mercredi 28 août 2024

"Tout va bien", Arno Geiger

 J'avais beaucoup apprécié un récit de l'écrivain autrichien, Arno Geiger, "Le vieux roi en son exil", publié chez Gallimard en 2012. Quand j'ai farfouillé les tables d'une vente de livres d'occasion ce printemps à la Chapelle Vaugelas, j'ai découvert "Tout va bien", le premier roman traduit en français en 2008. Comme je connais un peu la ville de Vienne en Autriche, j'ai tendance à m'intéresser à sa culture patrimoniale. Entre Freud et Zweig, Vienne a marqué profondément la culture européenne. Dans ce roman familial sur trois générations, l'Histoire prend toute sa place. Philipp Erlach, un quadragénaire un peu marginal, hérite de la maison de sa grand-mère dans un faubourg de la ville. Un héritage encombrant dont il ne sait que faire. Ses grands-parents, Richard et Alma, ne se sont pas compromis avec le nazisme au moment de l'Anschluss, fait rare à cette époque. Ce couple un peu bancal a traversé une tragédie intime : ils ont perdu leurs deux enfants. L'un, Otto, jeune soldat nazi est mort pendant la guerre  et leur fille, Ingrid, s'est noyée. A la fin de sa vie, Alma a aussi soigné son mari, atteint de la maladie d'Alzheimer. Arno Geiger raconte leurs histoires en mêlant le passé au présent. Il s'attache au personnage d'Ingrid, la mère de Philipp et de sa soeur, Sissi. Elle s'éprend de Peter, enrôlé dans les jeunesses hitlériennes. Les parents de la jeune fille, pourtant réticents, s'inclinent devant ce mariage avec ce garçon déboussolé. Ingrid devient médecin alors que son mari s'occupe de créer des carrefours. Au fil des années, la jeune femme comprend bien que Peter n'assume pas son rôle de mari et de père. Cette drôle de famille où la communication ne semble pas fonctionner, ne forme pas une unité harmonieuse. Chaque membre se débat dans une solitude certaine. Philipp, le dernier héritier à Vienne (sa soeur vit à New York), un homme frustré et indécis, symbolise les liens ténus d'une famille décomposée : "Tout être raisonnable regarde droit devant, et pour pouvoir regarder devant soi, il faut savoir ce qu'on a derrière soi". Cette citation d'Arno Geiger résume le roman sur la déliquescence des liens familiaux. Et quand on ignore tout de la mémoire familiale comme Philipp, l'amnésie volontaire ou pas règne aussi dans l'histoire de son pays. Ce roman dense et complexe m'a bien confirmée qu'Arno Geiger est un écrivain à découvrir !