vendredi 17 mars 2023

Les cabanes à livres

 Lors de mon séjour en Côte basque, j'ai revu mes cabanes à livres situées dans la commune d'Anglet, commune prise en sandwich entre Biarritz et Bayonne. J'avais conservé dans la maison de mon frère des livres, collectionnés pendant mes études de lettres et comme je ne voulais pas les déménager à Chambéry, j'ai décidé de les intégrer dans les cabanes disposées le plus souvent dans les jardins publics de la ville. Mon gentil frère s'est chargé de cette mission avant mon arrivée. A mon grand étonnement, les classiques déposés, de Rabelais à Balzac, en passant par Baudelaire et Rimbaud,  ont tous été retirés par des lecteurs et des lectrices anonymes en quelques jours. J'éprouve une grande satisfaction quand j'imagine ces romans dans les bibliothèques privées d'Anglet. Dans les années 70 (ma séquence nostalgie), la démocratisation culturelle battait son plein. Il existait des collections reliés en simili cuir qui, comme des peintures en trompe l'œil, reconstituaient des bibliothèques "bourgeoises". Posséder de nombreux livres chez soi représentait une conquête culturelle. Certains éditeurs proposaient les œuvres complètes à des prix attractifs comme les classiques français, des auteurs modernes comme Aragon ou Colette, des littératures étrangères, etc. Ces ventes parfois à crédit ont disparu de notre horizon commercial. Il ne reste plus que la Pléiade chez Gallimard pour lire la littérature mondiale ou les Folio. Du grand luxe et des poches. Jeune, j'avais ce désir "livresque" d'habiller mes murs avec des belles étagères bien remplies. Inconsciemment, ces remparts de papier m'apportaient un sentiment quasi océanique envers la littérature comme on l'éprouve devant l'océan. Tous ces romans lus ou à lire apaisaient ma faim originelle d'appréhender le monde de la création littéraire. Quel est l'éditeur qui reviendrait, aujourd'hui, sur ces formules de vente ? Aucun.  J'ai donc fouillé cinq cabanes à Anglet et évidemment, je ramène à Chambéry un ouvrage de Claude Mauriac sur Marcel Proust dans la collection "Ecrivains de toujours". Cette collection "Microcosme", née dans les années 60 jusqu'en 1981, me rappelle mes nombreuses lectures d'étudiante en lettres où j'ai englouti avec passion les classiques étudiés : de Balzac à La Fontaine, de Zola à Proust, de Nerval à La Bruyère. C'est pour cette raison que je commence à relire mes classiques et cette envie ressemble à un bain de jouvence, un retour proustien sur ma jeunesse sérieusement studieuse. Et j'avoue que je redécouvre avec encore plus d'intensité des écrivains que je n'avais pas relus depuis des décennies comme Colette tout récemment.