lundi 26 août 2024

"La Contrevie", Philip Roth

 J'ai relu récemment un roman de Philip Roth, "La Contrevie", paru en 1986. Cet écrivain américain, mort en 2018 à l'âge de 85 ans, appartient à mon Panthéon personnel. Ce roman, le quatrième de la suite "Nathan Zuckerman", l'écrivain fictif, l'alter ego de Philip Roth, est l'un des plus complexes dans sa construction très sophistiquée. Dans le premier chapitre, le frère de l'écrivain, Henry, devient impuissant à cause de son traitement médical concernant ses problèmes cardiaques. Ne supportant pas la chute vertigineuse de ses activités sexuelles, il opte pour une opération qui résoudra son problème mais il décède après l'opération. Dans le deuxième chapitre, Nathan rend visite à Henry, (tiens, il n'est donc pas mort !), métamorphosé en colon israélien après son opération. Le narrateur veut persuader son frère qu'il se fourvoie dans ce changement de vie. La suite du roman accentue le brouillage romanesque. En revenant chez lui, l'avion dans lequel se trouve Nathan subit une tentative de détournement. Puis Nathan choisit de se faire opérer pour guérir son impuissance et il en meurt. C'est donc Henry et Maria, le dernier amour de Nathan, qui donnent leur point de vue sur la vie de Nathan. Mais, le narrateur revient vivant dans le roman et il accompagne sa femme dans sa famille mais, en constatant leur antisémitisme, le couple finit par rompre. En fait, chaque chapitre contredit le précédent. Quelque soient les histoires farfelues et illogiques qui se succèdent, le "message" sous-jacent de l'écrivain semble atteindre sa cible : comment inventer une contrevie, une trajectoire humaine singulière ? Etre l'auteur de sa vie ? Un critique littéraire a écrit : "Tous animés du désir de changer la vie, de la changer en la risquant vraiment, le risque majeur étant assumé par les figures jumelles du narrateur et de son frère qui, réellement ou fictivement, affrontent tous deux la mort. La mort, le prix à payer pour en finir avec l'impuissance, la claustration, la contingence ; la mort, façon définitive de démontrer que la vraie vie est ailleurs". Ce roman époustouflant d'invention romanesque ressemble à un labyrinthe intellectuel et le fil d'Ariane repose sur Nathan, le narrateur qui joue un rôle majeur dans l'histoire. Comme son ami, Milan Kundera, Philip Roth écrit un roman "philosophique", sur les relations familiales, sur le couple, sur l'amour et sur la société sans oublier la notion d'identité juive qui obsède l'écrivain. L'humour caustique de l'écrivain peut déranger mais quel festival de dialogues, de pensées, de personnages loufoques dans ce roman atypique ! Philip Roth a déclaré dans un entretien de Télérama : "Le vrai écrivain n'est pas celui qui raconte des histoires, mais celui qui se raconte dans l'histoire. La sienne et celle, plus vaste, du monde dans lequel il vit". A découvrir.