lundi 5 août 2024

"La Bête dans la jungle", Henry James

 Paru en 1903, ce roman court ou cette nouvelle dense est un des textes les plus emblématiques de l'univers romanesque d'Henry James. Les deux protagonistes se nomment John Marcher et May Bartram. Ils s'étaient rencontrés dix ans auparavant à Naples et se recroisent dans une soirée mondaine à Londres. Elle lui rappelle qu'il s'est confié à elle pour lui avouer un secret qu'elle n'a jamais divulgué. Le jeune homme imaginait qu'il lui arriverait un événement tragique plus tôt que prévu qu'il qualifie de "bête dans la jungle". Avec ce pressentiment d'une catastrophe future, John Marcher se sent en sursis et ne veut pas s'engager dans un projet de mariage avec May. Ils deviennent amis et se fréquentent souvent car May vit à Londres, ayant hérité d'une maison. Ils vont au théâtre, à l'opéra, au restaurant et partagents leurs amis. Ils mènent une vie agréable et amicale en toute quiétude, loin de la "bête dans la jungle". Quelques années plus tard, leur amitié solide et fidèle se poursuit sans mettre en question leur amitié quasiment amoureuse. Tout s'interrompt un jour alors quand May tombe gravement malade sans espoir de survivre. La vérité éclate aux yeux de John : sa redoutable "bête" a frappé son amie. La peur de la mort surgit et la catastrophe va poindre. John comprend alors qu'il va perdre l'unique amour de sa vie. Il prend conscience qu'il est passé à côté de l'amour en niant cet attachement essentiel. May avoue que le secret de la "bête" l'a rendue malade. Elle finit par s'éteindre et John se retrouve seul. Il analyse enfin son égocentrisme et son incapacité à aimer. Cette nouvelle énigmatique révèle l'art d'Henry James tout en subtilité. Ce secret dans l'image de la "Bête dans la jungle" symbolise les peurs de la solitude, de la maladie, de la mort, du malheur. Ce sentiment empêche l'élan de vie, l'instinct vital. John Marcher se retrouve seul, face à lui-même et va vivre avec cette "Bête". Marguerite Duras aimait particulièrement ce récit et s'est inspirée de ce texte dans "La maladie de la mort". J'ai relevé une citation d'Henry James qui résume sa nouvelle : "N'ayez pas peur de la vie, sachez qu'elle vaut la peine d'être vécue, la force de cette conviction la rend réelle".