mercredi 15 septembre 2021

"Marguerite Yourcenar, portrait intime"

 Quand j'ai terminé le troisième tome du "Labyrinthe du monde", j'ai repris une biographie illustrée sur Marguerite Yourcenar, "Marguerite Yourcenar, portrait intime", édité chez Flammarion en 2018. Achmy Halley a consacré plusieurs ouvrages à l'écrivaine et ce beau livre raconte le destin unique de cette petite fille si intelligente. Les illustrations inédites et précieuses présentées dans cet ouvrage retracent une longue carrière d'écrivain qui aboutit à son élection à l'Académie française en 1980. Le biographe avait déjà écrit une thèse de doctorat sur elle et a dirigé la Villa Marguerite Yourcenar près de Lille, devenue une résidence d'écrivains européens. Son projet consiste à dépouiller l'écrivaine d'images fausses comme sa froideur ou son air hautain. Il dresse un portrait d'une femme passionnée, chaleureuse, sensible et vulnérable. Son univers intime se décline en plusieurs périodes : son enfance avec son père, sa vocation d'écrivaine dès son adolescence, son premier recueil de poésies à 18 ans, sa passion déçue pour André Fraigneau, un éditeur parisien. Son premier roman, "Alexis ou le vain combat" est accepté chez un éditeur en 1929. En 1937, elle rencontre la femme de sa vie, Grace Frick et elle part vivre à New York avec elle, puis dans le Maine sur l'île des Monts-Déserts. Elle donnera des cours à l'université de Yale, fera des traductions, enseignera le français. Après la guerre, elle décide de rester aux Etats-Unis et obtient la nationalité américaine. Sa vie se déroulera dans cette maison en bois, isolée en pleine nature, entrecoupée de nombreux voyages. Il lui fallait le silence de cette Ithaque pour composer son œuvre entière. Ce documentaire se lit avec un grand plaisir et de nombreuses citations ponctuent le récit biographique. J'apprécie particulièrement celle-ci qui résonne vraiment dans ma passion de lire : "Le vrai lieu de naissance est celui sur lequel on porte un premier regard intelligent sur le monde. Ma première patrie fut une bibliothèque, tous mes ancêtres sont des livres, mes géniteurs, des écrivains". Ce "Portrait intime" décrit l'art de vivre d'une femme singulière, hors du commun mais qui, à travers tous les objets de la maison, se dévoile en toute simplicité. Elle aimait pétrir le pain, adorait les pâtisseries, se promenait tous les jours dans des paysages magnifiques, lisait, écrivait, recevait des amis. Le dernier chapitre regroupe quelques recettes fétiches de Grâce et de Marguerite : mousse au chocolat, muffins aux myrtilles, sabayon glacé, scones aux raisins. J'ai appris qu'elle craquait pour les gaufrettes Meert que j'ai goûtées quand je suis "montée" à Paris. Encore un point commun avec Madame Yourcenar en plus de sa passion pour l'Antiquité ("Mémoires d'Hadrien), pour la Renaissance ("L'Œuvre au noir"), pour la Grèce (La couronne et la lyre). Je termine par cette belle citation qui résume sa vie : "Le conformisme est une misérable maladie parce qu'elle vous empêche d'exister. Les gens qui sont véritablement conformistes n'ont pas vécu". Merveilleuse Marguerite Yourcenar...