyen Age. Deux tours ont survécu sur la centaine : la Torre delle Ore et la Torre Guinigui, reconnaissable aux chênes verts à son sommet. On peut faire le tour des remparts (4,2 kms) en vélo ou à pieds et la vue depuis les remparts montre une ville harmonieuse et d'une tranquillité inouïe. Lucques m'a réservé de belles surprises… 

vendredi 12 avril 2019

Escapade en Toscane, 5

Je suis retournée au Couvent San Marco, très peu visité et pourtant d'une beauté incroyable : chaque cellule de moine possède sa fresque de Fra Angelico d'une grâce sans pareille. Ce moine-peintre du XVe vécut dans ce couvent et illustra lui-même sa foi qui éclate dans son "Annonciation". Cet espace muséal me ravit toujours autant. La bibliothèque du couvent exposait encore ses plus belles reliures et ses manuscrits enluminés. Décidément, les livres m'accompagneront partout ! Pendant une pause café, j'ai assisté à une manifestation très émouvante sur l'autisme. Une groupe de femmes toutes habillées de couleurs vives tapaient joyeusement sur des tambours avec un rythme effréné. Les malades défilaient avec leurs parents avec une dignité extraordinaire. Les passants applaudissaient le défilé et ce moment de solidarité a donné à la cité une note d'authenticité et de simplicité. Ensuite, j'ai arpenté pour la deuxième fois un musée désert : le Musée archéologique ! Pourtant, ce palais du XVIIe fut construit par Maria Maddelena, la sœur de Cosme l'ancien et les collections sont installées depuis 1881. La civilisation étrusque me fascine depuis longtemps et j'aime retrouver leurs traces : tombes sculptées, bronzes, urnes cinéraires, vases canopes, bijoux, armes, vaisselles diverses. Trois pièces uniques m'ont particulièrement frappée : la Chimère d'Arrezo, une sculpture votive  en bronze du IVe siècle av. J.-C.,  le Sarcophage des Amazones et le Vase François. Un lieu incontournable pour les amateurs de l'Antiquité. J'ai passé une partie de l'après-midi dans le Jardin du Boboli malgré une attente d'une heure. Intégré dans le Palais Pitti, cet immense parc à l'italienne du XVIe permet de prendre un grand bol d'air et offre une vue magnifique sur la ville. Comme c'était un peu la fin de la journée, il aurait fallu marcher des heures pour profiter des fontaines, des statues, des grottes… J'ai terminé la journée en visitant le Novecento,  un musée ouvert en 2014 dans une aile d'un ancien hôpital. J'ai même eu la chance de voir une exposition sur Giorgio Morandi, un de mes peintres préférés. Le musée présente la production artistique italienne du XXe : Sironi, De Chirico et bien d'autres peintres que je ne connaissais pas. Mon escapade florentine a pris fin au bout de 48 heures et je n'ai vu et revu qu'une partie infime de son patrimoine… Mais, flairer l'ambiance des Médicis, poser ses yeux sur les fresques, les peintures, les statues, se baigner dans la Renaissance italienne, voir les jardins, les palais, les églises, tous ces moments passés à Florence ont imprégné dans mon esprit une anthologie d'images fabuleuses… 

jeudi 11 avril 2019

Escapade en Toscane, 4

Pour vraiment connaître les trésors de Florence, il faut séjourner au minimum quinze jours pour tout voir et s'installer au cœur de la cité. Il est aussi très important de se nourrir de lectures diverses pour exploiter les musées, les palais, les églises, les couvents, les rues et les places, les parcs et les jardins. Cette cité ne se livre pas facilement dans sa beauté intrinsèque. Autant Venise m'a séduite et fascinée  dès le premier regard, autant Florence ne possède pas cette magie. Peut-être que la présence en masse des touristes de tous les coins du monde m'étouffe et diminue l'attrait de la ville. J'ai traversé le Ponte Vecchio surpeuplé : aucune émotion esthétique… J'ai vu le pont de loin, même impression… Je fuis ces espaces saturés de commerces. J'ai aperçu une affiche sur une exposition dans le Palais Strozzi qui évoquait l'œuvre de Verrocchio (1435-1488). Ce peintre, sculpteur et orfèvre de la Renaissance reçut des commandes de Laurent de Médicis et son atelier était le plus important de Florence. Il a formé Le Pérugin et surtout Leonard de Vinci. Cette exposition montrait des chefs d'œuvre de son art remarquable. Ensuite, j'ai visité l'église Santa Maria Novella à la fin de la journée quand la ville respire un peu mieux avec le départ des cars de touristes. La façade gothico-Renaissance attire l'œil et dès que l'on pénètre à l'intérieur, un crucifix, peint par Giotto nous accueille. Et l'on admire les fresques de Masaccio, Lippi et Ghirlandaio. Dans le cloître magnifique, la Chapelle des Espagnols offre un panorama d'une Bible illustrée. La deuxième journée passée à Florence a commencé par le Palais incontournable des Medicis Riccardi, construit par Cosme l'ancien avec sa remarquable Chapelle des Mages, peinte par Gozzoli. Tout près de ce Palazzo, se trouve l'église San Lorenzo, une des plus belles de la ville et dans cet espace magique, j'ai vu une exposition sur les livres de la Bibliothèque Laurentienne, bâtie au XVe siècle. Michel Ange en dessina les plans et on peut la visiter sans problèmes car ce lieu pourtant exceptionnel à mes yeux n'intéresse pas grand monde… La bibliothèque renferme de nombreux trésors : une Bible du VIe, des manuscrits de Tacite, Virgile, Dante et Pétrarque. Pour une bibliothécaire comme moi (même à la retraite), mon cœur palpite de joie dès que je contemple avec respect ces lieux du savoir et du silence intérieur.  Les enluminures me plongent dans une rêverie où j'imagine ces moines copistes penchés éternellement sur leur pupitre en exécutant ces lettres si élégantes pour entamer les chapitres des manuscrits.  Quel moment rare et précieux comme les livres...

