jeudi 8 août 2024

Charles Juliet, hommage

 J'ai appris la mort de Charles Juliet à Lyon le 26 juillet dernier à l'âge de 89 ans. J'ai lu cet écrivain discret et intimiste dans les années 80 surtout son journal, écrit en 1965 jusqu'en 2008. Dans son dernier opus, nommé "Gratitude", il explique le besoin de l'écriture quotidienne : "Ce journal répond au besoin que j'ai de tenir ce qui m'échappe, cette vie qui me traverse et dont je tiens à garder la trace. Certes, le temps emporte tout, mais donner forme à ce que je ne veux pas perdre, c'est mieux me comprendre, c'est dégager le sens de ce qui m'échoit. Et au terme de la moisson engrangée, c'est d'offrir les mots rassemblés à cet autre qui se cherche. En espèrant le rejoindre dans sa solitude et lui être ce compagnon qui chemine à ses côtés". Charles Juliet est né dans une famille pauvre et sa mère suicidaire, atteinte d'une dépression, est internée dans un hôpital psychiatrique. Le petit garçon est recueilli dans une famille d'adoption en Suisse. A sept ans, il apprend la mort de sa mère biologique à l'âge de 38 ans car, pendant la guerre, les malades internés n'étaient pas assez nourris. A douze ans, il entre comme enfant de troupe à l'école militaire d'Aix-en-Provence et il raconte cette expérience douloureuse dans "L'Année de l'éveil", publié en 1989. Son journal et ses récits sont imprégnés de cette enfance douloureuse malgré uns famille d'adoption aimante. Il se consacre à l'écriture-reconstruction : "La connaissance de soi est avant tout une destruction douloureuse à vivre. Elle vous fait vaciller, met votre vie en jeu". Il rencontre des artistes comme Bram van Velde, Pierre Soulages, Samuel Beckett, Michel Leiris. Dans les neuf tomes de son journal, il relatait dans un style dépouillé les drames familiaux, les destins brisés et il ressentait une empathie totale envers ces bléssés de la vie : "Il y a des êtres qui sont effrondés et qui n'ont pas les moyens de dépasser cette souffrance. Ils restent en panne, quelque part". A la fin de sa vie, il avait atteint une certaine sérénité et le titre de son dernier journal, "Gratitude", peut résumer sa pensée de vieux sage qui a consacré sa vie à la littérature, à la poésie et à l'art. Un écrivain sensible à découvrir ou à relire.