jeudi 27 septembre 2012

Rubrique cinéma

A l'automne, je reprends régulièrement le chemin des cinémas. J'ai vu deux films français : "Cherchez Hortense"de Pascal Bonitzer et "Les saveurs du Palais"de Christian Vincent. Je recommande le premier et je déconseille le second. Le premier film cité aborde le milieu parisien, bobo et assez insupportable. Jean-Pierre Bacri joue le rôle de Damien, un professeur de civilisation chinoise. Il vit avec sa femme, metteur en scène, loufoque et irresponsable. Elle ne s'occupe pas de leur jeune fils et elle finit par nouer une relation avec un jeune comédien. Le couple prend l'eau et se sépare. Damien, le flegmatique fatigué, est aussi sollicité par son beau-frère pour aider une femme serbe à obtenir des papiers pour rester en France. Or, il se mobilise avec mollesse pour cette jeune femme en danger d'expulsion. Il essaie de régler ce problème avec son père, conseiller d' Etat, politiquement très influent mais qui ne veut pas se "mouiller" dans une intervention auprès d'un ami encore plus influent que lui.  Le père, joué par Claude Rich, est un monument d'égoïsme et de cynisme. Damien va découvrir qu'il connait la jeune femme en question et en tombe amoureux. Je ne veux pas dévoiler la suite du film. Damien va-t-il trouver une issue "lumineuse" face à son marasme permanent ? Ce film parle de la France d'aujourd'hui avec des personnages quelque peu "déboussolés" et en proie au doute et à la lassitude... Jean-Pierre Bacri joue à merveille et allez voir ce beau film pour lui. Pour le deuxième cité, "Les saveurs du Palais" , il m'a déçue malgré le personnage de Catherine Frot, cuisinière périgourdine à l'Elysée, décalée et solitaire, prônant une cuisine de terroir, authentique et chère. Mitterrand est joué par Jean d'Ormesson, chic et hautain. Ce film à la gloire des produits régionaux est sympathique, sans plus...

lundi 24 septembre 2012

"Le sermon sur la chute de Rome"

Ce roman de Jérôme Ferrari, "Le sermon sur la chute de Rome", avait attiré mon attention dans le flux délirant des nouveautés de la rentrée littéraire. Et les critiques n'ont pas menti car ce livre m'a vraiment captivée de la première ligne à la dernière. C'est l'histoire d'une amitié entre deux garçons, Vincent et Libero. Ils sont inséparables depuis l'enfance. Vincent vit à Paris mais passe toutes ses vacances en Corse. Libero ne quitte pas son île natale. Quand ils entreprennent des études de lettres, Libero rejoint Vincent à Paris. A la fin de leurs années universitaires, ils sont tellement attachés à leur île qu'ils décident d'acheter un bar pour en faire un lieu de rencontres. Le grand-père de Vincent finance l'opération. "Le sermon sur la chute de Rome" rappelle le destin fragile des royaumes terrestres selon Saint Augustin et évoque la chute des amis d'enfance.  Ils vont suivre une pente fatale dans ce bar qui connaîtra pourtant un grand succès grâce à la présence de femmes attirant les hommes souvent solitaires. Vincent se laisse emporter par l'alcool et par le sexe facile. Leur relation amicale se diluera après un drame provoqué par un ignoble macho animateur-chanteur du bar, se vantant de ses exploits sexuels dans cette assemblée d'hommes frustes et frustrés. Libero se supportera pas les conflits permanents que ce bar engendre. Ce roman raconte la "décadence", la perte des rêves de jeunesse, la vulgarité de la réalité commerciale de ce bar fréquenté par les "paumés" du coin. Seule, la soeur de Vincent,  illumine le roman par sa présence consolante et solide. Elle part en Algérie travailler dans un chantier de fouilles et ne subit pas son destin comme son frère. Il faut souligner dans ce roman d'apprentissage un style remarquable et un décor, la Corse, somptueuse et secrète. A lire sans tarder...

vendredi 21 septembre 2012

"Les Lisières"

