lundi 18 novembre 2013

Doris Lessing

Doris Lessing vient de disparaître à l'âge de 94 ans, à Londres. Elle avait enfin obtenu le prix Nobel de Littérature en 2007 et avait conservé tout son humour en s'exclamant : "Oh ! mon Dieu!, Ils ont pensé, là-bas les Suédois : celle-là a dépassé la date de péremption, elle n'en a plus pour longtemps. Allez, on peut le lui donner !".  Pourtant, le jury Nobel a longtemps hésité à lui offrir ce prix car Madame Doris Lessing présentait un profil quelque peu iconoclaste et radical. Elle est née en 1919 en Perse dans une famille de la classe moyenne et immigre en Rhodésie du Sud. Elle quitte l'école à 13 ans pour se former sans influence extérieure. Elle se marie à 19 ans, divorce, se remarie avec un certain Lessing dont elle gardera le nom. Et redivorce plus tard. Elle s'éloigne du parti communiste de son pays après les événements de Hongrie.
à l'annonce de l'obtention du prix Nobel de littérature, le 11 octobre 2007. | AFP/SHAUN CUR
En 1949, elle quitte l'Afrique pour Londres et commence pour elle, sa carrière littéraire : une soixantaine de romans, des poèmes, des pièces de théâtre et même des opéras. Son cycle romanesque en cinq volumes, le plus connu, s'intitule "Les Enfants de la violence", publié de 1952 à 1965. Son regard sur la condition des femmes à travers le personnage emblématique de Martha Quest  marquera des générations de lectrices (dont moi, évidemment). Je me souviens surtout de ma lecture fascinante du "Carnet d'or" dans les années 70 (prix Médicis étranger en 1976). Mon féminisme a pris racine avec Simone de Beauvoir et, peut-être aussi avec Doris Lessing. Il ne faut pas cantonner cette immense écrivaine au  féminisme. Elle refusait de s'enfermer dans cette école de pensée. Pour beaucoup de ses lecteurs fidèles, elle représente un souffle de liberté, de non-conformisme et d'indépendance. A travers ses ouvrages, elle construit une critique fondamentale contre un monde injuste, violent et patriarcal. S'il fallait choisir un livre pour la connaître, je conseille "Le Carnet d'or", mais aussi "La Terroriste", publié en 1985. A la fin de sa vie, elle s'est tournée vers le soufisme et a composé des romans plus courts mais tout aussi dérangeants.  Ce billet s'est inspiré d'un excellent article de Josyane Savigneau dans le monde d'aujourd'hui, article très instructif à base de citations de Doris Lessing. La fin d'une époque littéraire, celle des années 70 à 90, une époque fertile pour la littérature.
La romancière britannique Doris Lessing à Londres, le 30 janvier 2008. | REUTERS/TOBY MELV