mercredi 2 mars 2022

Escapade à Antibes, 3

 J'ai réservé le matin de lundi à la Villa Kérylos et lundi après-midi, j'ai aussi visité près de Beaulieu-sur-Mer, la belle demeure de Béatrice Ephrussi de Rothschild (1864-1934) à Saint-Jean-Cap-Ferrat. Construite entre 1905 et 1912 sur un sommet de la presqu'île du Cap Ferrat, la Villa rappelle un palais italien de la Renaissance. Constituée de nombreux salons, de patios et d'appartements d'inspirations diverses, la résidence est meublée de chefs d'œuvre uniques : tapisseries du XVIIIe, porcelaines de Sèvres, sculptures et peintures de Fragonard et de Boucher, objets précieux, etc. Chambre bleue, chambre Directoire, salon chinois, grand salon, petit salon, la Baronne pouvait recevoir un nombre incalculable de relations mondaines. Mais, le plus spectaculaire de la villa réside dans l'exceptionnel parc et jardins où cascades, bassins, pergolas et kiosques romantiques forment un lieu enchanté au bord de la mer, toujours présente à l'horizon. La forme du jardin rappelle un paquebot "Ile de France" où l'on peut remarquer les arbres les plus méditerranéens : oliviers centenaires, camélias, aloès, figuiers de barbarie, roseraies, lavande, pins d'Alep. Je me suis presque égarée dans ce labyrinthe végétal et un coup de vent digne des Cyclades agitait la végétation d'une façon inhabituelle. Le fantôme de la Baronne se promenait dans cet espace enchanté. Sa vie ressemblait à un conte de fée mais un conte de fée à l'amertume prononcée. La richesse ne garantit pas le bonheur : mariage malheureux, aucun descendant, la maladie en elle avec la terrible tuberculose. Elle avait des exigences bizarres comme le port d'un bonnet de marin que portaient ses nombreux jardiniers. Cette personnalité originale a régné dans son vaste domaine avec une poigne de fer en organisant des fêtes grandioses pendant les Années folles en 1920 et ce monde disparu m'a fait penser à celui décrit par Marcel Proust, ce Grand Monde constitué d'aristocrates de naissance et de bourgeois enrichis. La passion du jeu et le casino occupaient ses journées et elle vivait entourée de singes, d'oiseaux et de mangoustes. Béatrice Ephrussi de Rothschild voyageait beaucoup et s'éteignit à Davos, en Suisse, victime de troubles respiratoires liés à sa tuberculose. Ce vaste domaine en bord de mer avec ses neuf jardins et sa villa méritait bien une visite approfondie. Encore un voyage dans une certaine "recherche du temps perdu" !