Voilà un roman qui ne laissera aucun(e) lecteur(trice) indifférent et cela m'étonnerait beaucoup qu'il soit abandonné en cours de lecture. Olivier Adam a écrit son meilleur roman. Il brasse deux thèmes récurrents dans son oeuvre  : la Dépression, crise individuelle par excellence, et la Tension, crise sociale collective. Entre ces deux crises, le personnage du roman, Paul Steiner, se lance dans une confession aux accents autobiographiques. Son mal-être permanent prend sa source dans un secret de famille et l'a rendu quelque peu dépressif et négatif. Sa compagne l'oblige à quitter le foyer familial. Il n'accepte pas cette situation et se console avec la garde alternée de ses enfants pendant le week-end. Il doit aussi s'occuper de sa mère souffrante et il rejoint son père dans la banlieue parisienne. Paul Steiner règle ses comptes avec cette famille modeste où on ne parle pas, où on n'aime pas les différences dans les modes de vie. Ce silence familial l'étouffe mais cela ne l'empêche pas de creuser cette plaie vive que personne ne peut soigner. Le titre "Les Lisières" signifie aussi la perte de l'identité, le non-lieu originel, le manque de repères et l'inculture générale. Paul Steiner ne prend racine qu'en bord de mer car la mer a un effet "diluant, liquifiant" sa dépression. Il compare le bord de mer à un grand hôpital à ciel ouvert... Ce roman de crise se lit d'une traite car Olivier Adam nous offre un portrait de notre époque : solitudes urbaines, familles éclatées,  rêves perdus, adultes fracassés, politiques cyniques, privilégiés égoïstes... Un des romans les plus denses de cette rentrée littéraire et Olivier Adam n'a besoin d'aucun prix littéraire pour être reconnu. Il a déjà vendu des milliers d'exemplaires et ne boudons pas ce succès plus que mérité. 

jeudi 20 septembre 2012

Visite en librairie

Je franchis les portes d'une librairie très régulièrement et ce mardi, j'attendais la sortie du dernier Quignard, "Les désarçonnés" que je vais lire et relire. Ce sont des oeuvres "habitables" comme le disait François Mauriac dans une émission littéraire, "Lectures pour tous" en conversant avec Pierre Dumayet. Il y a donc deux sortes de livres : ceux que l'on visite qu"une fois dans sa vie de lecteur(trice) et ceux que l'on habite définitivement. Mauriac citait Balzac, Proust, Dickens et  révèlait qu'il ne lirait les romans de Kafka qu'une seule fois tellement cet univers le glaçait. Pascal Quignard est pour moi une oeuvre "habitable" car il ne faut surtout pas le lire d'une seule traite. C'est vrai que c'est un écrivain difficile, hermétique, austère. Mais, ouvrir un de ses ouvrages, c'est aller à la rencontre d'une parole rare, fulgurante, d'une pensée profondément originale. S'il était poète, ce serait le jumeau de René Char. Le deuxième ouvrage acheté dans mon budget livres de septembre s'avère être le nouvel opus, "Un air de Dylan" de Enrique Vila-Matas, un écrivain espagnol dont je lis toutes les parutions. Vila-Matas est un fou de littérature et  son oeuvre "borgésienne" possède 'une finesse et un humour fabuleux. En quittant la librairie. j'ai aperçu près de la caisse une revue que j'avais perdu de vue et qui refait surface. Il s'agit de "PAGE" une publication de critiques établies par les libraires. Dans ce double numéro, sont traités en priorité la rentrée littéraire et le Festival America. La maquette renouvelée de la revue est somptueuse : mise en page, graphisme, caractères typographiques. Un vrai régal de lecture... Heureusement qu'une visite "physique" en librairie procure de belles surprises, alors que je n'ai pas remarqué "Page" sur les sites des librairies virtuelles.

