lundi 7 août 2023

"Mrs Dalloway", Virginia Woolf, 1

 Comme tous les étés, j'ai un rendez-vous avec ma chère Virginia, une amie de très longue date, plus de quarante-cinq ans de compagnonnage. Je parle de Virginia Woolf, une écrivaine anglais fabuleuse, une icône de la littérature mondiale. Les critiques littéraires évoquent souvent des noms d'écrivains quand on leur parle des géants du XXe siècle comme Céline, Proust, Joyce, Faulkner. Mais peu de spécialistes parlent de Virginia Woolf. Serait-ce un oubli basé sur une certaine misogynie ou sur une inculture notoire ? Pour moi, l'écrivaine anglaise a marqué le siècle précèdent dans toutes les dimensions : littéraire, politique, sociologique et philosophique. Son essai "Une chambre à soi" a eu une influence certaine sur la libération des femmes et a servi de prise de conscience pour de nombreuses générations sur un élément fondamental : l'indépendance financière des femmes. J'ai donc relu pour la quatrième fois, avec un sentiment d'admiration constante, son chef d'œuvre absolu, "Mrs Dalloway", publié en 1925 et édité chez Folio, traduit par Marie-Claire Pasquier. Plus je navigue dans la prose sinueuse et poétique de Virginia, plus je l'apprécie, je la savoure tout en l'analysant et à un détour de phrase, j'entends la voix de Virginia dans ses réflexions philosophiques. Dès les premières lignes, Mrs Dalloway, Clarissa de son prénom, issue de la grande bourgeoisie londonienne, quitte son appartement pour aller chez le fleuriste. Tout autour d'elle, Londres en 1923 et ses bruits dont les sons de Big Ben, des passants, des voitures, des couleurs chatoyantes, des mouvements perpétuels. Elle rêve, Clarissa, elle pense sans cesse. Ses pensées intimes dérivent sur le flot du réel. Cette technique littéraire du "flux de la conscience" s'apparente au monologue intérieur. Quand elle revient chez elle, son mari absent de la maison a été invité chez une amie. Un soupçon d'infidélité la taraude et elle songe à son premier soupirant, Peter Walsh. A-t-elle fait le bon choix en épousant Richard Dalloway ? Celui-ci a quitté l'Inde pour revenir en Angleterre et rend une visite imprévue à Clarissa. Leur passé commun réveille en eux des souvenirs nostalgiques. En contrepoint, un personnage sans lien avec l'héroïne du roman, Septimus Warren Smith, un jeune militaire revenu du front, souffre d'un trouble de stress post-traumatique. Virginia Woolf décrit la folie du jeune homme avec une connaissance pratique car elle a connu elle-même des dépressions nerveuses graves. Elle règle ses comptes avec les médecins psychiatres de son époque. (La suite, demain)