mardi 10 septembre 2024

"J'habite près de mon silence", Georges Perros

 En mai dernier, je me suis recueillie sur la tombe de Georges Perros (1923-1978) à Douarnenez. Les écrivains font partie en quelque sorte de ma famille et quand je me déplace dans un coin de France ou à l'étranger, je ne manque pas ces rendez-vous d'hommage. J'ai relu cet été un recueil de poèmes, "J'habite près de mon silence", publié chez Finitude en 2006. Les vingt-huit poèmes réunis traduisent l'attachement de Perros à la Bretagne, aux marins, aux mouettes et au silence. Son style concret, réaliste, simple est à des années lumière des poèmes hermétiques de Mallarmé ou de René Char. Georges Perros avait écrit son autobiographie poétique dans "La vie ordinaire", publiée chez Gallimard. Sa présence au monde se révèle dans cette approche qui donne l'impression d'être au bord de la vie, dans une fragilité émouvante. Mais, cette mélancolie se teinte d'un humour délicat. L'écriture poétique ressemble à une bouée qu'il jette dans l'océan pour s'y accrocher. L'écriture fragmentaire du poète dans ses "Papiers collés" en trois volumes montre une démarche cohérente pour s'emparer d'un réel insaisissable qu'il traque pour restituer sa "part secrète et prégnante". Son désenchantement ne l'empêche pas d'éprouver un sentiment fraternel pour ses frères humains à la façon de Villon. Quand il évoque le silence, il le vivra dans sa chair car il sera victime d'un cancer de la gorge qui lui ôtera sa voix. Ce silence, il l'a trouvé dans cette cité marine du bout du monde, "Douar an enez", en breton, la terre de l'île, loin du vacarme parisien dans lequel il a vécu. Georges Perros avait trouvé son Ithaque et il a fini par se confondre aux hommes de la mer, ces taiseux farouches. La présence de la mer, des mouettes et des goélands l'inspire : "Car rien ne vaut, l'amour des flots, la mer sait laver nos blessures, notre remords, elle rassure, l'éternité y fait son nid, l'eau à la bouche, l'air au cri". Comment ne pas aimer ces quelques vers océaniques à retenir par coeur. Un poète sans fioritures, sobre et sensible. Le dernier poème du recueil est à méditer : "J'habite près de mon silence, à deux pas du puits et les mots, morts d'amour doutant que je pense, y viennent boire en gros sabots, comme fantômes de l'automne, mais toute la mèche est à vendre, il est tari le puits, tari". Dans nos lectures variées et diverses, n'oublions pas la poésie...