mardi 18 septembre 2012

Albert Camus, otage

J'ai remarqué dans la presse une polémique sur l'exposition consacrée à Albert Camus en 2013 à l'occasion du centenaire de sa naissance. Normalement, Benjamin Stora était le commissaire de cette exposition commanditée par la ville d'Aix en Provence. Pour des raisons obscures, le grand spécialiste de la Guerre l'Algérie a démissionné, en désaccord avec la mairie et avec la fille de Camus. Je ne saisis pas les strates profondes de la mésentente. Bref, dans ce vaudeville provençal, un nouveau commissaire a été chargé d'organiser cette exposition du centenaire. Michel Onfray a donc accepté la proposition de la mairie d'Aix en Provence. D'autant plus que Catherine Camus avait validé ce choix "audacieux". Michel Onfray a rendu hommage au philosophe dans une biographie très pointue parue cette année. Or, j'apprends aujourd'hui que Michel Onfray jette l'éponge à cause de la polémique sur son nom. La Ministre de la Culture refuse aussi de financer une partie de l'exposition. Bref, c'est une sacrée pagaille qui n'est pas digne d'un des plus grands écrivains français, prix Nobel de littérature. Camus ou l'otage de la bêtise, de l'incompétence mais fait-il encore peur ? Dérange-t-il encore, cinquante ans après sa mort ? Il a influencé des millions de lecteurs et il est lu dans le monde entier avec une passion croissante pour son message de fraternité, de solidarité et de lucidité. J'espère que le futur troisième commissaire finira par organiser cette exposition prévue en 2013 que j'aimerais bien voir...

lundi 17 septembre 2012

Le scandale Richard Millet

Richard Millet travaille chez Gallimard, au très prestigieux comité de lecture. Il est éditeur, écrivain, critique. Pour ma part, je n'étais pas une "fan" de cet écrivain. Le pamphlet en question a mis le feu dans la presse et s'intitule "Eloge littéraire d'Anders Breivik". Il déclare le geste abominable de cet assassin norvégien qui a tué plus de quatre-vingt jeunes gens, de "littéraire", comme le summum du mal, comme un geste absolument digne de la littérature. Annie Ernaux lui a répondu dans un article publié dans Le Monde du mardi 11 septembre, article d'une force et d'une clarté salutaires pour clore ce débat nauséabond. Richard Millet, non seulement, fait l'apologie du crime mais s'approprie la notion de littérature pour dédouaner ce monstre inhumain qu'est Anders Breivik. Annie Ernaux représente avec tous les écrivains qui ont co-signé l'article, l'honneur de la littérature qui ne peut évidemment cautionner l'immonde et l'ignoble défense de cet individu abominable. Fait-on l'éloge de Marc Dutroux, dit Annie Ernaux. Elle dénonce l'idéologie de Richard Millet : haine de l'humanité et surtour des "étrangers", haine du multiculturalisme, de la diversité, de l'autre, de la différence. Le Clezio a réagi dans le Nouvel Observateur en qualifiant ce texte ordurier de "répugnant". Richard Millet a quitté le comité de lecture mais reste éditeur chez Gallimard... Les réactions dignes d'Annie Ernaux et dans son sillage d'une centaine d'écrivains dressent une barrière contre le fascisme, basé sur la haine et l'extermination de ceux qui nous ne ressemblent pas. Richard Millet avait un tout petit noyau de lecteurs avant la parution de ce pamphlet. Aujourd'hui, il a provoqué leur fuite totale...

dimanche 16 septembre 2012

Rubrique cinéma

Samedi, je suis allée voir un petit film italien sensible et intimiste, "Dix hivers à Venise"du réalisateur Valerio Mieli. Entre parenthèses, j'étais seule dans la salle et le responsable du cinéma m'a offert une "séance privée". J'avais envie de revoir surtout Venise, cette ville au charme indescriptible où j'ai d'ailleurs savouré son "silence" inoublîable la nuit, ou dans les quartiers le jour, loin du centre touristique. On y déambule les jours d'hiver, de pluie, de brouillard, de froid, loin des clichés éculés sur les gondoles et les lieux piétinés par des milliers de touristes. C'est l'histoire d'un jeune homme et d'une jeune fille qui se croisent un soir dans un vaporetto et ils deviendront amis tout en éprouvant de l'amour mais un amour qui mettra peut-être dix ans à s'épanouir. L'action se passe en 1999 jusqu'en 2008. Camilla prépare une thèse sur Tchekhov, Silvestro se débrouille avec des petits boulots. Camilla part vivre à Moscou, se lie avec un metteur en scène beaucoup plus âgé qu'elle. Lui aussi, vit des aventures amoureuses diverses et superficielles. Quand il la retrouve à Moscou, il est trop tard. Quand elle est libre, lui, ne l'est pas. Cette relation repose sur un malentendu permanent êt quand Camilla est enceinte du meilleur ami de Silvestro, ils s'éloignent mais dans la vie, tout peut basculer à tous moments. Silvestro rencontre son ami qui lui apprend la séparation avec Camilla. Je ne dirai pas la fin de l'histoire. Vont-ils se retrouver enfin et reconnaître leur attirance initiale ? Venise est filmée d'une manière "non-touristique" et c'est déjà un exploit de découvrir un aspect "normal" de cette cité magique où vivent quotidiennement des Vénitiens "normaux". Joli film d'une sobriété rare qui relate une histoire d'amour qui mettra "dix hivers" à naître...