mercredi 10 avril 2019

Escapade en Toscane, 3

Le lundi matin, direction Florence mais avant de prendre la route pour la ville des Médicis, j'ai fait un détour dans le Chianti, cette belle campagne savoureuse pour son vin et son huile d'olive. Le guide du Routard conseillait une halte dans le hameau de San Donatino, près de Poggibonsi où j'avais trouvé un très bon hôtel. La voiture s'est engagée sur un chemin de terre et au bout de quelques kilomètres, s'est arrêtée devant une ferme agricole. Le domaine San Donatino appartenait à Léo Ferré où il a vécu avec sa compagne de 1971 à 1993. J'ai sonné à la porte et personne ne répondait. Puis, cinq minutes après, alors que j'observais le panorama inouï de beauté dans lequel a vécu le chanteur, une dame toute de bleu vêtue, marchait à petits pas vers nous. Cette dame adorable s'appelle Maria Cristina et elle nous a reçus avec une simplicité et une gentillesse hors du temps. A dix heures du matin, elle nous a fait goûter son Chianti classico et même son huile d'olive. Elle nous a demandé d'où nous venions. Et comme on lui a dit que nous étions du Pays basque, elle s'est sentie proche de nous, étant originaire de Saint Sébastien. Léo Ferré est affiché partout dans le domaine et elle nous a offert une plaquette sur lui tout en restant discrète sur sa vie passée avec lui. Cette belle rencontre s'harmonisait avec notre escapade toscane. Une heure après, Florence apparaissait devant nos yeux avec son Dôme identifiable de loin. J'avais loué un appartement hors du centre près d'un tram et une fois que nous avons garé la voiture, les visites ont démarré par le Duomo. La campagne me manquait déjà, son silence et sa solitude, sa beauté naturelle comme une œuvre d'art de la Renaissance. Pour visiter le Duomo, une file ininterrompue de touristes attendait patiemment leur entrée. Comme j'avais déjà vu l'intérieur à deux occasions, j'ai préféré me diriger vers le Palazzo Vecchio où, à part un groupe important de Chinois assis dans la salle du conseil, la déambulation dans ce vaste palais m'a permis de vérifier la puissance politique des Médicis. Les fresques grandioses de la salle des Cinq Cents montrent le triomphe de Florence sur Sienne. Le Palais raconte cette histoire fabuleuse de la saga Médicis. On entre de plain pied dans l'Histoire et le XXIe siècle s'efface de notre mémoire. Même à l'extérieur, la Piazza della Signora met en scène comme dans un théâtre en plein air les statues de la loggia des Lanzi dont le délicat Persée de Cellini. Et puis, notre regard reste médusé sur le David (même si c'est une copie !) de Michel Ange et la Fontaine de Neptune. J'ai oublié ma nationalité française et je suis devenue italienne en Toscane, un carrefour de l'art et de la magnificence de la Renaissance...

