mercredi 14 juillet 2021

"Mémoires d'une jeune fille rangée", 2

 Titulaire d'un bac en 1925 (ce qui est rare à cette époque pour les filles), elle s'inscrit à l'Institut catholique pour un certificat de mathématiques et dans un autre institut pour étudier les Lettres. Un professeur la remarque et lui conseille de passer l'agrégation de philosophie. Ce projet alarmera sa mère, effrayée par cette formation laïque. Pour préparer ce concours majeur, elle étudie à la Sorbonne et assiste aux cours de la rue d'Ulm. Cette décision va aussi provoquer la rencontre de sa vie avec Jean-Paul Sartre. Avant ce moment décisif, quels sont les relations importantes pour Simone de Beauvoir ? Ses parents sont toujours présents dans sa vie même si elle est souvent en conflit avec sa mère. Elle s'amourache de son cousin Jacques qu'elle s'imagine épouser plus tard mais elle se rend compte qu'il mène sa vie de son côté et qu'il entretient des relations amoureuses avec d'autres femmes. Le premier tome de ses Mémoires évoque souvent son amitié exclusive pour Zaza, sa camarade de classe du cours Désir. Cette amitié ressemble à celle de Montaigne pour La Boétie : "Parce que c'était lui, parce que c'était moi". Elle passe ses vacances dans la famille de Zaza, nombreuse et bruyante au Pays basque. Simone de Beauvoir retranscrit des lettres de son amie, une jeune fille fantasque et troublante en quête d'idéal. Cette relation amicale intense et dense l'aidera tout au long de son adolescence pour lutter contre son sentiment permanent de solitude : "La vivacité et la l'indépendance de Zaza me subjuguaient" et plus loin, "Je ne concevais rien de mieux au monde que d'être moi-même et d'aimer Zaza". Cette amitié se terminera dans un drame intime car la jeune fille va mourir brutalement après une forte fièvre. Cette disparition va marquer Simone de Beauvoir et lui donner le sens de la fragilité humaine. Avant cet épisode tragique qu'elle révèle à la fin du récit, l'écrivaine raconte sa vie d'étudiante très sérieuse pour le travail qu'elle fournit mais elle n'oublie pas de fréquenter les cinémas, les bars, les salles de théâtre, les restaurants dans un Paris mythique. Autant elle aime cette agitation urbaine, autant elle est sensible à la nature et à la campagne : "Je lus Homère au bord d'une rivière ; des ondées légères et le soleil, par grandes vagues, caressaient le feuillage bruissant. Quel chagrin, me demandais-je, pourrait résister à la beauté du monde ?". L'ouvrage se termine avec l'obtention de son agrégation de philosophie à 21 ans, une performance évidente, à la deuxième place après Jean-Paul Sartre ! La philosophie lui convient parfaitement tellement elle apprécie l'esprit de système, une manière d'instaurer un ordre dans un réel désordonné. Elle écrira plus tard des essais philosophiques comme "Pour une morale de l'ambiguïté"  et "Le deuxième sexe". Quel parcours exemplaire pour cette jeune femme qui deviendra un modèle universel d'émancipation, de l'égalité homme-femme dans notre République laïque ! Le surnom de Castor va dorénavant la qualifier (Beauvoir et Beaver, castor en français) se ressemblent) et montre sa détermination pour devenir l'immense Simone de Beauvoir. "Les mémoires d'une jeune fille rangée", une lecture passionnante et revigorante.