vendredi 14 septembre 2012

Revue de presse

En ce mois de septembre, la rentrée littéraire se retrouve évidemment dans le Magazine Littéraire et cette revue de qualité a choisi de traiter le cas "Raymond Queneau". J'avoue que je ne lisais pas cet écrivain français dont la réputation s'est forgée avec "Zazie dans le métro". Je connaissais son immense culture car il a dirigé la collection "Encyclopédie de la Pléaide". La revue fait le point sur ses talents littéraires multiples et annonce la sortie de ses oeuvres complètes dans la Pléiade. J'ai donc l'intention de redécouvrir Raymond Queneau, le plus facétieux des écrivains français avec un regard plus averti grâce à ce dossier très dense et très complet. La revue Transfuge a changé de maquette mais les caractères sont vraiment trop petits. Les articles sur la rentrée littéraire m'ont apporté des informations contrastées qui me permettent d'éviter quelques nouveautés trop mises en avant sur Internet. Transfuge offre un dossier sur les écrivains de gauche et sur le cinéma français. Je n'oublie pas non plus la revue "Philosophie Magazine" qui propose un dossier sur "Pourquoi nous n'apprenons plus comme avant", une enquête sur le jeûne, une rencontre avec Russell Banks, un cahier sur Karl Marx. A découvrir...

jeudi 13 septembre 2012

"Petit éloge des amoureux du silence"

Ce petit ouvrage de la collection Folio à deux euros, intitulé joliment "Petit éloge des amoureux du silence" a été écrit pour moi ! Je ne connais pas son auteur, Jean-Michel Delacomptée, mais j'avais déjà noté un article dans le journal "Le Monde" signé de ce même auteur. Tout ce qu'il raconte dans cet opus de 133 pages a bien confirmée  mon goût profond du... silence. Il en parle d'une manière intelligente, profonde en dénonçant les "responsables politiques" de ne pas prendre au sérieux ce fléau qui s'amplifie de jour en jour dans les villes, dans la campagne, dans le voisinage, partout. J'aime particulièrement le passage où il avoue qu'il aime la pluie, l'hiver, les intempéries qui obligent les bricoleurs à délaisser leurs outils délirants de bruit... "Société de rafistolages où l'on occupe ses loisirs à taper, taper, retaper." On ne mesure pas les conséquences du bruit sur la santé et bon nombre d'anecdotes qu'il évoque ne sont pas du tout inventées. Pour ma part, j'ai choisi un quartier éloigné de deux kilomètres du centre ville pour éviter les voitures, mobylettes, motos, et aussi les travaux urbains en constante progression. Un critère me suffisait : une petite maison, et du silence la nuit surtout... Evidemment, je n'échappe pas aux tondeuses mais les jardins sont petits, je n'échappe pas aux passages des jeunes à mobylette mais ils ne tournent pas longtemps, je n'échappe pas aux aboiements de deux chiens mais ils arrêtent quand le quartier est désert. J'ai donc de la chance d'avoir rencontré cet oasis, près du centre ville. Jean-Michel Delacomptée est en colère contre cette civilisation moderne du bruit car certains individus revendiquent le bruit comme symbole de vie (radio, télé, machines, musique légère, etc.). Dès que je pénètre dans un restaurant sonorisé, je sors aussitôt... Bref, ce petit livre  résume tous les agacements et les contrariétés provoqués par le bruit. Lisez cet éloge bien écrit, percutant et très utile sur ce fléau, le bruit et ce délice, le silence...

mercredi 12 septembre 2012

"L'appel des 451"