mardi 9 avril 2019

Escapade en Toscane, 2

J'ai consacré ma deuxième journée à San Gimignano sous un soleil printanier dense et doré. Quel panorama dès l'approche du village toscan ! Je confirme l'avis des guides touristiques sur ce village perché, l'un des plus beaux de la Toscane. Pourtant très proche de Pise, le paysage change au fil des kilomètres : champs d'oliviers, collines de vignes, rangs de cyprès. Les quatorze tours forteresses carrées du XIIIe siècle, d'une couleur ocre, creusent le ciel bleu et dominent les toits en tuiles rondes des maisons et des palais. Commune libre dès 1199, la cité médiévale s'opposait aux villes voisines et les luttes intestines entre les Guelfes et les Gibelins rythmaient la vie du village. Dès que l'on pénètre dans la cité, il faut franchir une porte après avoir trouvé une place dans un parking de la ville. Heureusement et malgré le dimanche, j'ai vite délaissé la voiture pour arpenter avec un plaisir émerveillé les rues piétonnes de San Gimignano. J'ai réservé ma première visite au Duomo, édifié au XIIe siècle. Dès la première minute, les yeux sont captés par les murs couverts de fresques, signées de Gozzoli, Bartolo et Ghirlandaio. Ces images bibliques, évangéliques servaient de livres ouverts pour consolider la foi chrétienne. Après la cathédrale, le Palazzo del Populo abrite le musée civique. Dante a prononcé un discours dans la salle du conseil et un buste de l'écrivain témoigne de sa présence. Dans la Pinacothèque, j'ai remarqué deux tableaux magnifiques peints par Filippino Lipi. La peinture italienne de la Renaissance provoque en moi le syndrome de Stendhal, une palpitation accélérée de mon cœur. J'ai escaladé une Tour en avalant les 54 mètres de hauteur et à mon âge certain, j'ai accompli un petit exploit récompensé par une vue magnifique sur la cité médiévale et sur la merveilleuse campagne toscane. Après la Torre Grossa, j'ai visité l'église San Agustino du XIIIe siècle où des fresques de Gozzoli illustrent la vie de Saint Augustin. Arpenter la cité de rues en ruelles, en apercevant des jardins fleuris provoque une plongée dans le Moyen Age, comme si San Gimignano avait tourné le dos à la modernité. Même le tourisme n'a pas encore abimé la ville car les boutiques ne s'étalent pas dans les rues. La discrétion, la simplicité et le respect de l'Histoire apportent une touche authentique à San Gimignano. Evidemment, j'avais choisi le début avril pour éviter l'invasion… 

lundi 8 avril 2019

Escapade en Toscane, 1

J'avais envie de revoir la Toscane car cette région m'attire particulièrement. En 2014, j'avais parcouru les routes qui mènent à Volterra, à Sienne, à Arezzo, à Florence et  à Bologne. J'avais été éblouie par les paysages et la culture toscanes : des collines vertes avec des cyprès, des vignes, des oliviers, des villages perchés autour de châteaux médiévaux, des musées, les Etrusques, la Renaissance italienne. J'ai changé mes destinations cinq ans après en choisissant de m'arrêter à Pise, San Gimignano et Lucques. Je voulais montrer Florence à ma sœur et à mon frère, mes compagnons de voyage. Samedi, j'ai donc commencé par Pise, la première étape de notre escapade toscane. Le monde entier connaît la célèbre Tour penchée, emblème de la ville. Comme à Venise, la masse des touristes se retrouve dans le Campo dei Miraculi, petite sœur de la place San Marco. Ici, à Pise, les visiteurs s'attroupent devant elle en faisant des selfies et des gestes pour empêcher la Tour de tomber, une manifestation folklorique du narcissisme contemporain. Pour sauver la Torre, un chantier a démarré en 1990 jusqu'en 2001 pour consolider le monument en cerclant le cylindre d'une ceinture en acier et de contrepoids en plomb. Les experts prédisent que le monument va s'écrouler dans trois cents ans... Bonne nouvelle pour la ville. Un vaste pré accueille donc la Tour depuis 1173, le Duomo, le Baptistère et le Camposanto. La cathédrale date de 1063 et représente le symbole absolu de l'art pisan-toscan avec les rangées de colonnettes détachées du mur créant une dimension de profondeur et de mouvement. Une porte imposante (Saint-Rainier) en bronze de Pisano raconte la vie du Christ en douze panneaux. A l'intérieur du Duomo, 68 colonnes rythment l'espace et distribuent les chapelles. Galilée, né à Pise, aurait découvert la loi sur les oscillations en observant le lustre de l'église qu'on appelle désormais, la lampe de Galilée. On ne peut pas apprécier une cathédrale sans lire un guide qui nous explique tous les détails des tableaux exposés, la chaire sculptée et les objets liturgiques, Après la visite du Duomo, j'ai arpenté un lieu incroyable : le Camposanto. Dès que l'on pénètre dans cet espace grandiose, quatre fresques gigantesques saisissantes de Bonamico Buffamalco réalisées au XIVe siècle racontent le triomphe de la mort, l'enfer, le Jugement dernier. Une surprise étonnante dans ce lieu et comble du bonheur, nous étions une petite dizaine dans le Camposanto. Ensuite, je me suis dirigée vers la place des Cavaliers où le Palais affiche des fresques murales de Vasari. A trois pas de la Tour, un silence appréciable… J'ai vécu deux petites contrariétés à Pise : le musée du Duomo fermé pour rénovation et le musée San Matteo, fermé sans explications… En dehors des grands musées institutionnels, l'ouverture de ces lieux dans les villes moyennes semble aléatoire… En fin d'après-midi, la villa patrimoniale Corliano nous attendait : un hôtel enchanteur dans un parc où des statues nous lançaient des regards amicaux…