mardi 17 septembre 2024

Marguerite Yourcenar, Hommage pour un centenaire, 2

L'écrivain Philippe Le Guillou salue l'audace de Marguerite Yourcenar quand elle a publié, "Alexis ou le vain combat", en 1929 : "Contre l'oppression, contre les ruminations du secret et de la honte, ces mots font se lever un vent de liberté magnifique". La confession d'Alexis sur son homosexualité n'est en aucun cas un manifeste politique et libertaire. L'écrivaine défend surtout la liberté absolue de l'individu. Dans sa carrière littéraire, elle a aussi traduit quelques écrivains comme Henry James, Constantin Cavafy et surtout Virginia Woolf. Christine Jordis, la grande spécialiste des romancières anglaises, relate la rencontre inédite entre les deux grandes stylistes. Elles n'ont passé que deux heures ensemble pour régler des problèmes de traduction des "Vagues", un roman polyphonique à six voix : "Dans ces Vagues, les quelques personnages ne sont plus que des mouettes au bord d'un Temps-Océan et les souvenirs, les rêves, les concrétions parfaites et fragiles de la vie humaine nous font l'effet de coquillages au bord de majestueuses houles éternelles". Comme j'aime tout particulièrement ces deux écrivaines majeures, je peux imaginer leur dialogue d'une intelligence probable mais peut-être ont-elles parlé que de Londres, de la météo, du thé qu'elles buvaient sans aborder des questions sur l'oeuvre woolfienne. Colette Fellous a écrit un article intimiste vraiment intéressant sur l'effet "Yourcenar" dans sa vie de lectrice. Elle cite en exergue cette phrase d'Anna Soror : "L'étrange état qui est celui de toute existence où tout flue comme l'eau qui coule, mais où, seuls, les faits qui ont compté, au lieu de se déposer au fond, émergent à la surface et gagnent avec nous la mer". Dans cet article, Colette Fellous voit Marguerite à Tivoli, à Naples, à Pompéi dans la "Villa des Mystères" : "On peut rétrécir à son gré la distance des siècles". Cette remarque me plaît beaucoup tant j'aime arpenter les sites archéologiques où chaque grec ou romain me semble très proche de moi. J'annule ainsi les deux mille ans qui nous séparent. Hadrien, Zénon, Nathanaël, Alexis, tous ses héros deviennent nos contemporains. Marguerite Yourcenar avait la passion des voyages, des rencontres, des villes, des paysages, du passé comme du présent, de la vie tout simplement. Ce recueil rend un hommage vivant et admiratif pour la puissance narrative de l'écrivaine qui a voué sa vie à la littérature. Vraiment, une grande dame des Lettres françaises. Certains critiques la jugent compassée, vieillote, marmoréenne... Je suis persuadée qu'ils ne l'ont pas bien lue ! Bien au contraire, sa planète imaginaire explore le temps humain d'Hadrien à Michel, son père et avec elle, je voyage dans tous les siècles.