Dans le journal "Le Monde", daté du jeudi 6 septembre, j'ai lu avec beaucoup d'attention un article intitulé : "Le livre face au piège de la marchandisation" écrit par Giorgio Agamben, philosophe, Michel Butel, écrivain et Maurice Nadeau, éditeur. Les trois compères, amoureux du livre, dénoncent la main mise technocratique de cet outil en papier qui a fait ses preuves depuis des centaines d'années. Ils déplorent l'esprit du temps : sacrifier l'intelligence au nom de la rentabilité gestionnaire, mettre en danger les lieux du livre, librairies et bibliothèques, mépris de la culture... Tous à nos écrans pour lire, étudier, s'informer, jouer, s'étourdir... Les professionnels du secteur sont dans la précarité des contrats à durée déterminée et sont bousculés et remplacés par les machines. Le livre doit rester cet "objet social, politique et poétique". Je comprends ce message d'autant plus que je ne cesse de vitupérer contre le "tout informatique" depuis quelques années. J'ai moi-même quitté mon travail de bibliothécaire avec soulagement car tout devenait "dématérialisé" dans nos pratiques, les relations humaines comprises entre collègues. Je me souviens d'avoir entendu la phrase : "Envoie un mél pour m'expliquer ton problème"... La documentation numérique passionne les nouveaux professionnels désincarnés des bibliothèques : ce sont eux-mêmes des "fantômes pixelisés" que l'on ne voit jamais en contact avec le public en chair et en os ! Je rejoins donc ce collectif "les 451.noblogs.org" et me reconnaîs dans cette démarche salutaire et courageuse, évidemment une démarche vaine et ridicule à la Don Quichotte. Mais cela procure un appel d'air qui débouchera peut-être sur une protection humainement attendrissante de cet objet, le livre, irremplaçable pour tous les militants de la lecture et de l'écriture.

mardi 11 septembre 2012

"Emily"

Stewart O'Nan avait écrit un très beau roman en 2005, "Nos plus beaux souvenirs" aux Editions de l'Olivier. Il récidive avec "Emily", un personnage-clé de cette oeuvre. Emily est devenue veuve, et elle a quatre-vingt ans. Elle vit seule dans sa maison avec son chien et partage ses loisirs avec sa belle-soeur Arlène, veuve elle-aussi. Ce roman s'apparente plus à une chronique intimiste de l'art de vieillir en toute dignité. Emily tient bon : elle veut préserver son mode de vie familial même si ses enfants se sont fortement éloignés d'elle sur le plan géographique. Cet éloignement physique l'empêche de se mêler de leurs vies mais elle garde le sentiment du devoir accompli quand les deux familles respectives la rejoignent à tour de rôle au moment des Fêtes rituelles en Amérique. Malgré une mésentente générale avec son fils et sa fille, elle veut respecter la façade de la famille unie car son monde s'écroulerait sans ces retrouvailles obligatoires. Emily, au mauvais caractère bien trempé,  prend conscience de cet état de fait et assumera sa solitude avec fierté à partir du moment où elle a compris qu'il lui restait encore quelques années à vivre en bonne santé. Elle s'achète une voiture neuve, fait des promenades avec sa belle-soeur, soigne son chien, fait son jardin. Elle comprend enfin qu'elle est libre, libre d'agir à sa guise sans le poids de la famille et des contraintes sociales. Ce roman s'annonçait plutôt dur à lire car un personnage âgé de quatre-vingt ans n'attire pas l'adhésion à prime abord. Mais Cette Emily a un sacré dynamisme vital et elle apprivoisera sa solitude avec courage et lucidité. Un très beau portrait de femme. Comment un homme a-t-il construit ce roman sur la vieillesse ? Réponse, en utilisant la magie secrète de l'art littéraire...

vendredi 7 septembre 2012

"Une étrange histoire d'amour"

