jeudi 7 août 2014

"Les années insulaires"

Philippe Le Guillou a déjà publié de nombreux romans (il a obtenu le prix Goncourt en 1997 pour "Les sept noms du peintre" ) et des essais littéraires. Son dernier livre évoque les années 70 quand Georges Pompidou était Président de la République. Le personnage central est un peintre de renom, nommé Kerros, ami du Président dont il a peint plusieurs portraits. Paris se transforme à coups de bulldozer : les pavillons de Baltard sont détruits pour être remplacés par le trou des Halles. Ce changement vers la modernité bétonneuse attire les foudres d'un collectif formé par des récalcitrants du changement, "Les Insulaires", amoureux du vieux Paris et de son histoire. Kerros, le peintre, défend la cause de cette ville millénaire en proie à la folie bâtisseuse mais se trouve pris au piège car il admire ce Président cultivé, secret, aimant profondément l'art moderne et contemporain. Il raconte l'aménagement du Palais de l'Elysée par le designer Paulin et le plasticien Agam. Il mentionne le projet fou de Beaubourg, le centre Pompidou aujourd'hui. Le narrateur révèle la maladie du Président, son extrême fatigue à la fin de son mandat et son courage politique. Ce roman est un portrait d'une certaine époque où la crise ne sévissait pas encore (le choc pétrolier démarre en 1974). Philippe Le Guillou transmet, dans son texte, des moments de nostalgie surtout quand on a vécu cette période. J'ai souvent fréquenté la bibliothèque de Beaubourg en 1982 quand je vivais à Paris et les heures d'ouverture étaient "révolutionnaires" (12 heures d'ouverture par jour !). Cette architecture audacieuse n'a pas toujours attiré l'adhésion mais il fallait bousculer la torpeur bourgeoise de la cité et mettre l'art à l'honneur mérite le respect pour Georges Pompidou. J'ai découvert un écrivain dont le classicisme me convient très bien. Il réussit à merveille l'intégration dans une œuvre romanesque d'une figure politique marquante. Il capte l'esprit de ce temps-là, relate l'art moderne dans sa dimension avant-gardiste et parle d'un Paris transformé dans une France disparue. Un roman solide, écrit avec élégance et un sujet original, l'histoire de deux solitaires de l'art et de la politique. Ce roman me donne envie de lire d'autres ouvrages de Philippe Le Guillou.