jeudi 28 octobre 2021

"Satisfaction"

 Nina Bouraoui a choisi la forme d'un journal intime dans son dernier roman, "Satisfaction", publié chez Lattès. Michèle Akli, une femme française, dévoile ses secrets et ses tourments dans une Algérie indépendante. En 1962, cette bretonne a suivi son mari algérien, Ibrahim, directeur d'une usine à papier. Sa vie quotidienne se partage entre une vie quotidienne ennuyeuse et l'éducation de son fils, Erwann. L'épouse modèle se déprend d'Ibrahim pour s'occuper exclusivement de son jeune enfant. Elle sombre dans une certaine mélancolie dépressive car elle se sent loin de chez elle et la greffe avec son nouveau pays ne prend pas. Sentiment de solitude, présence de l'ivresse, déréliction envahissent l'esprit de Michèle, "un colon de la seconde génération". Son ennui de vivre commence à s'atténuer quand elle rencontre Bruce, une amie de son fils. Cette petite fille à l'allure d'un garçon et elle a choisi son prénom à cause de Bruce Lee. Elle inquiète la traditionnelle Michèle, peu encline à la mise en question sexuelle. Bruce, la petite fille délurée, présente sa mère aux parents d'Erwann. Cette femme libre et androgyne fascine l'épouse classique et elle ressent pour elle une émotion inhabituelle, un trouble sexuel qu'elle s'empêche de vivre. Car, l'art de Nina Bouraoui se déniche dans les touches sensuelles de son écriture : la beauté de la mer, la caresse du soleil, les plats qu'elle cuisine avec amour, la nature environnante, son jardin qu'elle soigne avec passion. Michèle révèle aussi dans ses carnets la présence menaçante de police algérienne qui se méfie des couples mixtes. Ces notations sur l'atmosphère étouffante d'Alger sont distillées par touches discrètes tout au long du texte. La narratrice vit donc une crise existentielle : "Je me suis trompée de vie. Je ne veux pas y croire, mais je l'écris, ce qui est écrit est à demi écarté. Il existe une illusion des mots, du langage qui parvient à réparer, ou, quand elle n'y parvient pas, à transformer la réalité, nous consolant de nos défaites". Va-t-elle quitter Ibrahim ? Rompre la monotonie de sa vie grâce à un emploi dans un lycée français ? Il faut lire ce beau récit d'une poésie légère et délicate. L'écrivaine française décrit son pays d'origine qu'elle a quitté à l'âge de 14 ans. Sa prose, influencée par son écrivaine préférée, Marguerite Duras. envoûte son lecteur(trice) sans modération. Un des meilleurs romans de cette rentrée littéraire.