J'ai toujours été intéressée par les romans dits "musicaux". Je viens de finir la lecture de "Une étrange histoire d'amour" de l'écrivain italien Luigi Guarnieri aux Editions Actes Sud et j'ai retrouvé le trio célèbre formé par le couple Clara et Robert Schumann et le très romantique Johannes Brahms. Sans rentrer dans les détails biographiques très pointus que le romancier dissèque avec talent, il faut retenir l'aspect tragique du destin de ces trois génies de la musique. Robert Schumann, malgré l'amour de sa femme et de ses enfants, sombre dans la folie alors que Clara s'adonne au piano avec une énergie farouche et poursuit sa grande carrière de soliste à travers l'Europe. Luigi Guarnieri utilise la forme épistolaire pour évoquer cette période culturelle de la moitié du XIXème siècle. Johannes Brahms écrit donc une lettre d'amour à sa muse Clara, la seule femme de sa vie malgré une grande différence d'âge (vingt ans). Leur amour est frappé d'interdit  car Robert Schumann est enfermé dans une institution psychiatrique jusqu'à sa mort. Johannes Brahms et Clara Schumann ne pourront pas vivre ensemble mais éprouveront l'un pour l'autre un amour indestructible jusqu'à la mort de Clara. Ce beau roman s'adresse surtout aux amateurs de musique, à ceux qui aiment entendre les mots sonate, symphonie, piano, orchestre, quatuor, violoncelle, inspiration, concert, flûte, artiste, chant, mélodie, etc. Un roman musical, à écouter...

mercredi 5 septembre 2012

"Du vent dans mes mollets"

Ce film français de Carine Tardieu mélange des moments cocasses, côté légéreté, et des moments tristes, côté gravité. La petite Rachel, âgé de neuf ans, consulte une psychologue car elle dort avec son cartable. Sa mère, jouée par Agnès Jaoui, adore cuisiner et néglige quelque peu son mari, interprété par Denis Podalydès. Lui installe des cuisines et propose à la mère de la meilleure copine de sa fille de lui restaurer la sienne. En fait, le couple vit une crise et la présence d'une grand-mère dans le foyer alourdit l'atmosphère. Les scènes humoristiques se succèdent avec un rythme équilibré (quand sa propre cuisine s'effondre, image de son couple) et la salle riait à quelques gags. Mais, ce qu'il faut surtout retenir dans ce film plus profond qu'agréable, c'est un ensemble d'éléments qui se combinent à merveille : l'atmosphère des années 81, le portrait d'une famille composée d'une mère harassée et égarée par la fatigue et d'un père tellement gentil tenté par une autre histoire d'amour, l'histoire émouvante de l'amitié entre Rachel et sa copine coquine et délurée. Ce film sur l'enfance mérite le détour car au-delà des images naïves parfois, Carine Tardieu aborde les questions éternelles de l'amour, de l'amitié, de l'enfance, de la famille. La fin du film se termine par une belle chanson de Barbara, "Mon enfance", pleine de nostalgie....  

mardi 4 septembre 2012

"Le contenu du silence"

Ce roman de l"écrivaine espagnole, Lucia Etxebarria, se rapproche du documentaire fictionnel sur un phénomène de société redoutable : l'existence des sectes. L'action se déroule dans les magnifiques îles des Canaries, territoires d'Espagne. Gabriel, le protagoniste du roman, reçoit un message l'alertant de la disparition de sa soeur cadette dans un suicide collectif. Il quitte l'Angleterre pour rechercher cette soeur qu'il n'a pas vue depuis dix ans. Sa fiancée organise pourtant leur mariage mais il préfère fuir cette vie étouffante qu'il mène. Il retrouve une amie intime de Cordelia sur l'ile et découvre la vérité sur cette soeur qu'il a toujours adorée. Cordelia a intégré une secte dirigée par une Allemande, fille d'un nazi, venu se réfugier aux Canaries après la Guerre. Lucia Extebarria évoque avec force et conviction la main mise des nazis sur l'archipel canarien avec la bénédiction de Franco pour créer un refuge très structuré. La nature luxuriante de l'Archipel et les descriptions des maisons cachées en bord de mer illustrent le récit pour faire respirer le lecteur(trice). Le phénomène du tourisme "allemand" dans ces îles compose un arrière-plan du roman très instructif sur les dérives sectaires. Cordelia a trouvé dans cet environnement un paradis illusoire de famille unie et accomplie en se laissant engloutir dans ce magma volcanique des émotions subies. Gabriel remettra sa vie en question et revisitera son passé en analysant la fuite de sa soeur pour des raisons très précises dans leur relation fusionnelle. Cordelia est-elle vivante ou morte ? Un habitant de l'île, les aide à comprendre cette folle échappée et Gabriel pourra enfin découvrir ce "contenu du silence", le secret initial qui avait éloigné sa soeur perdue dans cette secte mortifère. Un très bon roman sur les liens frère-soeur, l'embrigadement sectaire et l'histoire cachée des Canaries pendant la Seconde Guerre Mondiale...