mercredi 10 juillet 2024

"Ce que savait Maisie", Henry James

 J'ai lu récemment une biographie sur Marguerite Yourcenar et dans sa bibliographie, j'ai remarqué la rubrique "traductions". Ce roman concernait "Ce qui savait Maisie". Quand une grande écrivaine se saisit du travail délicat de la traduction, la qualité littéraire est au rendez-vous. J'ai donc découvert ce roman dense d'Henry James, paru en 1896. Au divorce de ses parents, la petite Maisie est l'objet d'un arrangement plus que surréaliste : elle est "coupée par moitié, et les tronçons jetés impartialement aux deux adversaires". Six mois chez son père et six mois chez sa mère. Les parents se vouent une haine pathologique et la petite fille assiste à ce carnage psychologique avec son innocence d'enfant. Comment survivre dans ce monde d'adultes ? Henry James dresse le portrait d'une société victorienne quelque peu égoïste où chacun ne pense qu'à son propre intérêt et surtout pas à celui de Maisie. D'autant plus que les parents de Maisie ne s'intéressent pas du tout à elle et jouent un drôle de jeu en se servant d'elle pour régler leurs comptes. La vie de la petite fille se complique quand ses beaux-parents, la femme de son père et le mari de sa mère, deviennent amants. Sa vieille gouvernante, Mrs Wix, protège Maisie de "l'immoralite" de sa nouvelle famille recomposée. La pauvre petite est malmenée par ces adultes irresponsables et inconséquents qui multiplient de leur côté des rencontres amoureuses. Sommée de choisir entre sa belle-mère et son beau-père, elle ne comprend pas la situation et se laisse emporter par les décisions des uns et des autres. L'écrivain américain dénonce avec ironie les passions humaines où les adultes se déchirent, mentent, s'adorent et se détestent. Maisie regarde, sidérée, cette comédie humaine quand les "grandes personnes" pratiquent la valse des sentiments. Maître en psychologie, Henry James analyse avec une minutie profonde l'âme enfantine. "Ce que savait Maisie" : apprendre le sentiment d'abandon, constater la petitesse des adultes, ne compter que sur soi, survivre et même résister à ce concert d'hypocrisies diverses. Henry James disait : "L'art doit être dur comme du fer". Ce roman décapant, âgé de quelques décennies, conserve toute son intérêt même si les traditions familiales ont changé. Le XIXe siècle n'était pas tendre avec les enfants !