lundi 5 février 2018

Rubrique cinéma

L'année cinématographique démarre décidément bien avec de très bons films. Je suis allée voir "La douleur" du réalisateur Emmanuel Finkiel. J'avais lu en 1985 les récits autobiographiques de Marguerite Duras, des textes difficiles, sombres et vrais sur le retour de son mari, Robert Antelme, grand résistant, arrêté et interné à Dachau. L'écrivaine les avait laissés dans les "armoires bleues" de Neauphle-le-Château et elle avait consigné l'histoire en marche : l'Occupation à Paris, la Libération, la fête, l'euphorie de la victoire. Mais, le texte, intitulé "La douleur", raconte l'attente insoutenable de son mari dont elle n'a aucune nouvelle depuis sa déportation. Elle appartient à un groupe d'intellectuels, militants de gauche, dont les personnages de François Mitterrand, chef du réseau et de Dionys Mascolo, son amant du moment et futur père de son fils unique. Le réalisateur s'est emparé du deuxième texte,"Monsieur X, dit Pierre Rabier" pour le combiner avec le premier texte. La jeune femme, bouleversée par l'absence de son mari, entreprend une démarche dans un bureau de la Gestapo. Elle veut expédier un colis dans le camp où est détenu Robert Antelme et rencontre un responsable, Pierre Rabier. Il veut l'aider à retrouver le prisonnier et lui offre ses services. Ils se téléphonent régulièrement pour se donner rendez-vous car ce collabo crapuleux l'admire en tant que jeune écrivaine. Son désespoir est tellement vif qu'elle mendie, avec ambiguïté,  des miettes d'information sur son mari. La Libération approche et Paris fête cet événement tant attendu dans une liesse populaire que la jeune femme ne peut supporter. Elle déambule dans la ville avec sa propre douleur et redoute sans cesse le pire. Une voisine, Madame Katz, se réfugie chez elle pour attendre le retour de sa fille, qui, évidemment, ne reviendra jamais du camp de concentration. Cette femme magnifique, cette mère courage qui repasse les vêtements de sa fille à jamais perdue, symbolise la tragédie de la Shoah. Le groupe de résistants envoie une délégation pour extirper Robert Antelme de Dachau et le ramène à Paris dans un état comateux. Les dernières images du film montrent la résurrection lente de ce Lazare des camps, incarné dans "une silhouette fantomatique à la Giacometti". Ce film fort et émouvant a réussi un pari impossible : adapté Marguerite Duras. En sortant de la salle, je me suis promis d'ouvrir ma Pléiade pour relire "la douleur"...