vendredi 13 mars 2020

Devenir une île

Notre Président a pris une décision historique pour freiner l'épidémie du coronavirus, une catastrophe sanitaire qui va s'amplifier. Il fallait un choc pour faire comprendre aux Français que la situation s'avérait plus grave et plus sérieuse. Un des éléments qui permet de ralentir la contamination concerne la "distanciation sociale". La fermeture des écoles, des lycées, des collèges, des universités va confiner nos chers petits au sein de leur famille respective. Une rupture pédagogique inédite car, même en temps de guerre, les écoles fonctionnaient. Les gestes d'hygiène ne sont pas assez respectés dans la population par manque de discipline. J'ai remarqué, à la sortie du collège,  que des adolescentes s'embrassaient encore. La négation inconsciente de ce désastre sanitaire me semble hallucinant. Mercredi encore, je discutais avec des bibliothécaires qui recevaient beaucoup d'enfants dans le cadre d'une animation un peu exceptionnelle. Quand j'ai montré mon étonnement devant un tel regroupement, la bibliothécaire ne semblait pas mesurer la dangerosité de cet événement festif. Aujourd'hui, j'apprends que notre maire impose avec raison la fermeture des bibliothèques, de la piscine, de la patinoire. Enfin, les manifestations sportives seront annulées. La responsable de l'AQCV m'a aussi informée que l'atelier Lectures ne pouvait plus se tenir jusqu'en fin avril et même plus tard. Le temps de la vie sociale est suspendu. Heureusement, il reste les messages, le téléphone, le Skype pour maintenir les liens familiaux et amicaux. Une nouvelle et redoutable guerre est déclarée, m'a dit une personne qui a vécu les bombardements à Chambéry. J'ai évoqué dans ce blog la notion de collapsologie, d'effondrement, ce nouvel horizon qui se dessine, un horizon inquiétant, menaçant. J'ai aussi pensé au film "Contagion", vu récemment, ou à des séries américaines racontant des épidémies qui déciment une partie de l'humanité. Face à ce tsunami lent et submergeant nos consciences, comment réagir moralement ? Se ressourcer dans les livres de philosophie, surtout chez les Stoïciens, s'évader avec des très bons romans, retrouver les chemins de la poésie, découvrir des essais pour réfléchir. Ce temps de solitude contrainte doit servir à se recentrer sur des priorités personnelles parfois délaissées avant. Le message est tombé hier avec le Président : la crise sanitaire va durer des mois, la contagion progresse, le virus n'est pas une petite grippe sans conséquence. Chaque individu doit se transformer en île, une petit îlot qui ne doit toucher quiconque. Quand je vois les images de Venise, de Rome, de Milan, ces villes vidées de leurs habitants et de leurs touristes, je me souviens des œuvres fascinantes de Giorgio de Chirico : un monde où les humains ont disparu de la surface urbaine. L'art prémonitoire de ce peintre métaphysicien me touche particulièrement. Après ce séisme planétaire, le monde reprendra ses couleurs, mais j'espère qu'il sera meilleur…